Intelligence artificielle : « Mon objectif est de faire de la France une grande puissance de l’IA », affirme Clara Chappaz

La ministre de l’intelligence artificielle et du numérique a été auditionnée par la commission des Lois du Sénat ce mardi 26 novembre sur les conséquences de cette nouvelle technologie dans le secteur de la justice. Elle a aussi profité de l’occasion pour détailler sa feuille de route au gouvernement.
Quentin Gérard

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La secrétaire d’Etat en charge de l’intelligence artificielle et du numérique est confiante : la France sera un pays majeur de l’IA. Dans le cadre de la mission d’information sur l’intelligence artificielle et les professions du droit, elle a été auditionnée par la commission des Lois du Palais du Luxembourg. Clara Chappaz a exposé aux sénateurs les défis que devra affronter le secteur, mais a aussi détaillé sa feuille de route au gouvernement.

« Notre travail doit profiter à l’ensemble de nos concitoyens »

L’ancienne directrice de la French Tech – une administration publique chargée de soutenir l’écosystème des start-up françaises – a quatre grands objectifs à la tête de son ministère : faire de la France une grande puissance de l’IA, soutenir les jeunes entreprises, protéger l’espace numérique en construisant un cadre de régulation équilibré et promouvoir un numérique inclusif, responsable et durable. « Notre travail doit profiter à l’ensemble de nos concitoyens », assure-t-elle. « Nous devons aussi répondre aux défis toujours plus nombreux en France et en Europe dans un contexte de tensions géopolitiques extrêmement fortes et d’une concurrence économique qui s’accélère », ajoute la diplômée d’un MBA à Harvard Business School.

La ministre abonde, aujourd’hui, « la France occupe une place incontournable dans le secteur de l’intelligence artificielle ». Ce succès serait le fruit d’un effort engagé depuis plusieurs années par Emmanuel Macron. « Plus de mille start-up en IA ont été créées et certaines sont reconnues dans le monde entier. Comme Mistral IA, Kingface ou Photoroom », souligne en guise de preuve Clara Chappaz. En 2024, ces entreprises françaises ont levé 1,2 milliard d’euros. C’est une augmentation de 63 % en l’espace d’un an. A la tête d’un ministère d’un montant de 2,5 milliards d’euros, elle entend « bâtir un vivier d’excellence qui permettra de créer d’autres start-up d’excellence ».

« L’IA suscite encore des inquiétudes et une crainte pour l’emploi »

Les 10 et 11 février en ligne de mire. La France organisera le prochain sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle. « Ce sera un catalyseur pour affirmer la place de notre pays sur la scène internationale », explique la secrétaire d’Etat, sous tutelle du ministre de l’Enseignement supérieur, Patrick Hetzel. Cet événement aura un autre but : « Avoir des discussions avec des acteurs du monde entier sur les défis et les opportunités à venir ». Parmi elles, l’innovation, « avec l’objectif d’améliorer notre productivité comme le recommande le rapport Draghi ».

Néanmoins, la France « accuse encore un certain retard sur l’intelligence artificielle », pointe Clara Chappaz. « Notamment dans les entreprises. Notre écosystème doit se mobiliser pour le déploiement de cette technologie. Nous devons également affronter le défi de l’acculturation du grand public. L’IA suscite encore des inquiétudes et une crainte pour l’emploi », explique-t-elle. Et de résumer : « L’intelligence artificielle est une évolution technologique qui touche tous les aspects de notre société et les professions du droit n’en font pas exception ».

L’opportunité de l’IA pour le système judiciaire

Dans le domaine de la justice, « l’arrivée de l’IA générative représente une opportunité immense », se réjouit la ministre. « Mais c’est aussi un défi collectif. Le droit est au cœur économique et démocratique de notre pays. Ça pose des questions fondamentales sur l’accès à la justice, les enjeux de compétitivité entre les professionnels et notre souveraineté technologique », ajoute-t-elle. « Il y a un double impératif pour ce secteur », fait valoir Clara Chappaz. « Le premier est de saisir les opportunités pour renforcer l’efficacité et la compétitivité des professions juridiques. Notamment en leur permettant de consacrer davantage de temps aux taches à haute valeur ajoutée », poursuit la Secrétaire d’Etat. Goldman Sachs estime que 44 % des tâches juridiques aux Etats-Unis seront automatisables pour l’IA. Un scénario similaire pourrait se produire en France. « Nous devons accompagner les professions pour qu’ils opèrent cette transition avec succès », ajoute l’ancienne « Chief Business Officer » de la société Vestiaire Collective.

Pour son ministère, le deuxième impératif est d’augmenter la productivité. « Je pense à la rédaction et à la synthèse de documents ou encore l’identification de nouveaux arguments », précise-t-elle. Par exemple, les notaires entendent réduire d’une heure trente le temps consacré par dossier. « Le temps gagné pourra ainsi être alloué à des activités où l’apport des professionnels est irremplaçable, comme l’accompagnement et la stratégie juridique », indique la ministre devant les sénateurs. Et de poursuivre : « Le constat est aussi vrai pour les magistrats. Ils pourraient tirer de grands bénéfices des outils de l’IA et jouer à armes égales face aux avocats. Par ailleurs, ça leur permettra de consacrer du temps pour leur mission première, à savoir rendre une justice efficace, gratuite et accessible à tous ».

Plus globalement, sa mission est d’accompagner tous les secteurs. « Notre rôle est de soutenir l’ensemble des cœurs de métiers pour qu’ils bénéficient de nouvelles opportunités », souligne la ministre. Pour arriver à cet objectif, elle dispose de quatre leviers. « Le premier est le financement d’innovations avec des appels à projet. Le deuxième est la commande publique pour soutenir nos développeurs de solutions françaises », indique-t-elle. Sur ce point, des échanges sont par exemple en cours avec le ministère de la Justice pour l’expérimentation des outils d’IA générative par les magistrats de la cour d’appel de Paris. « Le troisième est celui de la diffusion des usages et de l’acculturation des professionnels. Ils doivent réussir à intégrer ces technologies dans leur quotidien. Le quatrième levier est de lever les freins au développement des start-up », poursuit la Claire Chappaz. Et de conclure : « On est prêts, mais il va falloir accompagner les différents acteurs ».

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