« Ce n’est pas dans mon habitude, mais je vais débuter par un propos qui pourrait être perçu comme politique », annonce d’emblée Victor Castanet. Ce mercredi 2 octobre, le journaliste d’investigation a été auditionné par la commission des Affaires sociales du Sénat après son livre « Les Ogres », publié mi-septembre.
« Un vaste système de maltraitance au détriment de l’argent public, des salariés et de nos enfants »
Il rappelle l’objectif de son ouvrage. Faire connaître « un vaste système de maltraitance qui se fait au détriment de l’argent public, des salariés de crèches et surtout de nos enfants ». En déplorant que les séquelles des enfants « peuvent perdurer pendant plusieurs années voire sur une vie entière ». Notamment avec des problèmes de sociabilisation, des rapports aux autres et à l’adulte. Ou encore des syndromes post traumatiques et des retards de développement. « Nous ne rappellerons jamais assez combien les mille premiers jours de nos enfants sont déterminants pour leur vie future », poursuit celui qui avait déjà dénoncé des cas de maltraitance dans les Ehpad il y a deux ans.
Victor Castanet continue en dressant une liste des irrégularités dressées dans son livre : politique de suroccupation, non-respect des ratios d’encadrement, pratiques commerciales trompeuses, clauses contractuelles abusives, montage immobilier, non-paiement des fournisseurs, dynamique du low-cost. Le journaliste rappelle avoir rencontré « des familles dans toute la France, dont les enfants avaient été affectés par des dysfonctionnements graves ou des faits de maltraitance ».
« La régularité de ces incidents doit nous alerter »
Le « cas le plus tragique » est le drame de Lyon qui a entraîné la mort d’un nourrisson de 11 mois en juin 2022. « Je pense aussi aux neuf enfants de Villeneuve-d’Ascq concernés par des faits de maltraitance et de privation de nourriture », continue le journaliste. Un procès est en cours dans cette affaire. Deux employées sont soupçonnées de violences sur des enfants de quatre mois à trois ans. Il cite d’autres drames comme « le petit Elyas à Metz que ses parents ont retrouvé l’œil ensanglanté ou Ismaël que sa mère a récupéré avec des traces de coups et des griffures ». « A Bordeaux, à Aix-en-Provence, à Marseille, à Dijon, à Dreux et dans tant d’autres villes des parents et des professionnels de la petite enfance m’ont rapporté des défaillances graves », dénonce-t-il. Et de lancer : « La régularité de ces incidents doit nous alerter ».
« Partout on a fait le choix du moins cher et du moins disant », explique l’auteur. Cette dynamique du low-cost, qu’il vise particulièrement, aurait été impulsée par trois grands acteurs : People & Baby, Les Petits Chaperons Rouges et la Maison Bleue. Ces derniers auraient entraîné « une dégradation continue des conditions de travail et de la qualité d’accueil avec la complicité de nombreuses villes, collectivités territoriales et ministres », indique le journaliste.
« Ce sujet nous concerne tous »
Victor Castanet se réjouit que les adjoints de six grandes villes aient organisé une conférence de presse sur le sujet. Ils ont demandé la remise à plat du mode de financement des crèches. Aussi que des organisations du secteur comme le syndicat national des professionnels de la petite enfance se soient mobilisés. Puis que des parlementaires ont monté des groupes de travail.
Mais il s’étonne que du côté de « l’exécutif et de la majorité présidentielle, il n’y a aucun signe, pas un mot ». Et de viser la nouvelle ministre de la Petite enfance, Agnès Canayer, qui « n’a pas eu une expression publique sur le sujet ». Il déplore également que la direction de People & baby n’a pas été convoquée, ni aucun autre acteur du secteur. Et que les autorités de contrôle, comme la CAF, n’ont pas été questionnées. « Pourquoi de plus en plus de professionnels s’étonnent de ce silence assourdissant ? Que l’on soit de droite de gauche ou du centre, ce sujet nous concerne tous. Il en va de la sécurité et du bien-être de nos enfants », conclut Victor Castanet.