Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Le Sénat veut faire « pression » sur le gouvernement en déposant un texte sur les retraites agricoles
Par Simon Barbarit
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Dans les tuyaux depuis un an, la réforme du mode de calcul des retraites des agriculteurs n’est toujours pas arrêtée. Une proposition de loi en ce sens, portée par le député LR Julien Dive, avait pourtant été adoptée par les chambres en février 2023. Le texte visait à calculer les pensions en fonction des vingt-cinq années les plus avantageuses au 1er janvier 2026 et non plus sur l’intégralité d’une carrière comme c’est le cas actuellement. Il prévoyait aussi que le gouvernement fixe les modalités de la réforme dans un rapport sous les trois mois. Or, les parlementaires ne l’ont obtenu que le 30 janvier.
Les scénarios du gouvernement ne feraient « que des perdants » pour le Sénat
« On avait voté la proposition de loi conforme et l’unanimité pour aller vite car ce sujet le nécessite. Mais il n’y avait pas grand-chose dans le texte puisqu’on renvoyait au pouvoir réglementaire le choix de trouver le meilleur scénario. Le rapport nous a été remis le 30 janvier et aucun des scenarii proposés ne se rapportent à ce qu’on avait proposé en commission », regrette Pascale Gruny (LR) qui fut rapporteure de la proposition de loi.
Dans la foulée de la remise de ce rapport, « pour forcer la discussion avec le gouvernement », comme le souligne Pascale Gruny, Philippe Mouiller, président LR de la commission des affaires sociales, a déposé une proposition de loi visant à transcrire les paramètres « d’un scénario optimal » pour « le régime des non-salariés agricoles d’ici au 1er janvier 2026 ». « C’est une façon de mettre la pression sur le gouvernement. Soit le gouvernement prend un décret qui reprend notre proposition, soit nous adoptons notre texte dans lequel le mode de calcul est inscrit afin que la réforme s’applique en 2026 », explique-t-il.
Jeudi, Gabriel Attal a indiqué vouloir « retravailler les propositions en cours sur le sujet des 25 meilleures années […] parce que la retraite, c’est toujours le fruit d’une vie de travail. Il faut nous assurer que si nouveau système il y a, il faut évidemment qu’il ne fasse pas des perdants, notamment chez les plus fragiles. »
Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de Philippe Mouiller, en cours d’enregistrement par les services du Sénat, que publicsenat.fr s’est procurée, l’auteur estime que les trois scénarios envisagés « feraient respectivement, à l’horizon de 2040, environ 15 %, 50 % et 30 % de perdants, tandis que, pour une part très importante des assurés, la réforme n’aurait pas d’incidence sur le montant de la pension », déplore-t-il.
Il reproche notamment au gouvernement d’avoir travaillé sur un scénario de régime par annuités, applicable aux seuls assurés affiliés à compter de 2016. Un autre consisterait à liquider la partie de la carrière antérieure à 2016 sur la base des modalités de calcul actuellement en vigueur. Un troisième ne retiendrait que les meilleures années de la partie de la carrière postérieure à 2016 calculées au prorata de la durée totale de la carrière.
Que propose le Sénat ?
Philippe Mouiller inscrit donc dans son texte un scénario identifié l’année dernière en commission par Pascale Gruny (LR). « Il s’agirait de calculer le nombre moyen de points acquis chaque année pendant les 25 meilleures années et de l’extrapoler à l’ensemble de la carrière, dans la limite de la durée de cotisation requise pour l’obtention d’une pension à taux plein ».
Il précise que la réforme concernerait les seules liquidations à venir, et devrait permettre une augmentation mensuelle moyenne du niveau des pensions de 47,70 euros. Du reste, seuls 1 % à 6 % des assurés devaient perdre à ce scénario, les pertes correspondantes devant s’avérer « très minimes ».
« C’est aussi un message envoyé aux jeunes qui veulent s’installer »
« La retraite moyenne d’un agriculteur est de 840 euros bruts contre 1500 pour un retraité de droit commun. Calculer les pensions sur les 25 meilleures années permet de prendre compte les aléas du changement climatique. C’est aussi un message envoyé aux jeunes qui veulent s’installer afin qu’ils sachent qu’ils auront une retraite », explique Pascale Gruny.
Une telle réforme aurait un coût pour les finances publiques comme le reconnaît Philippe Mouiller qui l’évalue à 450 millions d’euros.
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