Perrier : nouvelles révélations sur la production d’eau minérale naturelle

Perrier : la commission d’enquête du Sénat prête à entendre des responsables de Nestlé Waters après de nouvelles révélations sur le scandale de l’eau minérale

Un nouveau rapport remet en cause la sécurité sanitaire des eaux produites par l’usine Perrier de Vergèze dans le Gard, près d’un an après de premières révélations sur les traitements illégaux subies par plusieurs marques d’eaux minérales naturelles ou de sources. Alexandre Ouizille, le rapporteur PS de la commission d’enquête ouverte par le Sénat sur cette affaire, souhaite pouvoir « remonter jusqu’au bout de la chaîne de décision ».
Romain David

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C’est un nouveau pavé dans la mare des eaux en bouteille. Un rapport confidentiel de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, daté de la fin du mois d’août, et dont le contenu est divulgué ce lundi 16 décembre par le journal Le Monde et Radio France, pointe un « risque viral » dans l’usine de la marque Perrier à Vergèze dans le Gard, propriété du groupe Nestlé. Les autorités sanitaires invitent même l’entreprise à envisager la fin de la production d’eau minérale naturelle sur ce site.

Fin janvier déjà, Le Monde et la cellule investigation de Radio France révélaient qu’une large partie des eaux en bouteille vendues sous l’étiquette « eau minérale naturelle » ou « eau de source », subissaient des traitements de désinfection illicites pour de telles appellations, similaires à ceux utilisés sur l’eau du robinet, et ce afin de faire face à des contaminations bactériennes ou chimiques ponctuelles. Le groupe Nestlé Waters, propriétaire de plusieurs grandes marques françaises comme Vittel, Hépar ou Perrier, est l’un des principaux concernés.

Dans la foulée, la commission des affaires économiques du Sénat a produit un premier rapport d’information, présenté le 16 octobre. Son auteur, la sénatrice écologiste de Paris Antoinette Guhl y pointe la « lenteur de la mise en conformité de Nestlé en l’absence de mesures plus volontaristes de l’Etat ».

À la suite de quoi, la Chambre haute a choisi d’ouvrir une commission d’enquête sur « les pratiques des industriels de l’eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés », créée à l’initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. À la différence des missions d’information, les commissions d’enquête parlementaire disposent de pouvoir d‘investigation élargie. Celle-ci est présidée par le sénateur LR du Gard Laurent Burgoa. Le sénateur socialiste de l’Oise, Alexandre Ouizille, en est le rapporteur. Entretien.

Est-ce que vous aviez connaissance du rapport révélé par Le Monde et Radio France ? L’avez-vous consulté ?

« À ce stade de nos travaux, non. Notre commission d’enquête a été officiellement lancée le 4 décembre, et les demandes de documentation que nous souhaitons formuler auprès des pouvoirs publics sont encore en cours de finalisation. En revanche, avant même que sortent ces informations, nous avions déjà prévu de réaliser un contrôle sur le site Perrier de Vergèze. Cela nous conforte sur la nécessité d’y procéder.

Par ailleurs, j’ai pu m’entretenir avec les journalistes qui ont mené ces investigations. L’information grave qui en ressort, c’est qu’en dépit du plan de transformation engagé par Nestlé Waters dès 2021 et validé en catimini par le gouvernement, des risques sanitaires existent, notamment sur le plan virologique.

Quel était l’objectif de ce plan de transformation ? Et pourquoi est-il problématique ?

En 2021, le gouvernement a eu connaissance de l’utilisation par les industriels de traitements visant à hygiéniser certaines eaux minérales naturelles, comme l’utilisation de rayons ultraviolets. Ces techniques, autorisées sur les eaux rendues potables par traitement, comme l’eau du robinet, ne répondent pas au cahier des charges nécessairement plus exigeant sur ce type d’appellation. Les eaux minérales naturelles ne sont pas supposées avoir besoin d’un traitement de purification. Derrière, il y a tromperie pour le consommateur avec, évidemment, un enjeu sur le prix des bouteilles.

Nestlé Waters s’est engagé auprès de la ministre déléguée chargée de l’Industrie, à l’époque Agnès Pannier-Runacher, à mettre en œuvre un plan de transformation. Ce plan prévoyait de remplacer les traitements utilisés par des techniques de microfiltration. Or, selon le rapport, il se trouve que celles utilisées chez Nestlé ne sont pas non plus conformes à la réglementation européenne. Par ailleurs, elles n’écartent pas un risque virologique.

Vous pointez l’implication du gouvernement.

Cette situation nous amène à nous interroger sur le cadre qui a poussé le gouvernement à agir. Le risque sanitaire, mis en évidence aujourd’hui, était-il déjà connu des autorités quand ce plan de transformation a été lancé ? Ce que nous savons, c’est qu’il a été validé au plus haut niveau de l’Etat.

Une personne convoquée par une commission d’enquête parlementaire est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, sous peine de poursuites judiciaires. Savez-vous déjà quelles sont les personnalités que vous souhaitez entendre ?

Jusqu’à présent nous avons procédé à des auditions de mise en contexte. Nous avons entendu le Bureau de recherches géologiques et minières et des universitaires sur l’histoire de l’eau minérale. En janvier nous allons rentrer dans le vif du sujet. Nous avons l’intention d’entendre des industriels, notamment les responsables de Nestlé Waters, mais aussi les autorités de contrôle et des membres du gouvernement d’alors. Nous voulons remonter jusqu’au bout de la chaîne de décision. Et si pour cela nous devons aller jusqu’à la Première ministre de l’époque, Élisabeth Borne, alors nous irons jusqu’à la Première ministre.

Ce dossier a déjà fait l’objet d’une mission d’information au Sénat. Votre groupe politique a souhaité aller plus loin. Quelle finalité souhaitez-vous donner à vos travaux ?

Cette commission vise à établir des responsabilités mais aussi à faire en sorte qu’une telle situation ne puisse plus se reproduire et restaurer une confiance entamée. Pour cela, nous devons nous interroger sur la manière d’armer plus efficacement les autorités sanitaires. Par ailleurs, si certains industriels ont triché, c’est qu’ils n’ont pas réussi à préserver la ressource et que celle-ci se dégrade. Il est donc essentiel d’interroger les pratiques pour mieux la préserver. Nous souhaitons également faire des propositions en ce sens. »

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