Il y a cinq jours, Bruno Retailleau publiait dans Le Figaro une tribune signée avec ses deux vice-présidents, l’eurodéputé François-Xavier Bellamy et l’ancien député Julien Aubert, pour demander la fin des subventions à l’éolien et au photovoltaïque. Moins d’une semaine avant la deuxième lecture de la proposition de loi de Daniel Gremillet sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, la manœuvre a brouillé les repères de la majorité sénatoriale (voir notre article). D’autant plus que lors de l’examen à l’Assemblée nationale, un grand nombre de députés LR avaient introduit, avec le soutien des députés RN, un moratoire sur l’éolien et le photovoltaïque. La version du texte examinée au Sénat a été adoucie en « préférant » simplement le renouvellement des installations existantes à l’implantation de nouvelles éoliennes.
« La guerre fratricide du nucléaire et des renouvelables n’a que trop duré »
Pour répondre aux divisions de la droite sur le sujet, le mot d’ordre des cadres de la majorité sénatoriale au cours de cette deuxième lecture a donc été de rester fidèle à la « version négociée avec l’Assemblée » et les députés du socle commun. Marc Ferracci a tout de même regretté que ce moratoire sur le solaire et l’éolien voté à par les députés LR et RN ait « enflammé » le débat.
« L’idée d’un moratoire sur le solaire et l’éolien a agité les esprits. Cette idée a finalement été rejetée, mais elle a inquiété les territoires, et menacé des milliers d’emplois. […] Nul ne saurait ignorer les limites qui pèsent sur la production nucléaire qui est un pilier, mais il ne peut pas être le seul. La guerre fratricide du nucléaire et des renouvelables n’a que trop duré. Le vrai combat est la sortie des fossiles », a ainsi lancé le ministre de l’Industrie et de l’Energie, alors que le Sénat a aussi acté la relance du nucléaire dans cette nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie.
Comme sur le nucléaire, les modifications à la version négociée avec l’Assemblée et votée en commission ont été mineures (voir notre article). Hormis une mention du développement de l’hydroélectricité et de l’agrivoltaïsme, la chambre haute s’en est tenue à la ligne énoncée par la présidente de la commission des Affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone : « Je voudrais rappeler que nous sommes là pour faire en sorte que l’article garde la rédaction de la commission qui reste au plus près de ce qui a été présenté par l’Assemblée nationale. Nous n’avons pas voulu faire figurer d’objectifs par secteur. Nous nous sommes fait violence. »
Des objectifs flous en matière de renouvelables
Pour éviter des débats houleux et risqués sur chaque type d’énergie renouvelable, le Sénat a resserré l’écriture de l’article 5 qui planifiait le « renforcement des énergies renouvelables et décarbonées » en précisant simplement que la part d’énergie décarbonée dans la consommation finale d’énergie devrait atteindre 58 % en 2030. Sur 560 TWh d’électricité décarbonée, la programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit 200 TWh issus de sources renouvelables, soit un peu moins que l’objectif de 40 % d’électricité renouvelable qui figure dans la PPE actuelle. Le sénateur écologiste Yannick Jadot a défendu – sans succès – un amendement proposant d’inscrire dans la programmation énergétique française l’objectif européen de 44 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en 2030. Dans l’état actuel de la loi, l’objectif est de 33 %, et la version adoptée par le Sénat ce mardi abandonne cet indicateur pour se concentrer sur les 58 % de l’énergie finale consommée d’origine décarbonée – ce qui comprend le nucléaire.
Face à des demandes répétées émanant de la gauche, mais aussi de sénateurs de droite dont le département pouvait être particulièrement concerné par certains types d’énergies renouvelables, les cadres de la majorité sénatoriale ont refusé de mentionner les éoliennes en mer notamment. « Une proposition de loi, ce n’est pas l’addition des intérêts des différents territoires. J’aurais pu défendre les Côtes-d’Armor, mais on est sur un texte d’ampleur nationale. Tel ou tel département n’est pas le centre du monde », a répondu le rapporteur LR Alain Cadec, après une énième interpellation des sénateurs de la Manche.
La déclinaison secteur par secteur des objectifs chiffrés de production ne devrait donc pas figurer dans la loi, mais dans le décret de programmation qui sera ensuite pris par le gouvernement après l’adoption conforme à l’Assemblée ou – le cas échéant – la commission mixte paritaire que Patrick Mignola, ministre chargé des Relations avec le Parlement, a annoncé pour la mi-octobre (voir notre article).