Face à la crise en Nouvelle-Calédonie, l’exécutif s’est finalement résigné à décaler d’une année les élections provinciales qui étaient prévues en décembre. Mais ce report nécessite un texte de loi. Dans un contexte parlementaire tendu, l’exécutif devrait s’appuyer sur une proposition de loi déposée par les sénateurs socialistes.
Inondations : un rapport du Sénat pointe le manque d’anticipation
Par Quentin Gérard
Publié le
Comment mieux armer les territoires face aux inondations à répétition ? Jean-François Rapin, sénateur Les Républicains du Pas-de-Calais et Jean-Yves Roux, sénateur RDSE (Rassemblement démocratique et social européen) ont mené une mission de contrôle sur les violentes crues survenues en 2023 et début 2024. Après huit mois de travaux et plus de mille témoignages d’élus locaux requis, ils soumettent des recommandations pour « mieux armer les territoires » et « repenser la politique de lutte contre les inondations » dans un contexte de changement climatique.
1 personne sur 4 exposée aux inondations
En termes de dégâts matériels et de populations exposées, les inondations « constituent le premier risque naturel en France », rappelle Jean-Yves Roux lors d’une conférence de presse pour présenter leur rapport. Elles sont responsables de la moitié des personnes sinistrées liée aux catastrophes naturelles. 18,3 millions de Français résident et travaillent dans des zones exposées aux inondations. Soit une personne sur quatre. (Voir vidéo ci-dessous).
Si les causes sont avant tout météorologiques et liées au dérèglement climatique, les inondations peuvent être aggravées par des facteurs humains comme l’artificialisation des sols ou la destruction des espaces naturels. « Les conséquences concrètes du changement climatique sur les inondations et les submersions marines s’observent déjà sur la période récente », indiquent les sénateurs dans leur rapport. « L’augmentation des températures ainsi que l’élévation du niveau de la mer conduira à une hausse de la fréquence des inondations et des submersions marines », poursuivent-ils. A l’horizon 2050, la sinistralité moyenne par année des inondations pourrait augmenter de 6 % à 19 % et celle des submersions marines de 75 à 91 %.
13 décès liés aux inondations entre novembre 2023 et juin 2024
Déjà en 2023 et 2024, les inondations ont été inédites par leur ampleur géographique et temporelle. Elles sont notamment dues aux successions continues de passages pluvieux. De mi-octobre à mi-novembre 2023, le record du cumul mensuel de pluie national, atteint en 1988, a été battu. Entre novembre 2023 et juin 2024, 54 départements ont été touchés par des inondations. Soit plus d’un sur deux. Elles ont causé treize décès. Les victimes sont concentrées dans les zones montagneuses et plus spécifiquement dans l’arc méditerranéen.
Pour les élus, il faut diffuser la culture du risque pour réduire la vulnérabilité des territoires. 66 % des Français résidant dans une zone ne se sentent pas exposés aux inondations. « Si l’information mise à disposition du public s’est largement renforcée, son appropriation soulève certaines difficultés », soulignent-ils. Les rapporteurs encouragent les actions de commémoration des inondations passées, les partages d’expérience et la formation des élus locaux et fonctionnaires.
Simplifier la gestion des cours d’eau
La gestion des cours d’eau doit être simplifiée précise le rapport. Leur bon état est un facteur de réduction de la gravité des crues. « Or, les règles encadrant l’entretien des cours d’eau s’avèrent particulièrement difficiles à appréhender, compte tenu de la diversité des procédures applicables », expliquent les sénateurs. Ce maquis réglementaire conduit certains élus locaux à l’inaction. Ils craignent de commettre une infraction et faire l’objet de poursuites judiciaires. Les rapporteurs préconisent donc la conduite d’un travail pédagogique de l’Etat auprès des élus locaux pour clarifier la distinction des procédures applicables juridiquement.
« Au cours de nos travaux, nous avons identifié un problème sérieux de répartition de la charge de la prévention des inondations entre les collectivités », affirme Jean-François Rapin, président de la Commission des Affaires européennes au Sénat. Il vise la taxe Gemapi, aussi appelé taxe inondation. Cet impôt facultatif est perçu par les intercommunalités pour couvrir la charge de prévention des inondations. Il est plafonné à 40 euros par habitant. « Les intercommunalités qui doivent réaliser les travaux les plus importants ne sont pas souvent celles qui perçoivent le plus de recettes », continue le sénateur du Pas-de-Calais. Face à ce constat les rapporteurs demandent la mise en place d’un fonds de péréquation qui permettrait « une véritable solidarité ». (Voir vidéo ci-dessous).
