Fini, la régence des propositions de loi de loi au Parlement ? Après une session marquée par une succession d’examen de textes d’origine parlementaire, le gouvernement reprend enfin l’initiative législative. Il a annoncé son intention de présenter plusieurs projets de loi au cours des prochains mois. Mardi, en dévoilant sa stratégie pour réduire la dépense publique en vue de l’examen des textes budgétaires de fin d’année, François Bayrou s’est engagé à initier des réformes structurelles, à travers deux projets de loi.
Un projet de loi sera déposé « à l’automne » contre la fraude sociale et fiscale pour mieux détecter, mieux sanctionner et recouvrer l’argent indûment perçu. Le Premier ministre veut aussi un projet de loi créant une « allocation sociale unifiée », dans le but de rendre plus lisibles les allocations et de rendre la rémunération par le travail plus intéressante. Son dépôt est prévu « avant la fin de l’année », puisqu’il doit nécessiter des concertations avec plusieurs acteurs, notamment les départements. Le chef du gouvernement doit également trouver une accroche législative pour pouvoir prendre des mesures de simplification par ordonnance. Le projet de loi de simplification de la vie économique, adopté par l’Assemblée nationale en juin, doit encore faire l’objet d’un accord avec les sénateurs.
Plusieurs projets de loi déjà annoncés, avant même « le moment de vérité » de François Bayrou sur les finances publiques
La liste ne s’arrête pas aux textes mentionnés précédemment, ils s’ajoutent à d’autres textes annoncés ces récentes semaines. Il y a quelques jours, Emmanuel Macron disait attendre un texte de loi pour lutter contre l’entrisme des Frères musulmans « pour la fin de l’été ». En juin, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a également annoncé qu’un projet de loi de réforme pénale était en préparation, avec l’objectif d’un examen par le Parlement « le plus rapidement possible ». Il faut aussi mentionner également un futur projet de loi « modernisation et régulation de l’enseignement supérieur ».
Et c’est sans compter le récent accord de Bougival en Nouvelle-Calédonie, qui nécessitera une traduction législative. Un projet de loi de constitutionnelle sera en effet nécessaire pour faire naître cette organisation unique d’un « État de Nouvelle-Calédonie » au sein de l’ensemble national. Certaines sources parlementaires évoquent la réunion du Parlement en Congrès vers la mi-décembre. Un projet de loi de lutte contre la vie chère dans les Outre-mer a par ailleurs été annoncé par le gouvernement.
Les « PJL », comme ils sont surnommés dans le jargon parlementaire, devront donc faire leur grand retour, après plusieurs mois d’attentisme au gouvernement, qui se raccrochait à des propositions de loi des parlementaires, lesquelles ne bénéficient ni d’avis du Conseil d’État, ni d’études d’impact. Ces réformes gouvernementales arrivent dans une portion de l’agenda traditionnellement remplie, d’aucuns diraient bien encombrée. Pendant cinq semaines, les députés vont être mobilisés en séance sur le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), du 13 octobre à la mi-novembre. Au Sénat, la période s’étend du 10 novembre au 11 décembre.
Un agenda parlementaire qui déborde déjà à la rentrée ?
Or, les premières semaines d’automne avant le débat du traditionnel marathon budgétaire sont, semble-t-il, déjà bien remplies en l’état. Les assemblées parlementaires devraient reprendre leurs travaux en séance plénière à partir du lundi 22 septembre. La convocation dépend encore d’un décret du président de la République, qui devrait vraisemblablement, s’il est confirmé, être publié au cours du mois de septembre.
Les différents groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat ont malgré tout une indication assez précise du programme de travail. Au Sénat, cette session extraordinaire de fin septembre devrait être marquée par le retour de la proposition de loi sur le statut de l’élu local, une proposition de loi issue de l’Assemblée nationale renforçant la lutte contre la fraude bancaire, un projet de loi relatif à la restitution de biens culturels, et le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les Outre-mer, en fin de session extraordinaire les 29 et 30 octobre. La première quinzaine d’octobre au palais du Luxembourg est également bien remplie, avec une semaine de travaux de contrôle au moment de l’ouverture de la session, et une semaine d’examen dans la foulée des propositions de loi sur la fin de vie, l’une relative au droit à l’aide à mourir, l’autre visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs.
À l’Assemblée nationale, la session extraordinaire s’annonce également bien chargée, selon nos informations. Là encore, le contenu effectif dépendra du décret pris par l’exécutif. L’Assemblée nationale devrait valider deux textes ayant fait l’objet d’accord en commission mixte paritaire avec le Sénat : la proposition de loi sur la simplification du droit de l’urbanisme et du logement, et le projet de loi qui transpose les accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social.
Devraient être également programmés : l’examen en première lecture du projet de loi sur la résilience des infrastructures critiques et le renforcement de la cybersécurité, la deuxième lecture de la programmation énergétique (loi Gremillet), la première lecture d’une proposition de loi qui élargit la possibilité pour les collectivités d’avoir recours au modèle de la société portuaire pour l’exploitation de leurs ports, et la proposition de loi organique sur le statut de la Polynésie française, déjà adoptée par le Sénat en mai. Quant au projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2030, son examen pourrait avoir lieu à cheval entre la session extraordinaire et ordinaire.
Le projet de loi de lutte contre la fraude potentiellement à l’Assemblée nationale avant la mi-octobre
Il resterait une petite semaine et demie à compter de l’ouverture de la session extraordinaire à l’Assemblée nationale, le mercredi 1er octobre. Or, ce début de session pourrait s’annoncer tout aussi mouvementé que celui de la première année qui a suivi les législatives. L’Assemblée nationale doit renouvellement son Bureau. Et en cas de désaccord, l’hémicycle devra procéder à l’élection des six vice-présidents, des trois questeurs et des douze secrétaires, de quoi immobiliser l’hémicycle jusqu’au 2 octobre dans la matinée.
Difficile dans ces conditions d’inscrire beaucoup de nouveaux textes gouvernementaux dans l’intervalle, avant les débats budgétaires. « Avant le budget, cela me semble difficile », observe un administrateur du palais Bourbon, tout en précisant que le gouvernement est toutefois libre d’organiser ses semaines comme il l’entend. « On a un calendrier extrêmement serré, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat », juge également une source au sein du socle commun à l’Assemblée nationale. L’inscription du projet de loi de lutte contre la fraude en octobre, potentiellement à partir du lundi 6, serait un scénario plausible, à en croire plusieurs interlocuteurs. « J’ai le sentiment que ce texte est davantage mûr, des discussions que j’en ai eues. Il pourrait reprendre certaines dispositions qui ont été censurées dans le projet de financement de la Sécurité sociale », relève un proche d’un président de groupe du socle commun.
Pour le reste, rien n’est moins sûr. Au Sénat, après le projet de loi sur la fin de vie, le gouvernement compte encore deux semaines à sa main avant le début du marathon budgétaire. « Je pense qu’on peut en caser deux ou trois », anticipe François Patriat, le président du groupe RDPI (Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants), « mais on ne passera pas tout avant le budget ».
Le contenu de la session sera aussi déterminé par les arbitrages et l’état d’avancement des textes, avant leur présentation en Conseil des ministres. « Ce n’est pas à la fin juillet qu’on peut déterminer quel sera l’ordre d’arrivée des textes », tranquillise Hervé Marseille, le président du groupe Union centriste. « Tout cela va donner lieu à des concertations. »