Lutte contre le terrorisme : comment a évolué l’arsenal législatif ces dernières années

Lutte contre le terrorisme : comment a évolué l’arsenal législatif ces dernières années

À trois mois des Jeux olympiques et après l’attentat de Moscou, le gouvernement renforcer la garde contre la menace terroriste. Le plan Vigipirate a été réhaussé au plus haut niveau. L’occasion de rappeler que ces dix dernières années, une dizaine de projets ou propositions de lois sont venus durcir l’arsenal législatif en la matière.
Guillaume Jacquot

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La France ajuste le niveau de sa protection, après l’attentat sanglant du Crocus City Hall, dans la banlieue de Moscou ce 22 mars. L’attaque, dont le bilan provisoire s’élève à 137 morts, a été revendiquée par l’État islamique. À l’issue d’un Conseil de défense qui s’est tenu à l’Élysée dimanche soir, le gouvernement a rehaussé le plan Vigipirate au niveau urgence attentat. Selon Emmanuel Macron, la branche de l’EI impliquée dans l’attaque de vendredi soir « avait conduit ces derniers mois plusieurs tentatives » sur le sol français.

Récemment frappée par des individus agissants seuls – comme à proximité du métro Bir-Hakeim en décembre, ou encore dans un établissement scolaire d’Arras en octobre – la France reste menacée par le terrorisme. « La menace islamiste peut toucher tout le monde à tout moment », a insisté le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ce lundi, affirmant que des attentats sont déjoués quasiment « tous les mois » en France.

À quatre mois des Jeux olympiques, évènement planétaire majeur, l’enjeu sécuritaire est de taille pour les forces de sécurité intérieure. Dans cette tâche, l’exécutif dispose d’un arsenal juridique qui s’est considérablement renforcé depuis les attentats de l’année 2015, ce qu’a d’ailleurs mis en exergue Gabriel Attal ce 25 mars. « Nous sommes en permanence montés dans notre arsenal pour lutter contre le terrorisme », a-t-il affirmé. Retour sur l’empilement des lois antiterroristes ou sécuritaires.

La loi Silt de 2017, et l’entrée dans le droit commun de dispositions de l’état d’urgence

L’une des lois majeures de ces dernières années reste la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, plus connue sous son acronyme : « Silt ». Promulguée le 30 octobre 2017, elle dote l’État de nouveaux instruments dans la perspective de la sortie de l’état d’urgence. Elle transpose d’ailleurs plusieurs dispositions de ce régime d’exception dans le droit commun. Avec la loi Silt, les préfets peuvent instaurer des périmètres de protection, dans des lieux à risque, de par leur nature ou leur affluence. Au sein de ces espaces, les forces de l’ordre peuvent filtrer les accès et procéder à des inspections.

En vertu de cette loi, le ministère de l’Intérieur peut aussi décider de mesures de surveillance à l’encontre de personnes pouvant constituer une menace pour la sécurité. Ou encore imposer à une personne de ne pas se déplacer à l’extérieur dans un périmètre déterminé, mesure qui peut s’accompagner d’un pointage quotidien au commissariat. Le texte facilite par ailleurs les contrôles d’identité aux abords des aéroports et gares internationales. Les préfets peuvent aussi procéder à la fermeture administrative de lieux de culte, pour apologie ou provocation au terrorisme.

Le Parlement avait limité dans le temps certaines dispositions, notamment la fermeture administrative de lieux de culte et les mesures de surveillance. Elles seront prolongées fin 2020, puis pérennisées à l’été 2021.

La loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement

À la même époque, c’est la question de la sortie des détenus condamnés pour terrorisme qui se pose. La loi du 10 août 2020 visait à créer un régime de sûreté spécifique pour ces personnes, le dispositif a été censuré par le Conseil constitutionnel. La loi du 30 juillet 2021 introduit une « mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion », pour les individus particulièrement dangereux.

La même loi est venue renforcer la loi sur le renseignement de 2015, en pérennisant la technique dite de l’algorithme, ou encore sur la possibilité, à titre expérimental, d’intercepter des communications satellitaires. Le texte fluidifie également les partages de renseignements.

Le renforcement des contrôles dans les transports

Avant la loi Silt, d’autres textes législatifs sont venus renforcer les prérogatives des forces de sécurité. C’est par exemple le cas dans les transports, avec la loi du 22 mars 2016 ou loi Savary. Si le texte vise surtout à lutter contre les incivilités et les atteintes à la sécurité, il a aussi pour objectif d’empêcher le passage à l’acte d’assaillants terroristes. Il autorise les agents de sûreté (SNCF ou RATP) à procéder à des inspections visuelles, des fouilles et des palpations de sécurité sur les voyageurs et leurs bagages. Une récente proposition de loi votée au Sénat, la proposition de loi Tabarot, veut faciliter la mise en œuvre de cette disposition en l’absence d’arrêté préfectoral. Le gouvernement souhaite que le texte puisse aboutir avant les Jeux. Notons que le Premier ministre est allé à la rencontre des forces Sentinelle ce lundi dans la gare Saint-Lazare.

Autre texte notable dans la lutte antiterroriste : la loi du 3 juin 2016, la loi « renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement ». Celle-ci a attribué aux juges et procureurs de nouveaux moyens d’investigation, comme des perquisitions de nuit possibles dans des domiciles en matière de terrorisme, ou encore l’utilisation de dispositifs techniques de proximité pour capter directement les données de connexion nécessaires à l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement.

Initiative législative prise après l’attentat islamiste contre Samuel Paty, la loi « confortant le respect des principes de la République » est présentée comme un texte « contre le terreau du terrorisme ». Le texte a renforcé le contrôle des associations cultuelles et des lieux de culte. Il a également introduit un délit d’entrave à la fonction d’enseignant.

Récemment encore, le Sénat a adopté une proposition de loi pour compléter l’arsenal, avec pour ambition de prévenir les passages à l’acte mais aussi de consolider le suivi post-carcéral des terroristes. Le texte, porté par le président de la commission des lois François-Noël Buffet (LR), n’a pas encore été inscrit à l’agenda de l’Assemblée nationale.

Le Plan Vigipirate au niveau « urgence attentat »

Dispositif central du pays dans la lutte antiterroriste, le plan Vigipirate a été réhaussé à son plus haut niveau (urgence attentat) à la suite de l’attentat de Moscou. Il s’agit d’un état de vigilance maximal. Il associe des actions de prévention et des dispositifs de protection. Plusieurs mesures peuvent s’appliquer avec cette catégorie, comme le renforcement des contrôles d’accès des personnes et véhicules dans certains bâtiments publics. Un contrôle visuel des sacs peut être effectué à l’entrée des établissements scolaires. En cas de non-coopération d’un élève, l’établissement peut lui refuser l’entrée.

Le niveau maximal de Vigipirate se traduit également par des présences policières renforcées aux abords des établissements scolaires et des lieux sensibles, comme les lieux de culte. Les lieux de passage contre les aérogares sont aussi concernés.

À ce titre, ce passage au niveau « urgence attentat » signifie la mobilisation de nouvelles unités. Aux 3000 militaires de l’opération Sentinelle actuellement déployés, Gabriel Attal a annoncé ce 25 mars que 4000 militaires supplémentaires seraient « en alerte et mobilisables partout sur le territoire en cas de besoin ».

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