Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
RSA sous conditions, France Travail : que contient le projet de loi « plein emploi » définitivement adopté par le Parlement ?
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Son examen avait débuté à l’été 2023 au Sénat, la procédure d’adoption du projet de loi pour le plein emploi s’achève ce 14 novembre par un vote solennel à l’Assemblée nationale. L’objectif du texte, porté par le ministre du Travail Olivier Dussopt, est ambitieux : atteindre un taux de chômage de 5 % d’ici 2027, contre 7,2 % actuellement.
Entre temps les dispositions du texte ont évolué, notamment sous l’action de la droite, qui a posé un certain nombre de conditions pour parvenir à un accord sur le texte en commission mixte paritaire (CMP). Cet accord, trouvé entre députés et sénateurs le 23 octobre dernier, prévoit notamment de conditionner le RSA à 15 heures d’activités hebdomadaires.
Victoire de la droite sur la réforme du RSA
C’était un objectif affiché de la campagne d’Emmanuel Macron en 2022, aller vers une obligation pour les allocataires du RSA « de consacrer 15 à 20 heures par semaine pour une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle ». Pourtant, le texte du gouvernement ne faisait initialement pas référence à un nombre concret d’heures d’activités, en faveur de mesures plus souples en fonction de la situation des allocataires.
En adoptant le texte le 11 juillet dernier, les sénateurs ont souhaité aller plus loin en figeant dans le marbre la nécessité d’assortir le RSA de 15 heures d’activités hebdomadaires via un « contrat d’engagement », passé entre l’allocataire et son organisme de référence. À l’Assemblée nationale, les députés LR ont précisé les motifs d’exclusion de cette obligation d’activités : pour des raisons « de santé », de « handicap », ou encore pour les « parents isolés sans solution de garde pour un enfant de moins de 12 ans ». Selon Pascale Gruny (LR), rapporteure du texte au Sénat, les 15 heures d’activités pourront ainsi être minorées « sans que cela puisse être zéro heure ».
Pour les allocataires qui ne respecteraient pas cette obligation, leur RSA pourra être suspendu, en cas de « remobilisation » le bénéficiaire pourra récupérer jusqu’à trois mois de versement. Tous les allocataires seront également automatiquement inscrits à Pôle Emploi.
Transformation de Pôle Emploi en France Travail
Le projet de loi prévoit aussi la création dès le 1er janvier 2024 de France Travail, en remplacement de Pôle Emploi. Derrière ce changement de nom, l’idée est surtout de simplifier et de mieux coordonner tous les acteurs de l’emploi au sein d’un même réseau, qui devait initialement se nommer le « réseau France Travail ».
La majorité sénatoriale de droite, opposée à ce changement de nom et aux confusions et complexités qu’il entrainerait, sont parvenus à un compromis avec les députés de la majorité présidentielle. Le nom de Pôle Emploi sera ainsi transformé en France Travail, mais le réseau auquel l’organisme appartient sera nommé « réseau pour l’emploi ». Ce changement de dénomination devrait coûter 6 millions d’euros, une dépense qui n’a pas été jugée « rédhibitoire », selon le président LR de la commission des affaires sociales au Sénat Philippe Mouiller.
Un service public de la petite enfance
Enfin, l’article 10 du projet de loi prévoyait la création d’un « service public de la petite enfance », confiant aux communes le rôle d’organisation de l’accueil des jeunes enfants pour permettre la reprise d’emploi de leurs parents. La mesure, adoptée dans une version amoindrie au Sénat, avait été supprimée du texte à l’Assemblée nationale sous l’action des groupes d’opposition de gauche comme de droite car jugée trop contraignante pour les petites communes.
En CMP, la disposition a refait son apparition, grâce à des compromis entre députés et sénateurs. Les communes de plus de 10 000 habitants devront ainsi élaborer un « schéma pluriannuel » d’accueil des jeunes enfants et assurer un « relais petite enfance » à partir du 1er janvier 2025.
Par ce vote solennel du 14 novembre à l’Assemblée, le projet de loi pour le plein emploi est donc adopté dans sa forme définitive. Mais il semble qu’il devra franchir une dernière étape avant d’être appliqué. Auprès de l’AFP, le député socialiste Arthur Delaporte a en effet affirmé la volonté de la gauche de saisir le Conseil constitutionnel sur le texte, accusé de porter atteinte au « droit à un revenu minimum d’existence » en conditionnant le versement du RSA.
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