Narcotrafic : les sénateurs écologistes ouvrent le débat sur la dépénalisation de l’usage de drogue

A 24 heures du début de l’examen de la proposition de loi du Sénat, les écologistes du Sénat ont souhaité alerter sur ce qu’ils considèrent être un angle mort de la lutte contre le narcotrafic : la dépénalisation de l’usage des drogues. Une proposition de loi en ce sens vient d’être déposée par la sénatrice de Paris, Anne Souyris.
Simon Barbarit

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L’examen de la proposition de loi du Sénat sur la lutte contre le narcotrafic, issue d’une commission d’enquête lancée à l’initiative du groupe Les Républicains, démarre demain, mardi 28 janvier. « Une commission d’enquête demandée en juin 2023, par les trois sénateurs de gauche des Bouches-du-Rhône », a rappelé Guy Benarroche, sénateur écologiste du département, qui s’exprimait, ce lundi, lors d’une conférence de presse. Mais à l’époque, les trois groupes de gauche (PS, communiste, écologiste) avaient déjà usé de leur droit de tirage pour la création d’une commission d’enquête sénatoriale. C’est pourquoi la droite a pu s’en emparer.

Les 35 recommandations de la commission d’enquête, approuvées notamment par le groupe écologiste, ont débouché sur une proposition de loi transpartisane (lire notre article). Le texte va servir de véhicule législatif au gouvernement, dont le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ancien président du groupe LR du Sénat, qui a érigé la lutte contre le narcotrafic en « cause nationale ».

Orateur principal pour le groupe écologiste du Sénat lors des débats, Guy Benarroche aurait préféré que le texte soit repris dans un projet de loi. « Ça aurait engagé plus le gouvernement avec une étude d’impact et un avis du Conseil d’Etat », a-t-il regretté. Les réserves que son groupe exprimera en séance porteront sur « le respect d’un certain nombre de libertés individuelles de droit de la défense et les mesures qui peuvent être prises de manière dérogatoire », a-t-il fait part.

Les écolos seront attentifs aux droits de la défense

L’article 11 prévoit de lutter plus en avant contre le phénomène des « mules », en prévoyant une « hyper-prolongation » de leur garde à vue de façon à permettre l’expulsion totale des substances ingérées. L’article 22 permet d’aménager jusqu’à quatre ans le régime de la détention provisoire pour les délits relevant de la criminalité organisée, comme c’est le cas pour les crimes.

En ce qui concerne l’ambition du texte qui prévoit de limiter le poids des nullités « provoquées » par certains avocats de narcotrafiquants, le sénateur défendra des amendements visant « à faire respecter les droits de la défense et des avocats ». Les élus écologistes seront également attentifs à la rédaction de l’article 16 qui instaure ce qu’on appelle « un dossier coffre » dénoncé par le Conseil national des Barreaux comme « une atteinte au principe du contradictoire et aux « droits de la défense ». Ce dossier coffre ou « procès-verbal distinct », a, en effet, pour but de soustraire au contradictoire, sous le contrôle d’une collégialité de magistrats, certains éléments de procédure pour les techniques spéciales d’enquête les plus sensibles, comme le recours à des technologies de pointe, d’écoutes ou de balisages.

De la même manière, Guy Benarroche défendra un amendement de suppression de l’article 24 qu’il dénomme « l’article Retailleau ». L’article ouvre la possibilité de prononcer des interdictions administratives de paraître sur les points de deal. Il a été modifié en commission par un amendement des rapporteurs Jérôme Durain (PS) et Muriel Jourda (LR) et offre désormais la possibilité au préfet d’expulser de son logement, une personne impliquée dans un trafic de stupéfiants, si son logement est situé dans la zone d’interdiction de paraître.

« Il y a aussi tout un tas de mesures indispensables qui ne sont pas dans la loi », insiste l’élu qui regrette l’absence de campagne de communication à destination des consommateurs. On rappellera ici que Bruno Retailleau avait promis en novembre dernier une « campagne de communication » censée conduire à un « électrochoc » dans la population. Une campagne qui devait insister sur « les liens entre l’usage de stupéfiants, les violences des trafiquants et les infractions qui en découlent ».

Mettre fin à la « sanction sociale » de la pénalisation d’usage

Guy Benarroche regrette également l’absence de politique de santé publique permettant d’évoquer « des possibilités de légalisation ou de dépénalisation ». Sa collègue Anne Souyris, sénatrice de Paris a justement déposé une proposition de loi « relative à la dépénalisation de l’usage de drogues pour mieux soigner les personnes dépendantes et apaiser l’espace public ». En conférence de presse, la sénatrice a appelé à en finir avec de « délit de pauvreté » et cette « sanction sociale » « puisque ce sont les populations déjà discriminées qui sont les plus touchées par la répression ».

Anne Souyris s’appuie sur la législation portugaise du début des années 2000 qui a permis de réduire de 100 000 à 30 000 le nombre de consommateurs d’héroïne entre 2001 et 2021. Son texte substitue à la pénalisation actuelle, une convocation devant une commission médico-sociale, chargée d’évaluer la situation sociale et sanitaire de l’usager, de lui proposer des soins et de lui présenter ses droits. L’article unique maintient le délit de trafic de stupéfiants, en visant plus précisément les trafiquants.

« Dans d’autres pays le sujet de la dépénalisation de l’usage est transpartisan. Les Suisses ou les Danois ne sont pas des Babacool, ils ont légiféré dans un but l’ordre social », a-t-elle insisté en promettant d’ouvrir ce débat lors de l’examen de la proposition de loi sur le narcotrafic cette semaine.

 

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