Assurer la résilience des territoires face aux inondations
Toujours en lien avec les collectivités territoriales, les élus appellent à simplifier les actions de prévention et à mieux maîtriser l’urbanisation en zone inondable. « Les programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) se heurtent à de trop nombreuses lourdeurs administratives », indiquent-ils. De son côté, la couverture du territoire par les plans de prévention des inondations (PPRi) est louée par le rapport. C’est un document cartographique et réglementaire. Il évalue les zones pouvant subir des inondations et instaure des remèdes techniques, juridiques et humains pour y faire face. « Il s’agit désormais de parachever cette couverture et de mieux prendre en compte les effets du changement climatique dans ces outils », plaident les élus.
Si le système de prévision des inondations a prouvé son efficacité, « il doit encore monter en puissance face aux défis climatiques ». Pour mieux anticiper les crises futures, les rapporteurs veulent étendre la couverture de Vigicrues à l’ensemble du territoire d’ici 2030. Aujourd’hui, il couvre 75 % de la population vivant en zone inondable. Ils souhaitent aussi permettre à Météo France de s’adapter à l’intensification des catastrophes naturelles dans le contexte de dérèglement climatique.
Mieux outiller l’Etat et les élus locaux
Le rapport pointe les limites des services de secours. « Face aux inondations sans précédent, spécifiquement dans le Nord et le Pas-de-Calais, ils ont été confrontés à leurs limites, nécessitant l’intervention de renforts européens », indique-t-il. Et de continuer : « Le manque d’équipement de pompage lourd et de capacités héliportées a révélé l’impératif d’un renforcement capacitaire ».
Les sénateurs notent que les élus municipaux ont joué un rôle clé pendant les dernières inondations. Ils ont pu apporter une « réponse efficace » aux besoins de la population. Notamment grâce au plan communal de sauvegarde (PCS). Cet outil organise, sous l’autorité du maire, la préparation et la réponse pendant une situation de crise. Mais aussi grâce au plan intercommunal de sauvegarde (PICS). Ce dernier permet la mutualisation entre les petites villes. Les rapporteurs préconisent un accompagnement des communes dans leurs démarches d’élaboration du PCS et PICS dans les territoires où une telle démarche n’est pas adaptée.
L’après-crise, « l’angle mort » de la lutte contre les inondations
Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux évoquent l’après-crise comme « l’angle mort » de la lutte contre les inondations. Les démarches associées aux catastrophes naturelles sont très contraignantes pour les communes. « Il n’est donc pas exagéré de dire que la crise peut s’étendre sur des mois, voire des années après la catastrophe », indiquent-ils. Les deux rapporteurs proposent l’instauration d’un mécanisme de solidarité entre intercommunalités pour qu’elles puissent mutuellement s’apporter un appui technique et administratif. Les élus demandent aussi une avance de trésorerie pour les collectivités qui ont subi des inondations. Et en cas de nouveaux dommages, ils préconisent une procédure d’instruction accélérée des travaux de réparation. Objectif : une reconstruction plus rapide et plus résiliente.
Selon les rapporteurs, les sinistrés rencontrent des difficultés à renégocier leurs contrats d’assurance. La réalisation du sinistre les met dans une position délicate vis-à-vis de leur assureur. « Ils savent qu’au regard de leur exposition aux risques, trouver un nouveau contrat d’assurance serait complexe s’ils rompaient le leur », précisent-ils. Les sénateurs proposent détendre la compétence au Bureau central de tarification pour que cette autorité administrative puisse directement renégocier les contrats d’assurance.
Mieux reconstruire
Les sinistrés utilisent souvent leurs primes d’assurance pour effectuer des reconstructions à l’identique. Pourtant, le bien endommagé aurait pu être amélioré au niveau de la prévention des risques naturels ou de l’efficacité énergétique. « Un véritable gâchis », pour les élus. Ces derniers recommandent de favoriser l’utilisation des indemnités d’assurance pour reconstruire de manière résiliente. Plus généralement, la période postérieure aux inondations est propice pour renforcer la prévention des inondations futures. Les rapporteurs suggèrent de généraliser à terme l’expérimentation « Mieux reconstruire après l’inondation », une disposition déployée dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais après les inondations en hiver 2023.
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