Maisons fissurées : le Sénat rejette la proposition de loi de Sandrine Rousseau sur l’indemnisation des sinistres liés au retrait gonflement argile
À l’occasion de la niche parlementaire du groupe écologiste, le Sénat examinait une proposition de loi sur l’indemnisation des victimes de retrait gonflement argile. Un sujet qui pourrait paraître consensuel, mais qui a suscité une forte opposition entre les membres du groupe LR et les écologistes.
Les sénateurs n’ont pas eu besoin de se prononcer sur l’ensemble de la proposition de loi du groupe écologiste, chacun des articles ayant été rejeté lors de l’examen du texte. Si les sénateurs écologistes, qui avaient inscrit ce texte à l’ordre du jour du Sénat dans le cadre de leur niche parlementaire, s’attendaient à cette issue, ils n’ont pas manqué d’exprimer leur amertume à l’égard du groupe majoritaire (LR) et de la rapporteure du texte, Christine Lavarde.
Le texte examiné par le Sénat, initialement déposé à l’Assemblée nationale par Sandrine Rousseau, s’articule autour de deux articles principaux dont l’objectif est de faciliter l’indemnisation des victimes de sinistres liés au retrait gonflement de l’argile (RGA) en période de sécheresse ou de fortes pluies. Ce phénomène endommage fortement les logements et créer de nombreuses fissures et failles sur les murs des maisons. Ghislaine Senée, qui s’est exprimée pour le groupe écologiste lors de la discussion générale insiste sur la possibilité de « lever deux freins à l’indemnisation des victimes ». Les deux freins concernent l’indemnisation des collectivités territoriales d’une part et l’assouplissement des critères permettant d’être indemnisé par le régime CatNat en cas de sinistre d’autre part. L’issue était cependant prévisible puisque le texte avait été rejeté en commission au Sénat, la Chambre haute planchait donc sur la mouture issue du Palais Bourbon.
Duel de propositions de loi
Malgré les divergences, les sénateurs se sont accordés pour reconnaître l’ampleur du phénomène qui touche plus de 10 millions de logements. Dès le début de la séance, les sénateurs n’ont pas hésité à s’envoyer quelques banderilles. En effet, après le rejet du texte écologiste en commission au Sénat, Ghislaine Senée avait fustigé « l’opportunisme et une démarche purement politicienne » de la part de la rapporteure Christine Lavarde, qui a elle aussi déposé une proposition de loi sur le sujet. « Rejeter le texte soumis au vote cet après-midi, c’est prolonger le calvaire des sinistrés », juge Ghislaine Senée.
Pour Christine Lavarde, au contraire, la proposition de loi examinée aujourd’hui faisait courir un risque financier trop important craignant que l’assouplissement des conditions d’indemnisation n’engendre un surcoût trop important pour les assurés. « L’auteure de la proposition de loi à l’Assemblée nationale avait déclaré que j’en faisais une question d’ego. Mes connaissances en économie me font dire qu’il n’est pas possible de pouvoir adopter une telle proposition si on est attentif aux finances publiques, aux risques qu’il fait peser sur le fonctionnement du marché de l’assurance et sur l’équilibre du système d’indemnisation des catastrophes naturelles », se défend Christine Lavarde, taclant au passage Sandrine Rousseau, professeure d’économie.
« Qu’est-ce qui vous empêche de voter ce texte ? »
Sur les bancs de la gauche, ces arguments n’ont pas vraiment porté et les sénateurs écologistes ont reproché à leurs collègues de LR de négliger le phénomène. « Si nous nous projetons jusqu’en 2050, l’ensemble des coûts pourrait s’élever à 34 milliards d’euros, face à cette situation alarmante la proposition de loi se présente comme une solution pragmatique », soutient Thierry Cozic, sénateur socialiste de la Sarthe, un département particulièrement touché par le phénomène de retrait gonflement argile. Non sans ironie, le président du groupe écologiste Guillaume Gontard a « remercié LR pour leur participation nombreuse et constructive sur le texte ». « Qu’est-ce qui vous empêche de voter ce texte ? Vous ne voulez pas toucher aux assureurs, vous ne voulez pas toucher aux finances publiques, mais le réchauffement climatique ça coûte cher » s’agace le sénateur.
