« Comme la lettre le dit, nous ne nous opposons pas à la reconnaissance d’un État de Palestine, en revanche, est-ce que l’annoncer au printemps 2025 était opportun », s’interroge Roger Karoutchi. « Le massacre du 7 octobre a causé la mort de 42 de nos compatriotes, tous les otages n’ont pas été libérés, le Hamas refuse de rendre les armes et d’arrêter la guerre ».
Le sénateur reproche le manque de coordination entre le président de la République et le Quai d’Orsay : « Au même moment que l’annonce d’Emmanuel Macron de vouloir reconnaître la Palestine, le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est auditionné au Sénat et réaffirme que les conditions ne sont pas remplies pour une reconnaissance. Et évidemment, c’est le Quai d’Orsay qui a raison », assène-t-il.
« Plonger dans l’inconnu »
« Il y a la réalité et les vœux. Mon vœu permanent c’est qu’il y ait la paix au Proche-Orient, mais est-il réaliste aujourd’hui ? Le chef de l’Etat doit prendre les choses telles qu’elles sont », affirme le sénateur des Hauts-de-Seine.
La lettre indique que reconnaître l’Etat de Palestine, c’est « plonger dans l’inconnu » avec une Autorité palestinienne qui manque de « crédibilité » et de « légitimité ». Lors de son interview, Emmanuel Macron a rappelé le besoin de renforcer l’Autorité palestinienne. « Quand les otages seront libérés, que le Hamas ne sera plus là et que l’Autorité palestinienne se trouvera renforcée, alors nous pourrons reprendre les discussions sur la reconnaissance de la Palestine », prévient Roger Karoutchi.
« La parole de la France sera totalement décrédibilisée »
L’annonce de reconnaissance pourrait se faire en juin prochain, à l’occasion d’une conférence (sur la solution à deux États) à New York, que la France coprésidera avec l’Arabie saoudite. Emmanuel Macron souhaite que ce moment puisse « finaliser le mouvement de reconnaissance réciproque » des Etats voisins d’Israël. Pour le sénateur, le risque est énorme : « Il faut inverser le processus. Est-ce que l’Arabie saoudite est prête à reconnaître l’Etat d’Israël ? Car si cela n’arrive pas après la reconnaissance, alors la parole de la France sera totalement décrédibilisée dans les pays arabes. Il aurait pu dire sa ligne, mais ne pas fixer un horizon ».
Dans un entretien téléphonique avec Emmanuel Macron ce mercredi 15 avril, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que l’établissement d’un Etat palestinien serait « une énorme récompense pour le terrorisme ». De son côté, le président français a plaidé pour rouvrir « une perspective de solution politique à deux États ».
« Certains socialistes auraient pu la signer »
107 sénateurs de droite et du centre ont cosigné la lettre de Roger Karoutchi. Le sénateur n’a pas souhaité demander la signature d’autres groupes même s’il est persuadé que « certains socialistes auraient pu la signer ».
En 2014, le Sénat se prononçait, dans un vote très serré, en faveur d’une reconnaissance de la Palestine. Mais pour le sénateur, le contexte était différent : « Je pense que des personnes qui ont voté pour en 2014 trouvent que ce n’est pas le bon moment aujourd’hui. Parmi les 107 signataires, certains sont en faveur de la solution à deux Etats et donc d’une reconnaissance future de l’Etat Palestinien ».
Roger Karoutchi souhaite que des discussions puissent se tenir dans l’hémicycle : « On ne peut pas accepter que tout soit fait sans le Parlement, regrette-t-il. Il faut qu’il y ait des discussions et peut-être même un vote ».