« Un texte de combat », a qualifié le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau au début de l’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. « Sans le Sénat, il n’y aurait pas eu cette proposition de loi », a pris soin d’insister l’ancien patron des sénateurs LR, rappelant que le texte était issu des recommandations d’une commission d’enquête lancée à l’initiative de son groupe politique, l’année dernière.
« S’il y a un point sur lequel on peut se mettre d’accord, dans des temps politiques compliqués, complexes, et parfois divisés, c’est bien la lutte contre le narcotrafic », a appuyé le ministre de la Justice, Gérald Darmanin. Les conclusions de la commission d’enquête avaient en effet été adoptées à l’unanimité. En fin d’après-midi, les élus de la chambre haute ont adopté les deux premiers articles portant sur un renforcement du pilotage de la lutte contre le narcotrafic.
Quatre ministères représentés au sein de l’Ofast
L’article 1 vise à renforcer l’Office antistupéfiants (Ofast) pour le structurer en une véritable « DEA à la française » (l’agence américaine de lutte contre la drogue, ndlr). Sous la plume des sénateurs, l’office était, à l’origine, placé « sous la double tutelle des ministères de l’intérieur et de l’économie et des finances » avec « une compétence exclusive sur les crimes liés au narcotrafic, ainsi qu’un pouvoir d’évocation sur l’ensemble des enquêtes ». Un amendement du gouvernement vise à faire sortir du domaine de la loi, pour le déplacer dans le domaine réglementaire, l’organisation opérationnelle de l’Ofast. Face aux inquiétudes de certains élus, le ministre a assuré « que le chef de filât de l’Ofast soit assuré par la DNPJ (direction de la police judiciaire) « parce que la DNPJ s’occupe de 85 % des affaires de criminalité organisée ». Bruno Retailleau a, en outre, précisé que l’état-major de l’Ofast serait composé de services de quatre ministères, l’Intérieur, Bercy, la Justice et l’Armée. « Vous vouliez l’interministérialité, il ne faut pas deux ministères il en faut quatre […] le patron sera désigné par la DNPJ avec un adjoint de la gendarmerie et un adjoint douanes, Bercy […] Ça ne peut pas être inscrit dans la loi, il faut de la souplesse. C’est de l’ordre du réglementaire. Sinon, si demain on change le nom, il faudra changer la loi », a-t-il ajouté, s’appuyant sur la lutte antiterrorisme où la direction générale de la sécurité intérieure avait été désignée par décret comme chef de file des services de l’Etat.
La localisation du Pnaco pas encore définie
Des arguments qui ont convaincu le corapporteur du texte, Jérôme Durain (PS), par ailleurs président de la commission d’enquête. Sa collègue Marie-Pierre de la Gontrie (PS) mais aussi Guy Benarroche se sont inquiétés des moyens mis par l’Etat dans ces nouveaux dispositifs. En ce qui concerne la création du nouveau parquet national anticriminalité (Pnaco) adoptée dans la foulée par les élus, Gérald Darmanin a annoncé ne pas vouloir attendre le vote de la loi pour doubler, dès cette année, les effectifs de magistrats dans les juridictions pénales spécialisées (JIRS), et la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) ». De même, si le futur Pnaco qui sera mis en place au 1er janvier 2026 sera situé « par défaut » à Paris. « Mais ça ne veut pas forcément dire que ce sera à Paris », a précisé le garde des Sceaux, précisant que la localisation pourrait changer le temps de la navette parlementaire, « le temps de challenger les équipes du ministère », en charge d’examiner d’autres villes comme Marseille.
Un sous-amendement de la commission des lois supprime, par ailleurs, « le monopole qu’il était envisagé de confier au Pnaco ». Le nouveau parquet national pourra ainsi définir ses propres compétences, dans un dialogue avec les JIRS et les parquets locaux afin de pas priver les juridictions de toute possibilité de se saisir d’affaires graves.