Logement : le Sénat facilite les donations pour l’achat de la résidence principale

Dans le cadre du budget, les sénateurs ont adopté un amendement du rapporteur Husson visant à exonérer de droits de mutation à titre gratuit les donations, à condition que la somme serve à acheter sa résidence ou à effectuer des travaux de rénovation. Ils ont aussi adopté un autre amendement pour réduire les stocks de logements neufs des promoteurs. Des mesures fortement dénoncées par le ministre, car dégradant « considérablement les finances publiques ».
François Vignal

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L’examen du projet de loi finances 2024 a repris au Sénat, ce samedi, avec un débat, au gré des amendements adoptés, sur la crise du logement que traverse le pays.

Le rapporteur du budget, le sénateur LR Jean-François Husson, a défendu « un amendement majeur dans ce projet de loi de finances, puisqu’il vise à favoriser la transmission du patrimoine, la mobilisation de l’épargne » en permettant « un abattement sur les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) entre générations, à hauteur de 100.000 euros, en ligne directe, et aussi pour les neveux et nièces, quand il n’y a pas de succession », à la condition que ces sommes soient affectées à l’acquisition ou à la construction de sa résidence principale ou à des travaux de rénovation énergétique. « L’idée est de donner un coup d’accélérateur à l’accession à la propriété, et aussi aux travaux de rénovation. Cela rentre dans la logique de la transition écologique », avance Jean-François Husson (voir la première vidéo). L’amendement a été adopté.

Les sénateurs ont aussi voté un amendement du groupe LR visant à « réduire les stocks des logements neufs invendus détenus par les promoteurs immobiliers en raison de la crise du logement qui sévit actuellement ». C’est la reprise d’un dispositif voté sous le gouvernement Balladur. Il consiste à exonérer, ici pour deux ans, « les droits de mutation à titre gratuit normalement dus lors de la première transmission d’immeubles neufs ou en état futur d’achèvement ».

« L’amendement dit Balladur, c’est probablement plusieurs centaines de millions d’euros » pointe le ministre Thomas Cazenave

Des amendements adoptés contre l’avis du ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, en raison « du coût pour les finances publiques ». Les députés ayant le dernier mot, ou plutôt le gouvernement avec le 49.3, ces mesures devraient disparaître du texte final. « Votre amendement dégrade considérablement les finances publiques », insiste le ministre sur l’amendement Husson, qui note aussi que « l’amendement dit Balladur, c’est probablement plusieurs centaines de millions d’euros » (voir vidéo ci-dessous). A l’époque, « la mesure n’a eu aucun effet sur la construction, il n’a qu’absorbé les stocks des promoteurs immobiliers », souligne le ministre. Et de pointer « une forme d’empilement de dispositifs ». Thomas Cazenave ajoute :

 Ce type de mesures cible les ménages et contribuables les plus aisés, à travers l’exonération des droits de mutation à titre gratuit. 

Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics.

Des propos du ministre qui ont fait réagir le rapporteur général. « Je ne peux pas vous laisser dire aussi facilement que toutes les mesures alternatives que nous proposons sont nulles et non avenues », rétorque le sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle, qui souligne que l’exécutif est aux manettes depuis 6 ans sur le logement, et que la situation a empiré.

Mais Thomas Cazenave n’entend pas « laisser dire que la situation dans laquelle nous nous trouvons sur le logement serait le fruit de la politique du gouvernement. Sincèrement, avec un peu d’honnêteté, la raison de la crise du logement, c’est l’effet des taux d’intérêt […] et l’augmentation de 30 % des coûts de la construction liée à la guerre en Ukraine ». Et d’insister : « Ce que vous avez voté, c’est plusieurs centaines de millions d’euros, peut-être davantage encore, qui n’auront aucun impact sur la construction ».

« Il y a un Sénat plus qu’inquiet de voir cette crise du logement à laquelle vous ne répondez pas »

« Le logement rapporte 97 milliards d’euros de recettes à l’Etat pour 42 milliards d’investissements. Il y a des marges. En quoi serions laxistes ? Simplement, il y a un Sénat plus qu’inquiet de voir cette crise du logement à laquelle vous ne répondez pas », intervient le sénateur LR Jean-Baptiste Blanc.

« 40 % des articles du budget touchent des niches fiscales. […] C’est plus que baroque de vous entendre faire la leçon à la majorité sénatoriale en disant que c’est irresponsable », ajoute encore le rapporteur général de la commission des finances, qui souligne les « 6 milliards d’euros de dérives supplémentaires dans les dépenses publiques », prévues dans ce budget.

« Il ne faut pas avoir des micro-mesures dans tous les sens, mais une politique complète où on sait où on va. Là, c’est illisible », selon le socialiste Claude Raynal

Isabelle Briquet, sénatrice PS de la Haute-Vienne, s’est opposée pour son groupe à l’amendement Husson sur les donations. Alors que la droite « s’évertue de dire son souci de préserver les finances publiques, on voit bien que ce souci est déterminé seulement par le public auquel il s’adresse », pointe du doigt la socialiste.

Le président PS de la commission des finances, Claude Raynal, a tenté de prendre un peu de hauteur. « Je trouve que notre débat sur le logement, tel qu’il est posé, n’est pas tout à fait à la hauteur », commence le sénateur PS de la Haute-Garonne. « Il faut sortir de la confrontation entre Etat/Parlement sur le logement. Les Français n’attendent pas des confrontations sur ce sujet, mais des solutions. […] Il ne faut pas avoir des micro-mesures dans tous les sens, mais une politique complète où on sait où on va. Là, c’est illisible, il faut une vision globale ». Et de conclure, provisoirement, le débat : « Est-ce que cela passe par une grande loi logement ? Peut-être. Mais qu’on arrête les micro-mesures, et que ce débat ait lieu ».

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