Pole emploi

RSA sous condition, création d’un service public de la petite enfance : députés et sénateurs s’accordent sur le texte sur le plein emploi

Le Sénat et l’Assemblée sont parvenus à un texte commun sur ce projet de loi qui réforme le RSA. Selon un principe qui avait été adopté par les sénateurs LR, il sera conditionné à 15 heures d’activités, mais avec des exceptions, comme l’ont voulu les députés LR. Le service public de la petite enfance, supprimé par les députés, a été réintroduit lors de la CMP.
François Vignal

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C’est un texte qui porte plusieurs promesses du candidat Macron de 2022. Le projet de loi sur le plein emploi a fait l’objet d’un accord entre députés et sénateurs ce lundi, en fin de journée, lors d’une commission mixte paritaire (CMP). L’ambition affichée du texte est forte, avec l’objectif d’atteindre le plein emploi, soit un taux de chômage de 5%, contre 7,1% actuellement, d’ici 2027.

L’accord ouvre maintenant la voie à l’adoption définitive du texte par le Parlement, une fois que chaque assemblée aura adopté les conclusions de la CMP, ce qui est fixé au Sénat pour le 9 novembre.

Cet accord, « ce n’est pas pour faire plaisir au gouvernement, mais car l’objectif est commun, c’est-à-dire ramener les gens vers l’emploi », réagit la rapporteure du texte au Sénat, la sénatrice LR Pascale Gruny, qui se « félicite » de l’accord. Elle ajoute : « On ne fait jamais de l’opposition pour l’opposition, on est plutôt dans quelque chose de constructif ».

Réforme du RSA, conditionné à 15 heures d’activité, avec des exceptions

L’accord en CMP était une sérieuse possibilité, le gouvernement ayant accepté une demande des LR pour instaurer des contreparties au RSA, mesure fortement dénoncée par la gauche. Le texte de la CMP est sur ce point le fruit des apports des sénateurs LR puis des députés LR.

S’il s’agit à la base d’une promesse électorale d’Emmanuel Macron, qui parlait d’« obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine pour une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle », le texte du gouvernement ne faisait pourtant, à l’origine, pas référence à un nombre d’heures. Tout en conservant l’objectif, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, préférait plus de souplesse et des mesures personnalisées.

Mais la droite a souhaité aller plus loin. Et en la matière, c’est le Sénat, où a commencé l’examen du texte en juillet, qui a donné le « la », en assortissant le RSA de 15 heures d’activités hebdomadaires obligatoires pour les allocataires, via un « contrat d’engagement » entre l’allocataire et l’organisme de référence. Ce contrat tenait compte, dans la version sénatoriale du texte, « de la situation personnelle et familiale ainsi que de la situation locale du marché du travail ».

A l’Assemblée, les députés LR ont voulu apporter des exclusions plus explicites à ces 15 heures d’activités, avec comme motif les raisons « de santé », le « handicap » et pour les « parents isolés sans solution de garde pour un enfant de moins de 12 ans ». Des exceptions conservées en CMP. Les députés LR conditionnaient leur soutien sur ce point.

Le texte précise que ce contrat impliquera « au moins 15 heures » d’activités, « mais selon les personnes, ça pourrait être minoré, sans que cela puisse être zéro heure », précise la rapporteure LR de la Haute assemblée. Pour les allocataires qui ne respecteraient par leurs engagements, des sanctions sont prévues par le texte, comme une suspension de l’allocation. Les bénéficiaires du RSA seront par ailleurs automatiquement inscrits à Pôle Emploi.

Lire aussi >> RSA conditionné à 15 heures d’activités : comment le projet de loi a évolué du Sénat à l’Assemblée nationale

Si la sénatrice de l’Aisne reconnaît qu’il peut y avoir « des difficultés à trouver ces 15 heures » d’activité, Pascale Gruny soutient que c’est bien réalisable. « Il ne s’agit pas de coller un balai à quelqu’un et de dire « tu nettoies les caniveaux de la commune », mais de remettre les personnes en difficulté dans le chemin vers l’emploi », explique la sénatrice de l’Aisne.

Alors qu’un certain flou persiste sur la teneur de ces 15 heures activités, la rapporteure assure que les possibilités seront assez larges. « Ça peut être des stages, aller en entreprises, valider un projet, de la formation, de l’information. Tout ce qui est fait par les missions locales », illustre Pascale Gruny, qui explique que « ce n’est pas 15 heures de travail. Ça peut être aussi le permis de conduire, un accompagnement social ou un parcours de santé ». L’idée est « de faire sortir les personnes de chez elles », résume Pascale Gruny, qui ajoute :

 Je suis dans un département pauvre, dans l’Aisne, premier pour l’illettrisme. Je vois des cas très difficiles où les personnes s’enferment. 

