Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Le Sénat adopte à une large majorité une proposition de loi pour interdire l’écriture inclusive
Par Romain David
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Haro sur l’écriture inclusive au Sénat ! La Haute assemblée a adopté lundi soir, par 221 voix pour et 82 contre, une proposition de loi issue des rangs de la droite, visant à proscrire l’usage de l’écriture inclusive dans toute une série de documents administratifs ou techniques, allant des actes juridiques aux contrats de travail, en passant par les notices d’utilisation ou les annonces de vente. L’objectif de ce texte, porté par la sénatrice LR Pascale Gruny : « Protéger » la langue française des « dérives de l’écriture dite inclusive ».
Les débats parlementaires ont trouvé un écho particulier dans la bouche du président de la République, qui inaugurait le même jour la Cité internationale de la langue française dans le château de Villers-Cotterêts, où fut signée en 1539 une ordonnance royale imposant l’utilisation du français, en lieu et place du latin, pour les textes juridiques et administratifs. « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets ou des choses pour la rendre lisible », a déclaré Emmanuel Macron. Une attaque à peine voilée à l’écriture inclusive, dont l’objectif est de mettre en avant le recours au féminin face à l’usage souvent récurrent du masculin.
L’interdiction du pronom « iel »
Pour les détracteurs de l’écriture inclusive, les modifications de la graphie, en particulier le recours au point médian, compliquent l’apprentissage de la lecture. Le rapporteur LR Cédric Vial y voit également un marqueur « politique et idéologique », incompatible avec la neutralité attendue dans les services de l’Etat. Le texte adopté par le Sénat fixe dans le marbre de la loi des limitations déjà mises en place par ordonnance ces dernières années, notamment dans l’éducation nationale et pour les publications au Journal officiel. Il va toutefois plus loin, en empiétant sur la sphère privée, puisqu’il interdit aussi l’utilisation de l’écriture inclusive dans certains documents professionnels et dans les publications émanant de personnes publiques ou de personnes privées chargées d’une mission de service public.
En séance, les débats n’ont pas manqué d’être animés, face à une gauche vivement opposée à ce texte. « Faute de pouvoir répondre aux préoccupations des Françaises et des Français, la droite sénatoriale nous inflige ses lubies rétrogrades et réactionnaires, avec cette 9e proposition de loi sur le sujet depuis 2018 », a taclé le sénateur socialiste Yan Chantrel sur X (ex-Twitter). « Ce n’est pas avec l’écriture inclusive que l’on aura l’égalité homme-femme, ni l’égalité entre les genres, que l’on peut aider autrement. C’est encore du communautarisme et il faut faire attention : la langue c’est notre bien commun », a défendu la sénatrice Pascale Gruny, ce mardi matin, au micro de « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat.
Notons que la proposition de loi, modifiée en commission, ne cible pas toutes les formes d’écriture inclusive. Elle s’attaque essentiellement à l’utilisation du point médian et au recours aux néologismes, comme les pronoms du type « iel ». La double flexion – utilisé, par exemple, dans des formules comme « les électeurs et les électrices » ou « Mesdames, Messieurs » – ne fait pas partie des usages proscrits.
Un parcours législatif incertain
Pour être adoptée, cette proposition de loi doit encore être soumise à l’Assemblée nationale. Il faudra, pour cela, que le gouvernement ou un groupe politique accepte de la reprendre à son compte pour l’inscrire à l’ordre du jour. Mais face à un calendrier parlementaire très chargé – les députés LR ayant déjà prévu de consacrer leur niche parlementaire de décembre à une proposition de loi sur l’immigration – rien n’est moins sûr.
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