Le Sénat va examiner une proposition de loi pour interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives.

Laïcité : le port de signes religieux bientôt interdit dans les compétitions sportives ?

Le 18 février, le Sénat examine une proposition de loi visant à interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives. Une disposition déjà votée à deux reprises, en 2021 et 2022, mais qui ne s’est pas encore traduite dans la loi. À gauche, certains dénoncent « un acharnement à l’égard des femmes voilées ».
Rose Amélie Becel

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Les signes religieux bientôt interdits sur les terrains ? L’idée sera de nouveau débattue au Sénat, ce 18 février. La proposition de loi, initiée par le sénateur Les Républicains Michel Savin, vise d’abord à mettre fin à un « flou juridique ».

En effet, plusieurs fédérations sportives françaises – notamment dans le football et le basket-ball – ont déjà banni le port de tenues religieuses de leurs compétitions. Des initiatives attaquées en justice par plusieurs associations, qui ont poussé le Conseil d’Etat à statuer, en juin 2023, en faveur des fédérations. Sans véritable cadre législatif, certains clubs se retrouvent donc aujourd’hui « démunis face à l’absence de normes strictes imposées par l’Etat », pointe la proposition de loi.

Le port du burkini interdit dans les piscines publiques

Concrètement, le premier article du texte vise donc à interdire le port de signes religieux dans les compétitions « organisées par les fédérations sportives et associations affiliées », qu’elles soient de niveau départemental, régional ou national. Lors de l’examen du texte en commission, en juin dernier, juste avant la dissolution, l’interdiction a par ailleurs été élargie au port de tenues et signes « manifestant ostensiblement une appartenance politique ».

Dans un second temps, la proposition de loi envisage également d’interdire le détournement de l’usage des équipements sportifs à des fins religieuses. « Nous constatons de plus en plus de demandes de salles de prières pour pratiquer en même temps qu’un rassemblement sportif. Cela mêle pratique religieuse et sport, ce qui paraît tout à fait contraire à nos principes », explique le texte de la proposition de loi. En commission, les sénateurs ont également introduit dans le texte la possibilité pour les préfets de suspendre l’agrément des associations sportives qui ne respecteraient pas ces règles.

Enfin, la proposition de loi vise aussi à « prévoir dans la loi le respect de la laïcité dans les règlements d’utilisation des piscines publiques ». Là encore, l’idée est d’interdire le port de tenues à caractère religieux. À l’inverse du premier article qui ne mentionne aucun vêtement spécifique, l’exposé des motifs de cette troisième mesure fait explicitement référence au « burkini ». En commission, les sénateurs ont également fait interdire les « adaptations susceptibles de nuire au bon fonctionnement du service ou de porter atteinte à l’ordre public ». Une disposition qui vise notamment à empêcher l’aménagement de créneaux horaires exclusivement réservés aux femmes dans les piscines municipales.

La laïcité « dénaturée pour interdire à des jeunes femmes la pratique sportive »

L’examen de la proposition de loi, initialement prévu le 10 juin dernier mais balayé par la dissolution survenue la veille, promet des débats houleux entre la droite et la gauche de l’hémicycle. Les attaques ont d’ailleurs déjà commencé. Dans une tribune parue fin janvier dans Libération, la sénatrice socialiste Corinne Narassiguin dénonce des « pratiques d’exclusion » et « un climat d’acharnement à l’égard des femmes voilées ».

« Nous refusons que les principes de la laïcité auxquels nous sommes profondément attachées soient dénaturés pour interdire à des jeunes femmes la pratique sportive », ajoute la tribune, également signée par plusieurs élues locales de Seine-Saint-Denis en charge de la jeunesse et des sports. Les élues de gauche ne sont pas les seules à dénoncer l’interdiction du port du voile dans les compétitions. En octobre dernier, des experts de l’ONU mandatés par le Conseil des droits de l’homme ont sommé les fédérations françaises de football et de basket de lever ces interdictions jugées « discriminatoires ».

De son côté, l’auteur de la proposition de loi rejette toute accusation de discrimination. « Pour nous, ce texte est nécessaire pour donner un cadre et permettre aux fédérations et à l’ensemble des pratiquants, quelle que soit leur obédience religieuse ou politique, de pouvoir pratiquer un sport », défend Michel Savin sur le plateau de Public Sénat, dans l’émission Sport Etc. Une fois votée au Sénat, la proposition de loi sera-t-elle inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ? L’ancien ministre des Sports de Michel Barnier, Gil Avérous, avait affirmé en octobre dernier que le texte « pourrait recueillir l’assentiment » du gouvernement. Nommée au ministère par François Bayrou, Marie Barsacq, n’a en revanche pas encore pris position sur le sujet.

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