Philippe Bas (LR) et Victorin Lurel (PS) se sont déplacés dans sept collectivités avant de rendre leur rapport où ils préconisent « un choc régalien » dans les territoires d’Outre-mer. Indépendamment du statut ou du degré d’autonomie de ces territoires, les deux corapporteurs ont constaté « une dégradation de la sécurité ». « Les crimes et délits continuent d’augmenter. Il y a une spécificité de la violence outre-mer. La violence intrafamiliale, les homicides sont nombreux. Le narcotrafic est en pleine expansion », a listé Philippe Bas.
Alors que l’Outre-mer représente 4 % de la population française, il s’y produit 30 % des homicides, 50 % des vols à main armée, 25 % des atteintes aux personnes, 50 % des agressions envers les gendarmes. Et 50 % des saisies de cocaïne ont été effectuées dans les Antilles-Guyane, liste le rapport.
« Une partie de cette violence ultramarine est une violence importée avec, pendant de nombreuses années, une immigration hors de contrôle », insiste Philippe Bas.
« Repousser les menaces à nos frontières »
Outre la hausse des crédits des forces de sécurité intérieure et de la justice inscrits dans les lois de programmation récentes, la mission d’information propose des leviers d’action supplémentaires. « Il faut rétablir un rapport de dissuasion et repousser les menaces à nos frontières », appuie Victorin Lurel, décomposant en trois parties les propositions sénatoriales.
Il s’agit d’abord de restaurer la sécurité du quotidien, en densifiant l’implantation territoriale des forces de sécurité ou encore en renforçant l’incarnation de la justice partout, avec le développement des audiences foraines dans les zones isolées, des points d’accès au droit. Les élus appellent à « une adaptation en continu des lois et règlements. Les contraintes opérationnelles de nombreux territoires ultramarins, et en particulier de ceux parmi les plus pauvres ou les plus isolés comme Mayotte et la Guyane ». « Ce sont des mesures très simples », insiste Philippe Bas. « Par exemple, il faut des interprètres diplômés pour mener à bien la justice alors qu’il y a plein de gens qui parlent parfaitement toutes les langues et qui n’ont pas ces diplômes, utilisons-les ».
Une autre série de mesures consiste à durcir et spécialiser la lutte contre les narcotrafics dans ces territoires. Cela passe notamment par la création au sein du tribunal judiciaire de Cayenne, d’une chambre correctionnelle permanente, d’une section du parquet en charge de la criminalité organisée ou encore « doter chaque bassin océanique de capacités de police scientifique et technique pour une exploitation plus rapide des données et sans passer nécessairement par l’Hexagone ».
« Rideau de fer » entre Mayotte et les Comores
Enfin, la mission du Sénat insiste sur la lutte contre l’immigration clandestine massive un « facteur de déstabilisation des sociétés ». A Mayotte, les élus préconisent d’engager tous les moyens nécessaires à la réussite du « rideau de fer » vis-à-vis des Comores par le déploiement d’un système global modernisé de détection et de surveillance (radars, drones, surveillance aérienne, caméras longue portée…), de rendre obligatoire la justification de l’origine des fonds dès le premier euro pour les transferts d’argent en espèces vers les Comores, mais aussi réaliser « une étude d’impact sérieuse » de la réforme adoptée en 2018 des modes d’acquisition de la nationalité française par les enfants nés à Mayotte de parents étrangers.
Définir une diplomatie française des outre-mer, soit une diplomatie qui prend prioritairement en considération les intérêts des territoires ultramarins dans les relations avec les pays voisins, figure également parmi les recommandations, de même que prioriser la coopération judiciaire et policière avec tous les États situés dans l’espace régional des outre-mer.
Les conclusions de ce rapport ont été adoptées à l’unanimité des membres de la délégation sénatoriale aux Outre-mer.