« Nous faisons face à plusieurs fragilités », lance le sénateur écologiste Grégory Blanc en préambule du colloque organisé au Sénat sur la création d’une « réserve opérationnelle de sapeurs-pompiers » pour renforcer le volontariat. « Il y a un manque d’effectifs criant dans la sécurité et la protection civile. Aujourd’hui les pompiers remplacent et interviennent, souvent en premier ressort, sur les problèmes de santé ». En 2019, 85 % des interventions des sapeurs-pompiers consistaient à venir en secours d’urgence aux personnes. Les incendies ne représentent plus que 6 % des interventions.
« Normalement, un sapeur-pompier est là pour éteindre les incendies. Or, ils viennent souvent pallier les carences des ambulances dans certains territoires », regrette le sénateur. La France compte au total 240 000 sapeurs-pompiers. Parmi eux : 80 % de volontaires qui assurent 67 % des interventions.
« Nous avons un profond attachement au statut de volontaire », se réjouit Grégory Blanc. « Il faut essayer de réfléchir de manière pragmatique et de renforcer ce qui marche. C’est tout l’enjeu de ce colloque qui réunit les professionnels et les représentants syndicaux des sapeurs-pompiers. C’est aussi tout l’enjeu de la proposition de loi ».
Cinq départements tests
Calquée sur le modèle de la gendarmerie nationale, de l’armée et de la police, la réserve opérationnelle vise à renforcer les capacités des SDIS (Service départemental d’incendie et de secours). Elle sera ouverte aux volontaires actuels. Pour le sénateur du Maine-et-Loire, l’objectif de cette réserve est de sécuriser « un système qui tient mais qui reste fragile ».
« Le besoin de volontaires est cyclique », précise Grégory Blanc qui, en tant qu’ancien membre du conseil d’administration du DIST du Maine-et-Loire, connaît bien le sujet. « Selon les périodes de l’année, les besoins sont différents. Il nous faut pouvoir assurer les opérations dans les territoires en tensions ».
La proposition de loi doit être examinée le 14 mai, dans le cadre de la niche transpartisane au Sénat. Le texte souhaite expérimenter cette réserve opérationnelle dans cinq départements sous tensions. « Les tensions sont multiples et touchent le territoire national de manière inégale », soulignent Grégory Blanc. « Nous souhaitons couvrir l’ensemble des tensions que subissent les départements. Nous allons tester mais également trouver des idées au moment de l’application du texte ».
« L’exceptionnel va devenir commun »
Les départements test ne sont pas encore définis, ils seront au cœur des prochaines discussions. Au moins l’un d’entre eux fera figure de test pour les tensions liées au réchauffement climatique comme les incendies ou encore les inondations. « Du fait du dérèglement du climat, les événements de haute intensité vont se multiplier. L’exceptionnel va devenir commun », alerte le sénateur.
« Un pompier volontaire c’est huit euros de l’heure »
Mais pourquoi faire appel à des volontaires, avec cette réserve opérationnelle, plutôt que de recruter des pompiers professionnels ? La réponse est budgétaire. « Aujourd’hui un pompier volontaire c’est huit euros de l’heure », pointe Grégory Blanc. « Si l’on commence à augmenter le nombre de professionnels sur un territoire, il faudra le faire dans tout le pays ce qui risque de conduire à une explosion des coûts. N’oublions pas que nous sommes dans un contexte de rigueur budgétaire ».
Présent lors du colloque, le représentant CGT des SDIS de France prévient des difficultés d’application du texte. « Nous avons quasiment le même nombre de volontaires qu’il y a 20 ans alors que le nombre de missions explose. Il y a un vrai souci de recrutement », alerte-t-il. « Les raisons des tensions sont aussi à voir du côté des maternités qui ferment, d’un maillage plus faible qui conduit les pompiers à parcourir des distances plus longues. Nous espérons que cette réserve pourra sauver l’égalité sur le territoire ».
Présidente du conseil d’administration du SDIS de Haute-Garonne, la sénatrice socialiste, Emilienne Poumirol, a salué le texte de Grégory Blanc : « Cette proposition de loi ne va pas tout solutionner, mais elle est un outil supplémentaire qui peut permettre de nous mettre un peu à l’abri ».