Avant même l’examen d’une nouvelle loi immigration, le souhait du ministre de l’Intérieur d’allonger la durée de rétention administrative pour certains étrangers en situation irrégulière pourrait être exaucé par le Sénat. Ce mardi 5 novembre, une proposition de loi visant à « renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes » sera examinée dans l’hémicycle.
Le texte, porté par la sénatrice Les Républicains Marie Mercier, s’attaque avant tout à la question des fichiers judiciaires, sur lesquels sont inscrits les individus condamnés ou mis en examen pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes. Mais un amendement de la présidente de la commission des lois, et rapporteure du texte, Muriel Jourda, donne désormais au texte une autre dimension.
Allonger le délai de rétention dans les CRA à 180 voire 210 jours
Aujourd’hui, les personnes en situation irrégulière sur le territoire français peuvent être retenues dans des centres de rétention administrative (CRA), en vue de leur expulsion, dans un délai de 90 jours maximum. Ce délai peut déjà être étendu à 180 voire 210 jours pour les retenus condamnés pour des faits terroristes.
L’amendement de la commission des lois propose de prolonger de la même durée le délai de rétention en CRA pour les personnes en situation irrégulière « condamnées à une interdiction du territoire français en raison de la commission d’une infraction sexuelle ou violente grave ».
« L’actualité témoigne, dramatiquement, de l’importance d’une lutte résolue contre la récidive », estime Muriel Jourda dans son rapport. Par cette disposition, la sénatrice fait ainsi écho au meurtre mi-septembre de la jeune Philippine, dont le principal suspect avait séjourné en CRA après une condamnation pour viol. C’est aussi en réaction à ce drame que Bruno Retailleau a émis le souhait de prolonger le délai de rétention pour « les crimes les plus graves », lors d’un entretien accordé au Figaro Magazine début octobre.
Empêcher les personnes fichées d’exercer dans certains secteurs
Les autres mesures du texte de Marie Mercier visent davantage à étendre l’usage des fichiers pour les auteurs d’infractions sexuelles et violentes (le Fijaisv) et pour les auteurs d’infractions terroristes (le Fijait). La sénatrice entend d’abord autoriser davantage de personnes à y avoir accès.
Aujourd’hui, les noms des inscrits dans ces fichiers peuvent être consultés par les autorités judiciaires et la police dans le cadre d’enquêtes, mais aussi par les administrations de l’État pour sécuriser des décisions de recrutement. Les élus locaux peuvent, par exemple, avant d’engager un agent sur une mission en contact avec des mineurs, demander à la préfecture si celui-ci est inscrit au Fijaisv.
S’appuyant sur ce dispositif existant, la proposition de loi entend aussi autoriser les opérateurs de transports publics à consulter le Fijaisv avant le recrutement de personnels « en contact avec des mineurs ou des majeurs vulnérables ». En commission, Muriel Jourda a fait adopter un amendement durcissant la disposition, pour mettre en place « une véritable incapacité légale » d’exercer dans le secteur du transport public de mineurs ou de personnes vulnérables, pour les inscrits au Fijaisv ou au Fijait.
Éviter que la procédure de changement de nom ne soit « détournée par des individus malveillants »
Le texte propose également de durcir les procédures de changement de nom pour les personnes inscrites au Fijaisv ou au Fijait. Depuis 2022, la loi permet à toute personne majeure d’accéder une fois dans sa vie à une procédure simplifiée auprès de sa mairie pour changer de nom de famille. Une procédure « détournée de son objet par certains individus malveillants », affirme Marie Mercier. Dans l’exposé des motifs de son texte, la sénatrice évoque ainsi le cas de Francis Evrard, violeur multirécidiviste de mineurs, qui a changé de nom de famille peu après l’entrée de la loi en vigueur.
Le texte de la sénatrice permettrait ainsi au procureur d’être systématiquement informé des demandes de changement de nom des personnes inscrites au Fijaisv ou au Fijait, il pourrait alors s’opposer à cette demande si elle n’a pas de « motif légitime ». En commission, cette disposition a également été complétée. Pour tout changement de nom via une procédure simplifiée, le demandeur devra fournir un extrait de son casier judiciaire, ainsi qu’un document démontrant son inscription, ou non, au Fijaisv et au Fijait. La procédure simplifiée introduite par la loi de 2022, qui nécessite pour le moment de remplir un simple formulaire, serait ainsi rendue plus difficile.