Que contient le projet de loi agricole, définitivement adopté avant l’ouverture du Salon de l’agriculture ?

Après un ultime vote au Sénat, le projet de loi d’orientation agricole est définitivement adopté par le Parlement. La version finale du texte intègre de nombreuses dispositions introduites par les sénateurs. La gauche et les écologistes dénoncent des reculs environnementaux. Explications.
Rose Amélie Becel

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« Je ne voudrais pas commencer ce Salon de l’agriculture en disant aux agriculteurs : “Les parlementaires ne vous ont pas entendus” », avait averti Annie Genevard, en début de semaine devant les sénateurs. Le vœu de la ministre de l’Agriculture est maintenant exaucé. À 48 heures de l’ouverture du salon, la loi d’orientation agricole a été définitivement adoptée, avec son vote au Sénat le 20 février (236 pour, 103 contre).

Le calendrier était serré : après un premier passage à l’Assemblée nationale avant la dissolution, le projet de loi a été adopté en première lecture au Sénat ce 18 février, avant que députés et sénateurs ne s’accordent sur une même version du texte en commission mixte paritaire le soir même. La version finale du texte « conserve l’essentiel des apports de fond des travaux du Sénat », salue le sénateur centriste Franck Menonville, co-rapporteur du texte avec son collègue Les Républicains Laurent Duplomb.

Le principe « pas d’interdiction de pesticides sans solution » consacré dans la loi

On trouve la première mesure phare de ce projet de loi fleuve – il contient 24 articles – dès l’article 1. Celui-ci consacre l’ « intérêt général majeur de la Nation » de l’agriculture, une disposition qui acte juridiquement la contribution des activités agricoles aux intérêts fondamentaux du pays. « L’objectif est clair : accroître substantiellement le potentiel agricole de notre nation, afin de nous débarrasser des dépendances inutiles », explique Annie Genevard devant les sénateurs, avant le vote final du texte.

Cet article 1 conserve aussi l’une des principales modifications apportées au texte par les sénateurs : le principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire ». Une formulation en miroir de la « non-régression environnementale », inscrite dans le code de l’environnement pour empêcher tout recul sur le sujet dans la loi. Pour les co-rapporteurs du texte au Sénat, l’idée est d’aller vers « une égalité de traitement » entre écologie et agriculture.

Enfin, le projet de loi consacre un dernier principe, intégré au texte par les sénateurs et particulièrement cher au syndicat majoritaire de la profession, la FNSEA : « pas d’interdiction [de pesticides], sans solution ». Dans le détail, la mesure poussée par les élus de la majorité de droite et du centre impose « un haut niveau de protection des cultures, notamment dans le cadre du principe refusant des interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces ».

Faciliter l’installation des agriculteurs avec un « guichet unique »

Dans un second volet, la loi entend faciliter l’installation des agriculteurs et les transmissions d’exploitations. Un enjeu incontournable, pour tenter d’enrayer le vieillissement de la population agricole : d’ici à 2030, la moitié des exploitants seront en âge de partir à la retraite. Pour former les nouvelles générations, le projet de loi créé d’abord un nouveau diplôme de niveau bac +3, le « Bachelor Agro ». Au Sénat, celui-ci a été doté d’une « orientation résolument entrepreneuriale », se félicite le rapporteur Franck Menonville.

Le texte va également permettre de centraliser toutes les démarches d’installation des agriculteurs au sein d’un « guichet unique », géré au niveau des départements par les chambres d’agriculture. Par le biais de ce guichet, les agriculteurs pourront également recevoir des conseils, avec la mise en place d’un « diagnostic modulaire », une évaluation facultative des exploitations « pour que les meilleures décisions soient prises en matière de viabilité économique, sociale et environnementale », explique Annie Genevard.

Autre mesure ajoutée au Sénat et conservée dans le texte final, les agriculteurs partant en retraite et rencontrant des difficultés bénéficieront d’une « aide au passage de relais ». D’un montant d’environ 1 000 euros par mois, celle-ci pourra leur être versée pendant une période maximum de 5 ans.

Certaines atteintes à l’environnement dépénalisées

Avec l’adoption du projet de loi, d’autres mesures autrement plus polémiques pourraient entrer en vigueur. L’article 13, qui avait donné lieu à des débats houleux au Sénat, prévoit en effet la dépénalisation de certaines atteintes à la biodiversité. Une mesure déjà présente dans la version du texte votée à l’Assemblée, mais considérablement durcie par la majorité sénatoriale. La version du texte définitivement adoptée acte que les infractions « non intentionnelles » seront passibles d’une sanction administrative, jusqu’à 450 euros d’amende, contre la peine maximale de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende aujourd’hui inscrite dans le code de l’environnement.

Une mesure vivement critiquée par la gauche et les associations de défense de l’environnement. « Cette loi est une loi du déni, du déni de la nature d’abord. Ignorer les impacts parfois lourds de l’agriculture sur la biodiversité, sur les sols, l’eau, le climat et la santé est irresponsable », dénonce le sénateur écologiste Yannick Jadot lors du vote final du texte, accusant la majorité sénatoriale d’ « obscurantisme ».

Enfin, la loi accorde une présomption d’urgence en cas de contentieux autour de la construction de bâtiments d’élevage ou de mégabassines. Une disposition qui permet d’accélérer les procédures : les recours contre ces projets devront être purgés en deux ans maximum, contre jusqu’à dix ans aujourd’hui. « Un gage de sérénité pour le monde paysan », défend la ministre de l’Agriculture.

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