« Les annonces de Macron à Nice noient le poisson », estime la sénatrice écologiste Mathilde Ollivier lors d’un point presse au Sénat ce mercredi. Déçue par les actions du gouvernement en matière de protection des Océans, la benjamine du Sénat a déposé une proposition de loi (PPL) visant à mieux protéger les écosystèmes marins en avril dernier. Elle sera examinée par la Chambre haute, ce jeudi 12 juin à l’occasion de la niche parlementaire écologiste.
« Surpêche, surexploitation massive des fonds marins, effondrement de plus de 90 % du stock de grands poissons, pollution… Aujourd’hui, nous sommes face à une urgence : protéger l’Océan qui fait face à de nombreux défis », a martelé Mathilde Ollivier, sénatrice des Français établis hors de France. En matière de protection des océans et de la biodiversité marine, elle estime que la France peut mieux faire.
Des « aires maritimes protégées » inefficaces
« Aujourd’hui ce sont 94 % des fonds marins détériorés par le chalutage de fond », souligne la sénatrice représentant les Français établis hors de France qui prône une « déchalutisation » de la pêche. Elle dénonce l’inefficacité des aires maritimes protégées (AMP) alors que près de 80 % d’entre elles subissent encore du chalutage de fond. La France est le 2e pays européen à comptabiliser le plus grand nombre d’heures de chalutage dans ses aires marines dites protégées, d’après un rapport de l’ONG Bloom.
« Il y a même plus de pêche au chalut de fond dans ces zones qu’à l’extérieur de celles-ci », abonde-t-elle. Dans sa PPL, la petite fille de pêcheurs souhaite apporter de la clarté dans notre définition des aires maritimes protégées pour que celles-ci soient alignées aux standards internationaux.
Première solution envisagée dans l’article 1, rehausser le niveau de protection des aires marines protégées françaises. Concrètement, la sénatrice souhaite que 10 % de ces zones disposent d’une protection « stricte » au lieu d’une protection « forte » afin qu’aucune activité extractive ou destructrice n’y soit autorisée. Pour les écologistes, le statut de protection « forte » ne protège pas suffisamment la biodiversité.
En effet, créé par la Stratégie nationale pour les aires marines protégées, ce statut a un effet normatif très limité. « C’est une classification très floue, qui en soi n’interdit pas grand-chose », explique Pascale Ricard, juriste en droit international de la mer et chercheuse au CNRS à nos confrères de Natura sciences. « C’est avant tout un label sans effet concret », déplore-t-elle. Pour protéger la pêche artisanale et permettre la régénérescence de la biodiversité marine, la sénatrice écologiste souhaite également la création d’une zone tampon périphérique réservée à la pêche artisanale autour de ces zones.
Autre mesure phare de la proposition de loi prévue dans l’article 2 : l’interdiction des chaluts de fond dans une zone tampon autour des aires marines protégées. La présence de navires de pêche d’une longueur de plus de 25 mètres ne serait pas autorisée dans la zone de douze milles nautiques réservée à la pêche artisanale. Une proposition qui ne constitue pas une menace pour la pêche française selon elle. « Cette mesure s’attaque surtout aux bateaux industriels néerlandais qui pêchent dans nos eaux territoriales. Il n’y a quasiment aucun bateau français de plus de 25 mètres », indique Mathilde Ollivier, interrogée sur les conséquences socio-économiques d’une déchalutisation de la pêche dans les eaux hexagonales. « Si l’on ne protège pas notre biodiversité marine, ce sont des emplois en mer et sur terre qui disparaîtront ».
« On continuera de se battre jusqu’à ce que ça passe »
Pour le groupe des Écologistes, la Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC) qui se tient cette semaine à Nice n’est pas à la hauteur. « Les annonces du Président de la République sont très décevantes. Nous n’avons toujours aucune clarté sur la mise en place de zones maritimes protégées strictes dans les eaux hexagonales », ajoute-t-elle.
Avec une majorité sénatoriale à droite, le texte a de fortes chances d’être rejeté ce jeudi. « Si demain notre proposition n’est pas adoptée, notre combat ne s’arrêtera pas et nous continuerons de mettre le gouvernement face à ses responsabilités », déclare la benjamine de la Chambre haute. « Pour moi en tant que jeune sénatrice, c’est parfois difficile d’être dans une chambre qui n’est pas à la hauteur de ses engagements dans la lutte contre le changement climatique », juge-t-elle.
Eva Kandoul