Influenceur Doualemn : Bruno Retailleau a-t-il voté la disposition à l’origine de l’annulation de son OQTF ?

Invité de France Inter, le ministre de l’Intérieur a été pris à partie par un magistrat du tribunal de Melun. Le magistrat a pointé la responsabilité de Bruno Retailleau et du groupe LR du Sénat dans la disposition du texte de loi que le tribunal a appliqué pour annuler l’OQTF visant l’influenceur algérien Doualemn.
Simon Barbarit

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Moment de flottement ce matin sur France Inter. Ce n’est pas parce que Bruno Retailleau a refusé de dévoiler sa candidature à la présidence de LR, laquelle sera confirmé quelques minutes plus tard dans le Figaro, mais parce que le ministre de l’Intérieur a semblé embarrassé pour répondre à la question d’un auditeur.

Un auditeur, un peu particulier, Christophe, se présente comme un magistrat au tribunal de Melun qui a annulé l’OQTF visant l’influenceur Algérien Doulemn. Au début de l’année, Doualemn avait proféré des menaces contre un opposant au régime algérien dans une vidéo TikTok. Le ministre de l’Intérieur avait retiré son titre de séjour de 10 ans délivré le 26 décembre 2024 et prononcé son expulsion du territoire français dans le cadre d’une procédure d’urgence absolue. Le tribunal administratif de Paris a, depuis, suspendu l’expulsion de l’influenceur vers l’Algérie (lire notre article). A la suite de cette suspension, le préfet de l’Hérault avait pris à l’encontre de Doualemn une obligation de quitter le territoire français assortie d’une interdiction de retourner en France pour une durée de trois ans. L’OQTF a été annulée par le tribunal administratif de Melun, le 6 février dernier.

Suite à cette décision, le ministre de l’Intérieur avait estimé qu’il y avait « des points sur lesquels on doit changer la loi » « Aujourd’hui, on a quantité de règles juridiques qui ne protègent pas la société française », avait-il estimé.

« Je voulais juste vous rappeler M. le ministre que le jugement qui a eu l’air de vous contrarier n’est que la stricte application du droit », a d’abord rappelé le magistrat, à l’antenne, ce matin. La disposition en question, l’article L432-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), a été ajoutée à la loi immigration du 26 janvier 2024 par un amendement des rapporteurs, les sénateurs Muriel Jourda (LR) et Philippe Bonnecarrère (centriste). Les corapporteurs du texte relevaient, comme le conseil d’Etat dans son avis, une fragilité juridique « dans l’émission d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à l’encontre d’un étranger qui s’est vu retirer sa carte de résident pour motif d’ordre public ». « Cela n’est pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui considère qu’une simple menace à l’ordre public ne peut suffire à justifier l’éloignement de l’intéressé », précisent les motifs de l’amendement.

« Un amendement pour rassurer le Conseil d’Etat »

C’est pourquoi l’amendement de la commission des lois, le n°636 précisait que le « titulaire d’une carte de résident ne peut jamais faire l’objet d’une OQTF lorsque sa carte de résident lui est retirée ou son renouvellement refusé pour des motifs d’ordre public ». Cet amendement « a été voté par le groupe LR du Sénat dont M. Retailleau était le président », a rappelé l’auditeur de France Inter.

Interrogé sur sa participation au vote de cet amendement, Bruno Retailleau a répondu : « ça m’étonne. Peu importe ». « Il faudra vérifier », lance alors Léa Salamé.

L’amendement en question a été examiné dans la soirée du 9 novembre 2023. Bruno Retailleau était bien présent. Présentée par Muriel Jourda comme « un amendement pour rassurer le Conseil d’Etat », la disposition n’a pas fait l’objet de scrutin public ni d’explication de vote, et a été adoptée dans le cadre d’une discussion commune sur une série d’amendements. Sur les images, le sénateur LR de Vendée lève bien la main pour voter pour (voir la vidéo). Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu à nos sollicitations.

 

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