Le cœur des difficultés réside dans le coût généré par ces indemnisations du RGA par le régime CatNat. Le coût, estimé à 1 milliard d’euros, représente un obstacle majeur pour LR mais aussi pour le gouvernement qui souligne, par la voix de Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, que « l’absence d’étude d’impact masque l’effet incertain de certaines propositions ». Un avis partagé par Jean-Marie Mizzon (Union Centriste) qui perçoit le « risque d’aggraver la situation des sinistrés RGA en remettant en cause l’intégralité du régime CatNat ». Concrètement, les sénateurs de droite et du centre redoutent un nombre trop important d’indemnisations ce qui ferait peser une charge trop importante sur le régime CatNat et obligerait in fine l’Etat à garantir les indemnisations.
La voie réglementaire privilégiée par le gouvernement
Après le rejet du texte écologiste, le succès de la proposition de loi de Christine Lavarde, proposant une réforme plus générale du régime CatNat, n’est pas assuré. « Nous considérons que les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, au regard de leur technicité et de la nécessité de les faire évoluer régulièrement à la lumière de l’amélioration des connaissances scientifiques sur le sujet, doivent rester fixés au niveau réglementaire », affirme Marie Lebec. Le gouvernement a d’ores et déjà publié une circulaire, le 29 avril 2024, qui permet d’assouplir les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dans les cas de RGA. La ministre chargée des relations avec le Parlement a également précisé qu’un projet de décret encadrant les experts d’assurance dans le cadre de sécheresse était en cours de finalisation.
Bien que le gouvernement puisse agir par voie réglementaire, Christine Lavarde a tendu la main à l’exécutif pour obtenir son soutien sur sa proposition de loi, qui ne sera pas examinée avant l’automne et la nouvelle session parlementaire. « Il convient de légiférer, mais sur un périmètre plus large que le RGA […] Nous espérons que le gouvernement dans son ensemble sera au rendez-vous », poursuit la rapporteure.
Une situation que déplorent les soutiens du texte écologiste selon lesquels le sujet est encore une fois reporté. « Cela fait 5 ans qu’on promène [les sinistrés] de propositions de loi, en décrets et en circulaires sans apporter de solutions concrètes aux victimes », regrette Ghislaine Senée. « Chaque retard que nous prenons aggrave la situation de milliers de nos concitoyens, nous perdons un temps précieux […] Toutes les initiatives sur le sujet sont opportunes », déplore le sénateur Michel Masset du groupe RDSE.
Bousculé par la chute du gouvernement de François Bayrou, et les atermoiements autour de la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, le Sénat réajuste son calendrier parlementaire. Plusieurs propositions de loi seront examinées d’ici la fin du mois d’octobre, en amont du traditionnel marathon budgétaire de fin d’année.
Au lendemain de son discours à l’Assemblée nationale, le Premier ministre réitéra l’exercice le mercredi devant les sénateurs. La Haute assemblée prévoit également l’examen d’une proposition de loi organique, transpartisane, pour autoriser le report des élections en Nouvelle-Calédonie.
Dernière étape du parcours politique hors normes de Robert Badinter : la Chambre haute. Tout à tour avocat, ministre de la Justice et président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter est finalement élu sénateur des Hauts-de-Seine en 1995. Au cours de ses deux mandats, il participe notamment, comme rapporteur, à la constitutionnalisation de l’abolition de la peine de mort.
Le scrutin s’est déroulé comme attendu : avec les voix de 20 grands électeurs sur 38, Annick Girardin a été réélue au Sénat dès le premier tour. L’ancienne ministre retrouve le siège qui lui a été retiré l’année dernière.
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