Paris: Election President du Senat

Près d’un milliard d’euros pour l’agriculture, 800 millions de crédits non utilisés pour MaPrimeRenov’ : ce que prévoit le projet de loi de finances de fin de gestion

Le Sénat examine ce lundi ce texte financier qui peaufine le niveau des dépenses pour l’année 2023. La charge de la dette augmente de près de 4 milliards d’euros, en raison de l’inflation et des taux d’intérêt. Les sénateurs veulent augmenter de 100 millions d’euros les aides à la voirie locale, de 100 millions les crédits pour la rénovation des réseaux d’eau potable, ou encore prévoir 30 millions d’euros pour l’aide alimentaire.
François Vignal

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Un « oui, mais ». Le Sénat examine ce lundi le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG pour les intimes) de l’année 2023. Il s’apprête à l’adopter. Ce PLF de fin de gestion, c’est un peu la queue de comète du budget de l’année en cours. C’est aussi une première, créée par la loi de modernisation de la gestion des finances publiques. Quand la fin de l’exercice approche, ce PLFG permet au gouvernement d’ajuster, à la hausse ou à la baisse, les lignes de crédits budgétaires, selon les besoins, comme un collectif budgétaire. Mais il ne peut comporter aucune mesure fiscale nouvelle.

Niveau de déficit « préoccupant »

Si la majorité sénatoriale LR-centristes s’apprête à adopter le texte, il ne faut pas y voir un blanc-seing. « Comme on ne veut pas jouer la politique du pire, car notre pays est dans une situation trop préoccupante, on va proposer de l’adopter. Non pas qu’on valide une situation budgétaire, qui n’est pas sur la bonne trajectoire, contrairement aux propos du ministre. On a des dépenses qui augmentent et des prévisions de recette qui se réduisent », s’inquiète le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, le sénateur LR Jean-François Husson. Il ajoute : « On n’est pas dans le en même temps, on est dans le contre temps ».

Quant au niveau du déficit public, qui est attendu à 4,9 % du PIB pour 2023, le sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle souligne qu’« avant la crise sanitaire, il était de l’ordre de 90 milliards d’euros, et là, il est autour de 170 milliards d’euros. Ce qui est préoccupant. Surtout pour un gouvernement qui se dit à l’euro près ».

Près d’un milliard d’euros de plus pour l’agriculture

Pour le rapporteur du budget, « ce qui est également surprenant, c’est qu’il y a un peu plus de cent programmes du budget qui font l’objet de mouvements de crédits, en ouverture et en annulation, sans qu’on ait de grandes explications ». Si ce genre d’affinage est classique, et se trouve justement être l’objet du texte, « là, il y en a plus que d’habitude », selon Jean-François Husson.

Au total, ce PLFG prévoit 9 milliards d’euros de nouveaux crédits et 5,2 milliards de crédits annulés, soit une ouverture nette de crédits de 3,8 milliards d’euros sur le budget général. Parmi les « éléments à souligner », Jean-François Husson voit notamment « la charge de la dette qui commence à être réévaluée de près de 4 milliards d’euros (3,8 milliards), en raison de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt », « la défense, où on a plus de 2 milliards d’euros d’ouverture de crédits », « l’agriculture », avec pas moins de quasiment 1 milliard d’euros pour faire face aux différentes crises (indemnisation économique liée aux crises de l’influenza aviaire, viticulture, agriculture biologique, etc.) ou encore la sous exécution des crédits prévus pour MaPrimeRenov’. « C’est presque 1 milliard d’euros, avec 800 millions. Donc l’objectif de rénovation du parc privé ne sera pas atteint », pointe du doigt le rapporteur général. Selon son rapport pour la commission des finances, ce chiffre s’explique notamment « en raison des effets de l’inflation sur le coût des rénovations énergétiques, de la hausse des taux de crédits immobiliers mais aussi du renforcement des contrôles pour lutter contre les fraudes ».

Baisse de 65 millions d’euros de l’aide médicale d’Etat

A noter que l’aide médicale d’Etat pour les étrangers sans papiers, que la majorité sénatoriale a transformé en aide médicale d’urgence dans le texte immigration, voit ses crédits réduits de 65,8 millions d’euros en 2023.

Cette annulation de crédits « correspond à une rectification de la prévision de consommation au titre de l’aide médicale d’État. Dans le projet de loi de finances pour 2023, il était prévu que les dépenses d’AME de droit commun augmentent de 133 millions d’euros, soit 12,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. La prévision a été revue à la baisse, d’où l’annulation de crédits », peut-on lire dans le rapport de Jean-François Husson.

340 millions d’euros de plus pour l’aide aux réfugiés ukrainiens

Quant à l’aide accordée pour l’accueil des réfugiés d’Ukraine, le surcoût engendré est de 340 millions d’euros, « dont 175 millions d’euros pour le versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et 164 millions d’euros pour le financement des dépenses d’hébergement (hébergement collectif, accueil de jour et transport) », précise le rapport.

De leur côté, les sénateurs vont défendre quelques amendements, dont le principe a été adopté « à l’unanimité ou presque en commission », pour permettre l’adoption de crédits supplémentaires, notamment pour la voirie des collectivités locales. « On avait déjà obtenu 50 millions l’an dernier, mais ils ont été fléchés à la voirie nationale… On redemande les 50 millions que l’Etat nous a honteusement volés. Donc on demande en tout 100 millions d’euros cette année », avance Jean-François Husson, qui a déposé un amendement en ce sens. Un autre prévoit 25 millions d’euros pour le plan de remise en état des ponts routiers, sujet sur lequel le sénateur centriste Hervé Maurey avait produit un rapport.

Toujours pour les collectivités, les sénateurs veulent rajouter 100 millions d’euros pour la rénovation des réseaux d’eau potable, en visant les bassins où le taux de fuite est le plus élevé.

Le Sénat veut 30 millions de plus pour l’aide alimentaire

« Nous voulons aussi flécher 30 millions d’euros pour l’aide alimentaire. On veut flécher plutôt les banques alimentaires – j’ai refait le point avec eux la semaine dernière – car c’est l’organisme qui brasse large, alors qu’on observe une montée forte du nombre de nouveaux bénéficiaires », relève le rapporteur général. Un autre amendement prévoit par ailleurs « 20 millions pour le soutien aux réfugiés arméniens ».

Jean-François Husson espère être entendu du gouvernement. « On a un examen très critique, on aura l’occasion de le redire lors du budget 2024, dont l’examen commence jeudi », rappelle-t-il, mais « quand le Sénat rend une copie propre, je ne souhaite pas qu’on vienne ergoter sur tel ou tel sujet. On fait part de nos exigences, on n’empêche pas le gouvernement d’obtenir, peut-être, un accord sur le PLF de fin de gestion ». Une fois adopté ce soir par les sénateurs, le texte devra en effet faire l’objet d’une commission mixte paritaire entre députés et sénateurs pour tenter de trouver un texte commun.

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