C’est dans les colonnes du Journal du Dimanche que Gérald Darmanin a dévoilé son projet : une nouvelle prison en Guyane dotée d’un quartier de haute sécurité. Situé à Saint-Laurent-du-Maroni, ville de 50 000 habitants à la frontière du Suriname, le centre pénitentiaire de 500 places disposera d’une soixantaine de cellules de haute sécurité pour les narcotrafiquants ainsi qu’une quinzaine réservée pour les détenus « islamistes et radicalisés ». A partir de 2028, elle accueillera en priorité les narcotrafiquants guyanais et antillais puis s’ouvrira peu à peu aux détenus de métropole.
« Le bagne transformait les criminels, mais plus souvent de simples délinquants en bêtes humaines »
« Il s’agit ni plus ni moins que de la réouverture du bagne ! Une forteresse isolée dans la jungle amazonienne », s’indigne Georges Patient, dans un communiqué de presse posté sur X. Le sénateur RDSE fait ici référence au bagne de Cayenne, un centre de rétention français fermé en 1946 et connu pour ses conditions de détention particulièrement sévères. « Pour mémoire, le bagne transformait des criminels, mais plus souvent de simples délinquants, en bêtes humaines sans pour autant résoudre les problèmes de délinquance et de criminalité de la société », alerte-t-il. « Est-ce là la référence absolue d’un système carcéral pour le ministre de la Justice ? »
Un régime carcéral « extrêmement strict »
L’annonce de Gérald Darmanin s’inscrit dans son projet de prisons de haute sécurité. Annoncé en février dernier, deux établissements de haute sécurité vont voir le jour en métropole, à Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe. L’objectif : couper du monde extérieur les narcotrafiquants les plus dangereux.
Via un amendement glissé dans la proposition de loi « visant à faire sortir la France du piège du narcotrafic », le gouvernement a fait voter son projet de prisons de haute sécurité. Il a définitivement été adopté le 29 avril 2025. Le texte prévoit l’instauration de fouilles systématiques, une limitation des promenades, des parloirs par hygiaphones ou encore une suppression de l’accès aux unités de vie familiale.
Le ministre a annoncé vouloir mettre en place un régime carcéral « extrêmement strict » pour mettre « hors d’état de nuire » les profils les plus dangereux du narcotrafic. « Ma stratégie est simple : frapper la criminalité organisée à tous les niveaux. Ici, au début du chemin de la drogue. En métropole, en neutralisant les têtes de réseau. Et jusqu’aux consommateurs. Cette prison sera un verrou dans la guerre contre le narcotrafic ».
Dès le mois de mars, l’Observatoire international des prisons (OIP) a pointé dans un communiqué « d’insupportables violations des droits » et des « mesures attentatoires aux droits humains et libertés fondamentales ».
« Coup de force médiatique »
Pour autant, Georges Patient se dit conscient de la « situation pénitentiaire dramatique » en Guyane avec une surpopulation chronique, des conditions de détention indignes et des moyens humains insuffisants. Il assure que la construction d’un nouvel établissement pénitentiaire à Saint-Laurent-du-Maroni représente une « urgence absolue ». « Ce projet, attendu depuis des années […] est essentiel pour rééquilibrer l’offre carcérale sur le territoire et rapprocher les détenus de leurs familles ».
Il regrette cependant le « coup de force médiatique » du ministre. « Quel est l’objectif du ministre Darmanin quand il préfère donner la primeur de ses annonces à un journal porte-voix de l’extrême droite plutôt qu’aux élus qui l’accueillent ? Le risque est de tomber dans la caricature la plus imbécile. Et ça n’a pas manqué ».
Jeudi dernier sur X, à l’occasion de l’hommage aux policiers tués lors de l’évasion de Mohammed Amra il y a un an, Emmanuel Macron s’est dit déterminé à « neutraliser les cartels » : « Cela passe aussi par la mise en œuvre d’un régime carcéral adapté pour que les narco-trafiquants soient réellement mis hors d’état de nuire en prison et de diriger leurs entreprises criminelles. Car prison ne doit plus rimer avec quartier général ».
De son côté, Georges Patient appelle le garde des Sceaux à revenir à « une méthode fondée sur l’écoute ». « La Guyane mérite mieux que des effets d’annonce. Elle mérite une politique pénitentiaire à la hauteur des enjeux, construite avec et pour ses habitants », a-t-il conclu.