L’Assemblée nationale a adopté mardi 1er avril la proposition de loi visant à « sortir la France du piège du narcotrafic ». Ce texte issu du Sénat a été voté à une très large majorité, par 436 voix contre 75, ce qui était loin d’être gagné au vu des divisions soulevées par son passage en commission, la gauche ayant été nettement refroidie par la volonté du gouvernement de muscler certains dispositifs de lutte contre le trafic de drogues.
« Je salue le travail rigoureux du Sénat et de l’Assemblée nationale, qui ont su dépasser les clivages pour faire bloc face à ce fléau qui gangrène notre pays », a salué le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sur le réseau social X.
Au Sénat, ce texte transpartisan a été adopté à l’unanimité le 4 février dernier, dans la foulée de la commission d’enquête parlementaire lancé par la droite sur l’impact du narcotrafic en France. Désormais, il doit faire l’objet d’une commission mixte paritaire, destiné à accorder les deux chambres du Parlement, avant un dernier vote des élus, les 28 et 29 avril au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Un parquet national anti-criminalité organisée
Les députés ont validé la création d’un parquet spécialisé dans le grand banditisme (le Pnaco) sur le modèle de ce qui existe déjà pour le terrorisme et la délinquance financière. Au cœur de la proposition de loi, cette nouvelle juridiction devrait voir le jour en 2026 et sera chargée de lutter contre la criminalité organisée, notamment le narcotrafic.
Le texte voté par l’Assemblée nationale consacre également la refonte du régime des repentis, sur le modèle de ce qui existe déjà dans la justice italienne. Le nouveau dispositif se veut plus attractif, les personnes responsables de crimes et délits en lien avec le grand banditisme, y compris des crimes de sang, mais qui acceptent de collaborer avec la justice pourraient voir leurs peines réduites aux deux tiers.
Dossier-coffre
L’Assemblée nationale a réintroduit le dossier-coffre, supprimé en commission à l’initiative de la gauche. Ce mécanisme imaginé par les sénateurs permet de soustraire aux avocats de la défense certains éléments d’enquêtes, notamment les méthodes d’investigation spécialisées, utilisant des technologies de pointe.
Suivant un avis du Conseil d’Etat, seuls les éléments susceptibles de menacer l’intégrité physique ou la vie d’une personne, par exemple l’identité d’un enquêteur, sont portés au dossier coffre. En revanche, ils ne pourront pas être utilisés pour motiver une condamnation, à moins qu’ils ne soient « d’intérêt exceptionnel pour la manifestation de la vérité ». Ce dispositif soulève de vives inquiétudes du côté des avocats.
Les députés ont également validé le recours à de nouvelles techniques d’enquête, via le prolongement de deux expérimentations, l’une sur les interceptions satellitaires, l’autre sur la surveillance algorithmique, qui devrait permettre de traiter des volumes massifs d’informations et de générer des alertes sur les contenus suspicieux. Vent debout contre ce système, la gauche alerte contre le risque d’une « surveillance généralisée ».
Le gouvernement mis en minorité sur l’accès aux messageries cryptées
En revanche, les élus ont retoqué la mesure visant à contraindre les applications de messagerie chiffrée, comme Signal ou WhatsApp, à communiquer le contenu de certaines correspondances aux enquêteurs. Sur ce point, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, n’a pas réussi à rassurer les élus, craignant que le dispositif n’ouvre des failles de sécurité.
Quartiers de haute sécurité
Parmi les apports de l’Assemblée nationale : la création d’un nouveau régime carcéral d’isolement, porté par le garde des Sceaux Gérald Darmanin. Les trafiquants les plus dangereux y seront affectés pour une durée de deux ans, renouvelable, sur décision du ministre de la Justice, et après avis du juge de l’application des peines. L’accès au téléphone sera restreint et les détenus ne pourront pas avoir accès aux unités de vie familiales ou aux parloirs familiaux.
Également soutenu par le gouvernement, la généralisation du recours à la visioconférence pour la comparution de certains narcotrafiquants. En limitant les transferts de détenus, l’exécutif entend réduire les risques d’évasion. Le cas Mohamed Amra, dont l’évasion en mai dernier lors d’une extraction judiciaire a coûté la vie à deux agents pénitentiaires, a notamment inspiré ce dispositif.
Durcissement de la réponse pénale
Enfin, après l’adoption d’un amendement du LR Olivier Marleix, les étrangers condamnés à cinq ans de prison pour trafic de stupéfiants verront leur peine automatiquement assortie d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire. Toujours à l’initiative de la droite, l’exploitation des mineurs dans les réseaux devient « une circonstance aggravante ».