Le Sénat a adopté vendredi, en fin d’après-midi, un budget en hausse pour la justice dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. À ce stade, la copie budgétaire prévoit 10,7 milliards d’euros pour le ministère de la Justice l’année prochaine, soit une progression de 266 millions d’euros par rapport à 2025. Cette hausse, l’une des rares prévues dans le PLF avec le budget des armées, correspond à la trajectoire fixée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice (LOPJ) pour la période 2023-2027. « Alors que le projet de loi de finances prévoit de supprimer 3 000 postes dans la fonction publique d’Etat, nous en créons 1 600 de plus, » s’est félicité, depuis la tribune de l’hémicycle, le garde des Sceaux Gérald Darmanin. Il a notamment annoncé le doublement des agents de la protection judiciaire de la jeunesse à Marseille, et le recrutement de 50 juges pour enfants supplémentaires à travers le territoire.
Si cet effort a été salué sur l’ensemble des bancs, beaucoup d’élus ont néanmoins estimé qu’il restait très insuffisant au regard des besoins du système judiciaire français, embolisé par des délais de procédure trop longs et la surpopulation carcérale. « La justice demeure la moins bien dotée des fonctions régaliennes de l’Etat, avec moins de 2 % des ressources de l’Etat qui lui sont attribuées », a relevé le sénateur LR Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la commission des finances. Selon les chiffres de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), le nombre de juges en France est passé de 10,7 à 11,3 pour 100 000 habitants entre 2012 et 2022, loin toutefois de la moyenne européenne, à 17,6 pour 100 000 habitants.
3 000 nouvelles places de prison d’ici deux ans
Au cours de la discussion générale, les débats se sont largement concentrés sur les moyens à disposition de l’administration pénitentiaire et la surpopulation carcérale « Le nombre de détenus a augmenté de 8,5 % en un an et le taux d’occupation de certaines prisons dépasse les 160 % », a encore pointé le rapporteur, alors que l’objectif de construction de 15 000 places supplémentaires, annoncé en 2017, accuse un important retard.
Devant les parlementaires, le ministre a fait valoir l’approche différenciée qu’il a souhaité mettre en place depuis son arrivée place Vendôme, avec d’une part, la construction de prisons modulaires pour les courtes peines ou les détenus les moins dangereux, et de l’autre la création de quartiers de haute sécurité dans plusieurs établissements pénitentiaires, destinés à la criminalité organisée. « Cette année, 1 600 places de prison ont été ouvertes. Mardi prochain, j’aurais l’occasion d’inaugurer avec le président de la République la troisième partie des Baumettes. 3 000 places de prison modulaires en béton seront construites dans les deux ans qui viennent, la première sera inaugurée à Troyes, en octobre », a énuméré Gérald Darmanin. « On construit désormais des prisons en un an et demi, deux fois moins cher, contre sept ans en moyenne avant. »
Restriction du recours aux expertises psychiatriques
Mais les oppositions de gauche ont précisément reproché au gouvernement de concentrer la répartition des crédits sur l’administration pénitentiaire, au détriment des politiques de réinsertion ou des dispositifs de prise en charge en milieu ouvert. « Vous ne vous départez pas du tout carcéral », a ainsi regretté la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de la Gontrie. L’élue a par ailleurs estimé qu’avec ce budget « plusieurs lignes rouges [avaient] été franchies » à des fins de rationalisation de la dépense. Elle a cité le retour du droit de timbre – une contribution due pour ouvrir une procédure judiciaire -, la prise en charge des frais d’enquête par les personnes condamnées, ou encore la restriction de certaines expertises psychiatriques, notamment en matière d’infractions sexuelles sur les mineurs.
« Ce dispositif améliore la liberté d’appréciation du juge », a tenté de tempérer la sénatrice centriste Dominique Vérien. « Il n’est pas besoin de tout psychiatriser, l’important est d’avoir des psychiatres quand nous en avons besoin », a-t-elle défendu, en indiquant toutefois regretter de voir cette modification du périmètre de recours aux expertises judiciaires inscrite dans un simple projet de loi de finances.