Justice des mineurs : le Sénat restreint l’excuse de minorité

En plein examen de la proposition de loi de Gabriel Attal sur la justice des mineurs, le Sénat a mis fin ce mercredi 26 mars à la systématisation de l’excuse de minorité pour les jeunes de 16 ans en état de récidive. Sous l’impulsion de la droite, les parlementaires ont également voté pour l’instauration de courtes peines d’emprisonnement pour certains faits graves.
Romain David

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Le Sénat a voté ce mercredi pour réduire la portée de l’excuse de minorité, l’un des principes clefs de la justice des mineurs en France. Sous l’impulsion de la droite sénatoriale, en position de force au Palais du Luxembourg, les élus ont mis fin au caractère systématique de ce mécanisme, évoqué dans l’ordonnance du 2 février 1945, et qui atténue la peine prononcée contre un mineur. Si l’excuse de minorité ne disparaît pas, la juridiction devra désormais motiver son application pour les mineurs de 16 à 18 ans responsable d’un délit puni d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement, commis en état de récidive légale.

Il s’agit d’un renversement du principe actuellement en vigueur : aujourd’hui, c’est la non-application de l’excuse de minorité que la justice est tenue de motiver. Par ailleurs, dans le cadre des procès en cours d’assises, les élus ont substitué à la condition de majorité absolue des jurées une simple majorité qualifiée pour permettre d’écarter l’application des atténuations.

« Une volonté d’affichage »

Ce durcissement s’inscrit dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de Gabriel Attal sur la justice des mineurs. Depuis l’ouverture des débats mardi, la droite a rétabli en séance la plupart des dispositifs phares de ce texte, vidé de l’essentiel de sa substance en commission par le rapporteur Francis Szpiner. À rebours d’une partie de sa famille politique, cet avocat pénaliste de profession a estimé qu’une large partie des mesures portées par la proposition de loi, déjà adoptée à l’Assemblée nationale, n’étaient pas constitutionnelles ou alors techniquement inapplicables.

Ce mercredi, c’est un amendement de sa collègue, la sénatrice de Paris Marie-Claire Carrère-Gée, qui a permis, avec le soutien du gouvernement, de rétablir cette atténuation de l’excuse de minorité, sur le modèle d’une écriture déjà en vigueur de 2007 à 2014. Pour autant, Francis Szpiner n’a pas caché son scepticisme sur la portée de la mesure. « Pour le mineur de plus de 16 ans, vous allez inverser l’atténuation de responsabilité, mais vous le faites lorsqu’il est en état de récidive légale d’un crime ou d’un délit. Je pense qu’il y aura très peu de cas », a-t-il pointé. « Mais comme j’ai compris qu’il y avait une volonté d’affichage, plutôt que de passer pour un affreux, hostile à toute répression, je donnerais un avis de sagesse… », a-t-il taclé.

Depuis le début de l’examen, la gauche est vent debout contre ce texte dont elle dénonce la dimension essentiellement politique. « L’atténuation de peine est un principe fondamental de la justice des mineurs », a voulu rappeler le sénateur socialiste Christophe Chaillou. « Elle repose sur quoi ? Sur le fait qu’il y a un moindre discernement, sur la capacité à se réinsérer et la prise en compte, aussi, de l’éducation par rapport à la répression. […] Nous sommes fondamentalement contre cette disposition qui ne manquera pas d’être enlevée par le juge constitutionnel », a-t-il prédit.

De son côté, l’écologiste Guy Benarroche a dénoncé « la création d’une justice expérimentale ». « Il va en sortir un texte de loi catastrophique, dont une partie ne sera pas applicable. Il va être retoqué et l’opinion publique va considérer qu’on l’a flouée en lui expliquant qu’on allait être meilleur que les autres, c’est-à-dire répressif, plus contraignant… »

Un peu plus tôt dans l’après-midi les élus ont également ouvert la voie au prononcé de courtes et ultra-courtes peines d’emprisonnement « lorsque la gravité des faits et la personnalité du mineur l’exigent ». Contre l’avis du gouvernement cette fois, pour des raisons essentiellement techniques : « Ce que vous allez voter est inapplicable. La faute à qui ? Avant d’enfermer des mineurs dans des lieux d’incarcération, privatifs de liberté, je peux vous dire qu’ils sont déjà pleins par des gens qui sont en détention provisoire, notamment en matière criminelle », a objecté le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, rappelant qu’il fallait compter en moyenne sept ans pour ouvrir une nouvelle place de prison. « Que voulez-vous que je fasse ? Que je les sorte pour y mettre des courtes peines sur des délits ? »

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