FRA : Siege du groupe RATP
Illustration : Entree du siege de RATP Groupe.Paris, France, Decembre 2019.//04NICOLASMESSYASZ_2019_12_27a_232a/1912271432/Credit:NICOLAS MESSYASZ/SIPA/1912271433

Ouverture à la concurrence de la RATP : la contreproposition de loi des élus communistes au Sénat

Alors qu’un texte visant à repousser l’ouverture à la concurrence du réseau de bus de la RATP à la fin 2026 est en débat au Sénat, des sénateurs communistes déposent une proposition de loi qui va plus loin, en repoussant cette ouverture à la concurrence au 31 décembre 2039. Les sénateurs s’insurgent d’une mise en concurrence qui mène finalement à la privatisation du réseau de transports franciliens.
Camille Romano

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Plus qu’une proposition de loi, c’est une contre-proposition de loi que les sénateurs communistes présentent ce lundi 18 décembre. Réunis symboliquement devant le siège de la RATP, ils ont détaillé leur texte, établi en réaction à celui de leur collègue Vincent Capo-Canellas, qui vise à encadrer la mise en concurrence du réseau de bus de la RATP.

Cette mise en concurrence, mise en place petit à petit depuis plusieurs années, en application de la loi ORTF du 8 décembre 2009, devait intervenir initialement le 1er janvier 2025. Le texte de Vincent Capo-Canellas repousse le délai, et fait passer au 1er janvier 2027. Mais les sénateurs communistes, Pascal Savoldelli au premier chef, dénoncent une « loi électoraliste », « écrite à trois mains avec Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et Jean Castex, PDG de la RATP ». Selon les élus communistes, cette loi, écrite « en quelques jours », ne vise qu’à « acheter la paix sociale et permettre de passer le cap des Jeux Olympiques », « seule préoccupation de Valérie Pécresse ». Ils s’étonnent ainsi de la rapidité d’élaboration de la loi, comme de l’enclenchement par le gouvernement de la « procédure accélérée » sur ce texte, une manœuvre qui réduit la navette parlementaire à une seule lecture par chambre.

« Mettre en concurrence service public et secteur privé est faussé »

Le texte des communistes vise, lui, à retarder la mise en concurrence « au plus tôt le 31 décembre 2039 », ce qui selon eux permet de rester en conformité avec le droit européen. Il vise également à la mise en place d’une régie régionale des transports, en cédant les « activités et les participations en dehors de l’Île-de-France » de la RATP, afin de ne pas « contrarier le maintien de son monopole public ». C’est la notion même de mise en concurrence que les communistes rejettent, comme l’explique Pascal Savoldelli : « Mettre en concurrence service public et secteur privé est faussé car l’intérêt du service privé est de faire du profit. Pour ce faire, les repreneurs privés vont jouer sur le personnel et les conditions de travail », prévoit le sénateur francilien.

Soutenus par des représentants de la CGT-RATP et RATP-Bus, ainsi que des conseillers régionaux Fabien Guillaud-Bataille et Céline Malaisé, les élus communistes proposent une alternative à cette mise en concurrence qui est, selon eux, « une ouverture à la privatisation », qui aura pour résultats « de casser le statut des agents de la RATP, une réduction des acquis sociaux, un service de plus en plus dégradé », comme l’explique Pierre Barros, sénateur communiste du Val d’Oise. Il a pu constater les effets de la mise en concurrence en grande couronne : « Le métier se dégrade depuis des années, les services n’existent plus, les bus se perdent… » « Nous voulons un niveau de service qui correspond aux besoins des usagers », martèle-t-il.

Une bataille « de longue haleine »

Sa collègue sénatrice de Seine-et-Marne, Marianne Margaté abonde dans son sens, en donnant l’exemple d’écoles privées de dessertes en transports en commun, obligeant les élèves à emprunter près de 3 moyens de transport différents… « C’est la vie sociale et culturelle qui est remise en cause », déplore-t-elle, en appelant à « tirer le bilan de la mise en concurrence en grande couronne ». Un bilan qu’elle juge donc négatif.

Pour Bertrand Hammache, secrétaire général de la CGT-RATP, le projet d’ouverture à la concurrence est une « absurdité réelle et continue », avec pour finalité de voir les salariés du groupe être la « variable d’ajustement » lors du passage au secteur privé. « La mise en concurrence n’est pas la solution, mais plutôt le problème, comme si on confiait le poulailler au renard. », juge le représentant syndical. Son collègue Cemil Kaygisiz, secrétaire général de la CGT RATP-Bus regrette « la dégradation continuelle du service et des conditions de travail » que sous-tend la mise en concurrence, pointant notamment la baisse du nombre de conducteurs de bus, qui sont passés de 16 900 en 2021 à 14 469 en 2023. Le syndicaliste n’écarte pas des mouvements de grève pour protester contre le projet.

Malgré leur mobilisation, les sénateurs communistes ont conscience qu’ils s’engagent dans une « bataille de longue haleine », comme le constate Pascal Savoldelli. Il leur faudra « trouver l’espace pour défendre leur texte », que ce soit dans leur niche ou à la faveur d’une reprise de la proposition par des collègues, d’ici à 2026.

Partager cet article

Dans la même thématique

Ouverture à la concurrence de la RATP : la contreproposition de loi des élus communistes au Sénat
6min

Parlementaire

Commission d’enquête du Sénat sur les agences : « Tous ceux qui annoncent des milliards d’euros d’économies mentent un peu aux Français »

Selon les conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur les agences et opérateurs d’Etat, il ne sera pas possible de trouver des milliards d’euros d’économies en supprimant ces structures, sauf à stopper leurs politiques publiques. En poussant les mutualisations, près de 540 millions d’euros peuvent être espérés. Un constat qui démonte le récit fait par la ministre Amélie de Montchalin.

Le

Covid-19 Saint Denis hopital Delafontaine
5min

Parlementaire

Fin de vie : le Sénat se nourrit des expériences étrangères

Après avoir entendu les anciens députés Jean Leonetti et Alain Claeys, auteurs du texte de loi « Claeys – Leonetti » relatif aux droits du patient en fin de vie, les sénateurs de la commission des affaires sociales ont souhaité entendre certaines expériences étrangères où l’euthanasie est autorisée comme en Belgique, au Québec et aux Pays-Bas.

Le

Ouverture à la concurrence de la RATP : la contreproposition de loi des élus communistes au Sénat
5min

Parlementaire

Canicule : « Les gens ne meurent pas de la chaleur, mais de l’action climaticide du gouvernement », accuse la sénatrice Mélanie Vogel

Durant la séance de questions d’actualité au gouvernement, ce mercredi 2 juillet, l’élue écologiste a accusé le gouvernement de « mener une politique climaticide dictée par l’extrême droite », afin de se maintenir au pouvoir dans un contexte de forte fracturation politique. Alors que la France suffoque depuis plusieurs jours sous une vague de chaleur particulièrement précoce et intense, la ministre Agnès Pannier-Runacher a tenté de faire valoir les adaptations mises en place depuis la canicule de 2003.

Le