Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Logement : les communistes du Sénat déposent une proposition de résolution transpartisane pour « mettre fin au sans-abrisme des enfants »
Par Romain David
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« Tous les enfants doivent faire attention dans la rue. Surtout s’ils y vivent ». La Fondation Abbé Pierre, qui s’apprête à changer de nom pour devenir « La Fondation », lance ce mercredi 20 novembre, journée internationale des droits de l’enfant, une campagne de sensibilisation autour du mal-logement des plus jeunes. En France, plus de 2 000 enfants vivent dans la rue, selon les chiffres de la fondation qui dévoile plusieurs visuels et un court métrage qui suit le quotidien bousculé d’un jeune garçon, Adem, dont la famille atterrit dans un centre d’hébergement d’urgence après une expulsion. Dans son dernier pointage, le baromètre « Enfants à la rue » réalisé par l’UNICEF et la Fédération des acteurs de la solidarité, faisait état d’une augmentation de 120 % du nombre d’enfants sans-abri en France entre 2020 et 2024, dont 467 âgés de moins de trois ans.
C’est dans ce contexte que le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky (CRCE-K) du Sénat s’apprête à déposer une proposition de résolution « visant à mettre fin au sans-abrisme des enfants ». Ce texte à valeur de tribune – qui n’a pas de dimension contraignante à la différence d’un texte de loi -, est porté par la présidente du groupe, la sénatrice de la Loire Cécile Cukierman, et le sénateur PCF de Paris, Ian Brossat, spécialiste des questions de logement. Il est cosigné par une cinquantaine de parlementaires, issus de l’ensemble des groupes politiques qui siègent au Palais du Luxembourg.
La nécessité d’une loi de programmation sur le logement
« L’engagement pris par les gouvernements successifs de « ne plus avoir aucun enfant à la rue » reste une promesse non tenue », peut-on lire dans l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, que Public Sénat a pu consulter.
Les élus y « appell [ent] le Gouvernement à adopter une loi de programmation de l’hébergement et du logement, incluant une attention spécifique aux enfants et aux familles ». Ils réclament notamment la mise en place « d’objectifs ambitieux en termes de production de logement abordables », alors que la construction de logements sociaux a enregistré une baisse importante ces dernières années, passant de 125 000 par an à 93 000 entre 2016 et 2023, toujours selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre.
Les sénateurs invitent également le gouvernement à engager une transformation du dispositif d’hébergement d’urgence, en particulier de l’offre de nuitées hôtelières, qu’ils estiment inadaptée « aux besoins spécifiques des familles ». Aujourd’hui, le parc d’hébergement d’urgence compte 205 000 places. En 2024, 58 % des personnes hébergées l’ont été à l’hôtel.
Pour les élus, il convient de « doter les services intégrés d’accueil et d’orientation et les structures d’hébergement de financements adaptés et sécurisés pour garantir un accompagnement global, sans rupture et prenant en considération les besoins spécifiques des enfants. »
Les alertes de la défenseure des droits
SI la loi du 5 mars 2007, parfois appelée loi DALO, instaure un droit au logement opposable, l’écart entre la législation et la situation sur le terrain demeure important. « En dépit de la consécration juridique d’un droit au logement et à l’hébergement opposables, plus de 42 000 enfants ont passé le mois d’août 2022 dans des hébergements d’urgence, des abris de fortune ou à la rue », note la défenseure des droits dans son rapport annuel sur les droits de l’enfant, publié ce 20 novembre, et centrée cette année sur l’impact de la crise environnementale et de la dégradation de l’environnement sur les plus jeunes.
Pour Claire Hédon, les politiques publiques mises en œuvre « ne tiennent pas suffisamment compte de la particulière vulnérabilité des enfants et l’aggravation des conséquences de la crise environnementale souligne le poids croissant que devront supporter les générations à venir ».
Son rapport pointe notamment l’inadaptation du logement aux bouleversements climatiques. « Lorsqu’ils ont un toit, de trop nombreux enfants sont encore contraints de vivre dans des logements indécents et insalubres. L’exposition à un habitat précaire, indigne ou dégradé est un phénomène massif en France, qui met en danger la santé des enfants », alerte-t-elle. 12 % des ménages français sont concernés par la précarité énergétique. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, 70 % des habitants se disent confrontés à une température trop haute dans leur logement durant l’été et 52 % à des températures trop basses quand arrive l’hiver, selon un sondage Harris Interactive.
La défenseure des droits formule 20 préconisations dans son rapport. Parmi elles : la nécessité d’accélérer sur la rénovation du bâti scolaire et de l’ensemble des lieux qui accueillent des enfants, ou encore la prise en compte, dans les cahiers des charges applicables aux structures d’hébergement d’urgence, de normes relatives « au droit des enfants à un environnement sain ».
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