Pascale Gruny, sénatrice LR de l'Aisne

« Ça peut être de l’accompagnement administratif, du temps donné à une collectivité, à une association, les prémisses d’un futur emploi aussi. C’est vraiment en fonction de la situation locale, de la capacité de la personne et de ses souhaits aussi, il y a un échange », précise de son côté Philippe Mouiller, président LR de la commission des affaires sociales du Sénat, qui résume l’idée : « On a un droit qui est donné, et on a un devoir de se prendre en main ».

Transformation de Pôle Emploi en France Travail

Malgré les réunions préparatoires, les appels entre Olivier Dussopt et Pascale Gruny ou Philippe Mouiller, il restait un point de blocage ce lundi entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle : le changement de nom de Pôle emploi en France Travail. C’est là aussi une promesse d’Emmanuel Macron. Derrière le nouveau nom, c’est surtout la volonté de mieux coordonner tous les acteurs de l’emploi et de permettre une simplification pour l’usager, qui aura face à lui le réseau France Travail.

Les sénateurs étaient opposés au changement de nom de l’opérateur Pôle emploi, en France Travail, pour éviter la confusion avec… le réseau France Travail. Mais le sujet était « sur le bureau du Président », autrement dit, l’exécutif ne comptait pas lâcher ici.

De leur côté, les sénateurs ne voulaient pas que l’action des collectivités pour l’emploi se retrouve noyée dans la nouvelle dénomination. « On a trouvé un compromis, le réseau va s’appeler « réseau pour l’emploi », et Pôle Emploi va bien devenir France Travail », explique après la CMP Philippe Mouiller. Précision : pour le coût du passage de Pôle Emploi à France Travail, « on parle de 6 millions d’euros », selon Philippe Mouiller, mais « ce n’est pas rédhibitoire ».

Retour du service public de la petite enfance, supprimé par les députés

Il avait été supprimé à l’Assemblée, il fait son retour en CMP. L’article 10 sur la création d’un service public de la petite enfance, sous autorité de la commune ou de l’intercommunalité, a été réintroduit à la faveur de la commission mixte paritaire. « Nous avons souhaité le remettre, car c’est aussi attendu dans les territoires », avance Pascale Gruny. Dans la négociation, les sénateurs ont obtenu le passage de 3.500 à 10.000 habitants pour le seuil d’application de la mesure pour les communes. Les sénateurs voulaient en revanche que l’idée s’applique en septembre 2026, soit après les municipales. La date du 1er janvier 2025, tel que définie par le gouvernement et les députés, est finalement conservée.

Les sénateurs ont aussi obtenu de « retirer que la stratégie nationale soit laissée au ministre. Les ministres peuvent toujours faire la stratégie, pas besoin de l’inscrire dans la loi. L’écrire montrait qu’on ne faisait pas confiance aux communes », avance la sénatrice LR de l’Aisne.

Du côté du gouvernement, on se réjouit évidemment de voir cet accident de parcours rattrapé. « Pour les familles, c’est une victoire de voir l’article 10 réintroduit. C’était attendu par le secteur de la petite enfance et les élus locaux, qui regrettaient que les députés aient supprimé l’article », réagit l’entourage de la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé.

« L’essentiel de l’article est conservé. C’est le fait que les maires restent autorité organisatrice. Le schéma organisationnel est conservé. Et la date de mise en application sera en 2025, ce qui était l’écriture de l’Assemblée », ajoute-t-on dans l’entourage de la ministre, où on rappelle que « la suppression de l’article 10 avait été le fruit d’une union des oppositions, pour diverses raisons, qui n’avaient rien à voir avec le fond du texte, afin de faire battre le gouvernement ». Les députés LFI s’y étaient opposés, tout comme les députés LR, ainsi que les RN, qui avaient d’abord annoncé voter l’article, avant de se raviser.

Le texte de la CMP apporte par ailleurs une précision à l’article 10 bis, « introduit à l’Assemblée, suite aux cas de maltraitance apparus dans les crèches, qui permet des contrôles inopinés et des plans de contrôle. Dans le texte, c’était fait avec le préfet. On a inséré que ce sera conjointement avec le président du conseil départemental », explique Pascale Gruny. Fidèles à leur ligne, les sénateurs sont toujours attachés à la place des collectivités dans les prises de décision.

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