« Nous avons résisté à la tentation de faire table rase et de repartir sur quelque chose de neuf », lance le sénateur écologiste Jacques Fernique, co-rapporteur du rapport adopté ce mercredi par la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable. « Pas de nouveaux objectifs, mais plutôt un nouveau fléchage de l’application de la loi », ajoute Marta de Cidrac, sénatrice LR et co-rapporteur du rapport.
Mise en application début 2020, la loi AGEC s’est donnée comme but notamment de sortir du plastique jetable, de lutter contre le gaspillage et pour le réemploi ou encore de mieux produire. Cinq ans après, tous les objectifs définis ne sont pas atteints. En particulier sur l’usage du plastique dont la production a augmenté de 3,3 % entre 2018 et 2021 alors qu’elle aurait dû être réduite de 20 %.
Une stratégie interministérielle
« Il est nécessaire de réinterroger le texte pour voir ce qui peut être amélioré afin d’atteindre les objectifs », souligne Marta de Cidrac. « Nous devons éviter le « stop-and-go », mais nous devons permettre une meilleure clarté pour gagner en efficacité ».
Pour ce faire, les rapporteurs recommandent l’élaboration d’une stratégie interministérielle censée fixer des objectifs chiffrés, sans plus de précisions. Élaborée au niveau national via le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), cette disposition a vocation à se régionaliser en s’appuyant sur le fonds économie circulaire. En 2024, ce fonds s’élevait à hauteur de 300 millions d’euros soit deux fois plus que le montant alloué cinq ans auparavant.
« Matignon a le devoir de s’intéresser à ce sujet »
« L’Etat doit pouvoir inciter voire contraindre pour permettre une meilleure harmonisation », insiste Jacques Fernique. D’où cette volonté de la part des rapporteurs de « réaffirmer le rôle de l’Etat » comme régulateur des filières REP. Regroupé en 14 filières en France comme pour les véhicules hors d’usage, les emballages ménagers où encore les pneus, la filière à Responsabilité Elargie du Producteur (REP) entend mettre en application le principe du « pollueur-payeur », soit l’intégration par le producteur du coût de prévention et de gestion des déchets. A l’Etat désormais de définir des objectifs clairs de performance environnementale. « Matignon a le devoir de s’intéresser à ce sujet », alerte Marta de Cidrac. « Mais il faut noter tout de même que nous sommes sur quelque chose en progression ».
Renforcer le principe du « pollueur-payeur »
Afin de renforcer la loi AGEC et permettre d’atteindre les objectifs fixés, le rapport recommande de rendre universel le principe du « pollueur-payeur » en instaurant une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Actuellement en vigueur pour les filières REP uniquement, les deux sénateurs souhaitent que cette taxe puisse être élargie aux autres produits afin « d’assurer une couverture complète des flux mis sur le marché ».
Dans cette idée d’élargissement du principe de « pollueur-payeur », il est prévu d’encadrer les « mécanismes de modulation des éco-contributions ». Autrement dit, la somme des éco-contributions (ou éco-participations) perçue par un producteur sur ses produits vendus ne peut excéder les contributions qu’il verse pour le recyclage ou l’élimination du produit. Cette nouvelle mesure vise à éviter tout effet d’aubaine. A l’image de ce qui a été introduit lors du débat sur la loi anti fast fashion, les sénateurs ont également préconisé une « régulation des pratiques commerciales agressives pour lutter contre la surconsommation ».
« Il n’est pas trop tôt pour prendre un nouvel élan »
Les ministères n’ont pas, pour le moment, été mis au courant des mesures préconisées par le rapport. « Nous posons ça sur la table et on attend de voir les retours pour potentiellement lancer une proposition de loi », dévoile Marta de Cidrac. Jacques Fernique ajoute : « Il est sans doute trop tôt pour évaluer les effets [de la loi AGEC], mais on commence à en voir les difficultés », souligne-t-il. « Il n’est pas trop tôt pour prendre un nouvel élan ».