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Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat.

Réforme de l’audiovisuel public : la gauche sénatoriale promet « un combat politique, sociétal et moral »

Le Sénat examinera en seconde lecture, à parti de jeudi, la réforme de l’audiovisuel public, une proposition de loi issue des rangs centristes mais fermement défendue par la ministre de la Culture Rachida Dati. La gauche sénatoriale accuse la locataire de la rue de Valois de tenter un passage en force sur ce texte qui vise à rapprocher dans une même entité France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA).
Romain David

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« Madame Dati doit savoir qu’elle va nous trouver sur son chemin, et que ça ne sera pas un moment agréable… Mais elle n’est pas toujours agréable non plus ». Alors que la réforme de l’audiovisuel public revient au Sénat en fin de semaine, Patrick Kanner, le chef de file des sénateurs socialistes, promet « un combat politique, sociétal et moral » à la ministre de la Culture. La gauche sénatoriale a été ulcérée par la réinscription manu militari de ce texte à l’agenda du Sénat, deux jours seulement après son rejet par l’Assemblée nationale.

Avant l’ouverture des débats en séance publique, jeudi et vendredi, les élus d’opposition se sont dit « brutalisés » par le comportement de la ministre, à l’occasion d’un point presse qui a réuni ce mercredi 9 juillet les trois groupes de gauche à la Chambre haute. Sans aller jusqu’à parler d’obstruction parlementaire, ils promettent à l’exécutif de longues heures de débats, avec trois motions de rejet et 330 amendements à examiner, dont l’essentiel a été déposé par la gauche, avant une adoption qui apparait inéluctable dans une chambre dominée par une alliance des LR et des centristes.

« Habituellement, on se laisse deux semaines avant la réinscription d’un texte », a expliqué Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste. « Ils fallait un trophée à Madame Dati avant les vacances, un trophée avant de partir en campagne pour les municipales à Paris », soupire la communiste Monique de Marco. Un parlementaire évoque à mi-mots « les coups de pression de la ministre » avec « de nombreux coups de fil passés à certains membres de la majorité sénatoriale ».

« Nos collègues de l’Assemblée se sont fait avoir comme des bleus »

La proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public, initialement portée par le sénateur centriste Laurent Lafon, et largement reprise à son compte par Rachida Dati, revient au Palais du Luxembourg en seconde lecture, un peu plus de deux ans après y avoir été votée. Le texte qui sera examiné dans l’hémicycle est peu ou prou semblable à celui déjà adopté en 2023 – hormis quelques réajustements opérés lors de son passage en commission en fin de semaine dernière -, dans la mesure où les députés l’ont retoqué avant même le début de la discussion publique.

Une victoire en trompe l’œil pour les députés de gauche ? L’adoption surprise de la motion de rejet des écologistes, grâce aux voix d’une partie des élus du Rassemblement national, aura finalement eu pour effet d’accélérer la procédure parlementaire et d’épargner à Rachida Dati des débats houleux dans une Assemblée très fracturée. Même si, in fine, la proposition de loi devra aussi repasser au Palais Bourbon pour une seconde lecture. « Nos collègues de l’Assemblée nationale ont cru que la motion de rejet ne serait pas adoptée. Ils se sont fait avoir comme des bleus. Je l’ai dit à Boris Vallaud [le président des députés PS] », souffle, légèrement agacé, Patrick Kanner.

La création d’une holding exécutive, « cheval de Troie vers la fusion » ?

Les débats s’annoncent plus feutrés dans un Sénat largement acquis au texte. Point central – et particulièrement décrié – de la réforme : la mise en place d’une holding, baptisée « France Médias », pour chapeauter les quatre principales entités de l’audiovisuel public, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). L’objectif étant de multiplier les synergies dans un contexte de plus en plus concurrentiel, notamment face aux grandes plateformes numériques de vidéos à la demande.

En commission, et suivant la volonté du gouvernement, la majorité sénatoriale a renforcé le champ d’action de cette holding « exécutive », dont le PDG sera également celui des quatre autres structures. « Avoir un seul PDG ouvre la voie à une prise de contrôle politique directe. C’est un projet dogmatique et conservateur », alerte Monique de Marco. La gauche y voit aussi un « plan social déguisé, avec moins de programmes, moins de journalistes et moins de moyens ». « La holding est un cheval de Troie qui ouvrira la voie à une fusion », avertit la socialiste Sylvie Robert.

Le sort réservé à France Médias Monde devrait occuper une large part des débats, et ce à l’intérieur même du bloc gouvernemental. La version initiale du texte inclut cette société dans la holding, mais le gouvernement souhaiterait l’en sortir, arguant du statut et du fonctionnement particulier de cette entité qui rassemble les médias français à diffusion internationale (France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya). En commission, la majorité sénatoriale a réaffirmé sa position, malgré quelques voix discordantes. Ainsi, le sénateur LR Roger Karoutchi, auteur d’un rapport sur le financement de l’audiovisuel public, a déposé un amendement visant à exclure France Médias Monde de la holding.

Autre pierre d’achoppement : le chapitre II de la proposition de loi, qui contient des mesures ciblant les médias privés, notamment sur les droits de diffusion des évènements sportifs ou la publicité. Rachida Dati souhaite recentrer le texte sur le seul secteur public et veut renvoyer les autres dispositions vers un second véhicule législatif. Mais là encore, la majorité sénatoriale tient à maintenir sa proposition de loi en l’état. En conséquence, de nombreux amendements de suppression ont été déposés par le gouvernement.

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