Alors que le Sénat achevait la première journée de l’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, un amendement du président de la commission des affaires étrangères et de la Défense, Cédric Perrin (LR) pourrait, s’il est conservé au bout de la procédure parlementaire, bousculer les habitudes des trafiquants. « Je ne vois pas en quoi on ferait une différence entre ce qui est fait aujourd’hui avec les SMS et les mails et ce qui serait fait demain avec WhatsApp, Signal et Telegram », a-t-il justifié en présentant son amendement qui vise à contraindre les messageries cryptées à donner les clés de déchiffrement aux services de renseignement afin d’accéder aux correspondances et données des narcotrafiquants.
Cet accès serait limité aux échanges faisant l’objet « d’une autorisation spécifique de mise en œuvre des techniques de recueil de renseignement », après avis de la CNCT (commission nationale de contrôle des techniques de renseignement). En cas de manque de coopération de la part de la plateforme, une amende pouvant atteindre jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires mondial annuel hors taxes, est prévue.
Le rapporteur socialiste de la proposition de loi, Jérôme Durain a émis un avis défavorable soulignant que cet amendement « était lourd de conséquences ». « Aucune audition, pas d’étude d’impact, une technique invasive, une porte dérobée dont on ne sait pas qui l’emprunter […] Je pense qu’il faut donner de l’élan à ce texte et dire que le Sénat a travaillé dans l’esprit de la chambre des libertés qu’il est ».
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau a, sans surprise, émis lui un avis favorable. « On n’a plus affaire à des enfants de chœur. Ces gens-là se cachent derrière les chiffrements […] Pensez-vous un seul instant que les policiers et les gendarmes s’amusent à intercepter des conversations privées ? ils le font dans le cadre d’enquêtes et dont les moyens sont proportionnés à la finalité. L’idée c’est demander des clés de déchiffrement sans que les opérateurs nous opposent des clauses contractuelles parce que c’est ce qu’ils font actuellement », a-t-il justifié.