Justice : Dupond-Moretti présente un budget en hausse de 5,3 %

C’est désormais une constance pour Éric Dupond-Moretti. Le ministre a une nouvelle fois présenté un budget de la justice en hausse pour 2024 avec plus de 10 milliards de crédits. Il s’agit de la première année d’exécution de la loi d’orientation et de programmation de la Justice 2023-2027 qui prévoit de faire passer le budget à 11 milliards d’ici 2027.
Simon Barbarit

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A la veille de la décision de la Cour de Justice de la République (CJR) dans une affaire où le garde des Sceaux risque un an de prison avec sursis pour « prise illégale d’intérêts », c’est un ministre « heureux » qui est venu devant la commission des lois du Sénat présenter pour la quatrième année consécutive, un budget en hausse pour son ministère. Un budget « qui suit à la lettre » la loi d’orientation et de programmation de la Justice 2023-2027, adoptée cette année et qui prévoit de faire passer le budget annuel du ministère de la Justice de 9,6 milliards d’euros en 2023 à 11 milliards d’ici 2027. Un effort budgétaire qui devrait permettre 10 000 recrutements, dont 1 500 postes de magistrats et 1800 postes de greffiers ainsi que la construction de 15 000 places de prison supplémentaires.

503 millions d’euros supplémentaires

« Je pense que l’on peut dire que c’est historique. Le projet de budget de la justice que je vous soumets (pour 2024) dépasse la barre symbolique des 10 milliards d’euros (10,1 milliards). Entre 2023 et 2024, ça représente une hausse d’un demi-milliard supplémentaire, 503 millions d’euros, soit près de 5,3 % d’augmentation », s’est-il félicité.

Dans le détail, l’enveloppe dédiée aux rémunérations des agents du ministère passera de 4,7 milliards en 2023 à 5,1 milliards en 2024, en hausse de 8 %. En 2024, ce sont 2 110 postes qui seront créés, dont 1 307 dans la justice judiciaire avec 327 postes de magistrats, 340 greffiers et 400 attachés de justice. 599 nouveaux postes vont aussi abonder l’administration pénitentiaire et 92 pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Afin de renforcer l’attractivité des métiers de justice, l’effort porte également sur les rémunérations avec une enveloppe dédiée de 170 millions. Le plan de construction immobilière pénitentiaire a pour but de porter à plus de 75 000 le nombre de places de prison d’ici 2027, avec la construction de 51 établissements. « Fin 2024, nous aurons réalisé la moitié du chemin avec 23 nouveaux établissements opérationnels », a-t-il souligné. Les crédits d’investissements informatiques qui comprennent la modernisation des logiciels métiers et les techniques d’enquête numériques judiciaires, sont également en hausse de 7,2 % avec 209 millions d’euros.

Effectifs renforcés pour les Jeux Olympiques

La sénatrice (app LR) Agnès Canayer s’est félicitée de cette nouvelle augmentation des crédits pour la Justice tout en rappelant que la France allait accueillir les Jeux Olympiques en 2024. « Il y aura une demande forte qui pèsera sur la chaîne pénale. Les juridictions vont être très sollicitées. Pensez-vous qu’elles seront prêtes ? »

Éric Dupond-Moretti s’est voulu rassurant. « Nous avons anticipé de longue date les JO à Paris, Lyon et Marseille et les sites ultramarins. Nous avons renforcé les effectifs. 164 contractuels seront recrutés. 49 magistrats seront en surnombre dans les juridictions de la région parisienne. 81 magistrats seront en surnombre au total […] on s’attend à une inflation de la délinquance. On a pris un certain nombre de dispositions pour qu’on ait les places dans les établissements pénitentiaires », a-t-il précisé.

Pôles violences intrafamiliales : « L’anti Mérignac »

S’appuyant sur les recommandations d’un rapport d’information du Sénat, le ministre a publié un décret visant à créer un pôle violence intrafamiliales dans toutes les juridictions de France au 1er janvier 2024. La sénatrice socialiste, Marie Pierre de la Gontrie a souhaité connaître les détails de leur mise en œuvre. « Sachant que le nombre de plaintes augmente de manière considérable […] Il y a en face un problème de personnel. Les magistrats ont du mal à rester longtemps dans ces fonctions qui suscitent une charge mentale assez lourde », a-t-elle noté. Son collègue, Hussein Bourgi s’est également inquiété d’un possible manque de personnels. « Des juridictions me disent leur inquiétude quant à la mise en œuvre optimale de ces pôles, puisque les magistrats chargés de ces violences intrafamiliales doivent concomitamment conserver les attributions antérieures qui étaient les leurs », a-t-il relaté.

« 179 chargés de mission seront déployés et 17,2 millions d’euros sont consacrés aux violences intrafamiliales dans le budget 2024 », a d’abord précisé le ministre. « La question sur organisation nouvelle, je l’entends. Mais, elle est indispensable […] La toute première chose consiste à ce que les uns et les autres ne fonctionnent plus en silos. C’est l’anti Mérignac, si j’ose dire », a-t-il comparé en référence à un fait divers très médiatisé. En 2021, une femme avait été brûlée vive par son ex-mari, déjà condamné pour violences sur conjoint, et qui avait bravé l’interdiction de rentrer en contact avec la victime. « Il n’y a pas de faute individuelle. En revanche, il y a eu une mauvaise habitude qui fait que les uns et les autres ne sont pas parlés et la catastrophe est arrivée », a-t-il souligné. A noter que le rapport de l’IGPN avait établi des fautes ou des erreurs d’appréciation commises par plusieurs agents des forces de sécurité.

« Il faut assumer la responsabilité politique de libérer des milliers de gens aujourd’hui »

Enfin, la sénatrice (RDSE), Nathalie Delattre s’est inquiétée du rythme de livraison des nouveaux établissements pénitentiaires. « Considérez-vous que ces projets immobiliers suffisent à résoudre le problème de la surpopulation carcérale » ?

« Nous avons un problème de surpopulation carcérale Cette difficulté ne m’a pas échappé et me hante », a reconnu Éric Dupond-Moretti. « Dominique Simonnot (la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté) souhaiterait qu’on libère beaucoup de monde […] Nicole Belloubet (ancienne ministre de la Justice) a eu raison de faire ce qu’elle a fait en période Covid […] C’était indispensable […] Maintenant les choses ont un peu changé. Il faut assumer la responsabilité politique de libérer des milliers de gens aujourd’hui. Je ne suis pas certain que les Français auraient envie de ça. Je suis, en revanche, certain que certains mouvements très très à droite bénéficieraient de ça. C’est quand même une difficulté » a-t-il souligné avant de rappeler qu’il cherchait actuellement « des bonnes solutions ».

 

 

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