Retraites complémentaires : Le gouvernement persiste à vouloir ponctionner l’Agirc-Arrco

Contre l’avis du gouvernement, les partenaires sociaux qui gèrent l’Agirc-Arrco ont décidé que le régime de retraite complémentaire des salariés du privé ne financerait pas le déficit du régime général. Mais, lors des questions d’actualité au gouvernement du 11 octobre au Sénat, le ministre du Travail Olivier Dussopt persiste dans cette proposition.
Rose Amélie Becel

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« À l’horizon 2026, sur le total des excédents, 1.2 milliard d’euros sont dus à la réforme des retraites adoptée au printemps dernier. Nous considérons comme légitime que cette part des excédents liés à la réforme puissent être mobilisés pour participer au financement d’un régime de solidarité. » Répondant à une question de la sénatrice Vivette Lopez (LR), lors des questions d’actualité au gouvernement du 11 octobre, le ministre du Travail Olivier Dussopt confirme la volonté du gouvernement de prélever dans les excédents du régime de retraite complémentaire des salariés du privé.

Les syndicats et le patronat, co-gérants de l’Agirc-Arrco, avaient pourtant tranché contre cette proposition du gouvernement la semaine passée. Leur accord prévoit, à l’inverse, d’utiliser les excédents du régime complémentaire – causés par l’allongement de la durée des cotisations en raison de la réforme des retraites – pour revaloriser les pensions de retraites complémentaires à hauteur de 4,9 %.

Le ministre des Comptes publics confirme

Impensable pour le ministre du Travail, qui estime qu’une partie des excédents de l’Agirc-Arrco sont à imputer à la réforme des retraites et doivent ainsi servir au financement du régime général. « Nous devons faire face à un défi qui est de garantir que la réforme que vous avez votée, qui est mise en œuvre, soit une réforme de retour à l’équilibre du régime des retraites », a affirmé Olivier Dussopt devant les sénateurs.

Jeudi 12 octobre, devant l’Association des journalistes économiques et financiers, le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave confirme : quand la réforme des retraites « a un effet automatique sur les excédents de l’Agirc-Arrco, est-ce légitime que cela participe à l’amélioration de la soutenabilité financière du système global ? Je trouve que oui. »

49.3 pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale

La proposition du gouvernement figurera ainsi sûrement dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Un nouveau recours à l’article 49.3 de la Constitution se profile d’ailleurs pour l’adoption du texte, comme l’a laissé présager Thomas Cazenave : « Les oppositions ne voteront pas, je ne leur reproche pas mais les Français ne comprendraient pas qu’on n’ait pas de budget. »

Dénoncée par les partenaires sociaux, la ponction de l’Agirc-Arrco est désormais également dénoncée par les oppositions au Parlement. « Si, d’aventure, le gouvernement passait par la loi de financement de la sécurité sociale, nous serons là et nous engagerons notre responsabilité pour garantir l’avenir des relations sociales et la pérennité des retraites complémentaires », a conclu Vivette Lopez après la réponse d’Olivier Dussopt à sa question. En cas de recours au 49.3 pour faire adopter le PLFSS, le dépôt d’une motion de censure à l’Assemblée nationale pourrait alors réellement menacer le gouvernement d’Elisabeth Borne.

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Ce 27 novembre le Sénat donnait le coup d’envoi des auditions de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, dont les travaux doivent durer jusqu’en mai prochain. Augmentation du nombre de victimes des violences liées au trafic, hausse de la consommation, extension des trafics à des zones jusqu’à présent peu touchées… Cette commission, créée à l’initiative du groupe des Républicains, a pour objectif de mieux cerner les enjeux du narcotrafic et d’identifier les moyens les plus efficaces pour lutter contre. À ce titre, le Sénat recevait en début d’après-midi le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux, puis Stéphanie Cherbonnier, cheffe de l’Office anti-stupéfiants (OFAST), agence française chargée de coordonner la lutte contre le narcotrafic depuis début 2020. « Le trafic de stupéfiants, c’est le premier marché criminel au monde. En France, il représente un chiffre d’affaires évalué à trois milliards d’euros et on estime à 240 000 le nombre de personnes qui vivent directement ou indirectement de ces trafics », a-t-elle rappelé en ouverture de son audition. « Sans la corruption, les trafics ne prospèrent pas » La cheffe de l’OFAST a notamment tenu à attirer l’attention des sénateurs sur un point : « Sans la corruption, qu’elle soit publique ou privée, les trafics ne prospèrent pas. 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Parmi les autres pistes évoquées, Stéphanie Cherbonnier estime qu’il faudrait davantage de formations, « pas seulement à destination du secteur privé, mais aussi à destination de nos propres administrations où il faut qu’on soit extrêmement vigilants ». À ce sujet, l’adjoint au major général de la gendarmerie nationale Tony Mouchet, auditionné quelques dizaines de minutes plus tard, a été questionné par les sénateurs sur une éventuelle corruption de membres de la gendarmerie. « On n’a pas encore détecté chez nous de sujets de tentative de corruption, mais on reste quand même vigilants, vu les sommes engagées la tentation peut être forte », indique le général, tout en considérant que le mode de vie des gendarmes en caserne les préserve de ce phénomène grâce à « une forme d’autorégulation ». Avec les messageries cryptées, « tout le monde est un petit dealer » Parmi les autres défis évoqués lors de ces auditions, la question des mutations du narcotrafic à l’heure du numérique a également été évoquée à de nombreuses reprises. Pour Stéphanie Cherbonnier, les réseaux sociaux posent par exemple de nouveaux problèmes : « Nous faisons face à des défis numériques, avec les réseaux sociaux qui servent de vitrine pour le commerce de drogues, mais qui sont aussi des vecteurs de communication pour les trafiquants. On recrute aujourd’hui la main d’œuvre sur les réseaux sociaux ». Les acteurs de la lutte contre le trafic de drogue doivent également faire face au développement de l’utilisation de messageries chiffrées, qu’il faut réussir à décrypter. « Avec ces messageries, tout le monde est un petit dealer dans un coin et peut arriver à toucher beaucoup de consommateurs potentiels dans un secteur », explique Tony Mouchet. Pour renforcer la lutte contre le narcotrafic, le général de gendarmerie estime ainsi que davantage de moyens devraient être mis dans l’identification des réseaux de trafiquants, « une façon de lutter plus durablement et de déstabiliser ces trafics ». « Il faut dépasser le sujet de l’identification des trafics et de la saisie des produits, pour agir sur ce qui structure les réseaux : la logistique, les moyens mis en place pour que ces réseaux puissent travailler comme les moyens de téléphonie cryptée… », analyse-t-il. Autre défi rapidement évoqué, celui des cryptomonnaies, outil de plus en plus utilisé pour blanchir l’argent issu du trafic. « Le blanchiment à travers les cryptomonnaies doit être au cœur de nos préoccupations, nous devons faire évoluer nos modes de travail pour saisir ces avoirs », indique Stéphanie Cherbonnier. L’audition, jeudi 30 novembre, du directeur du service de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin) Guillaume Valette-Valla, devrait permettre aux sénateurs d’en apprendre plus sur cette autre facette du trafic de drogue.

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