Salaire du président de la ligue, contrôle de la Cour des comptes : le rapport choc du Sénat sur le foot professionnel

Après plus de six mois de travaux, la commission d’enquête sénatoriale sur la financiarisation du football dévoile un rapport attendu. Les sénateurs préconisent de renforcer la régulation et les contrôles pour toutes les ligues sportives professionnelles, mais plusieurs mesures visent implicitement la ligue de football.
Rose-Amélie Bécel

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« Football-business : stop ou encore ? », s’interroge la commission d’enquête sur la financiarisation du football en tête de son rapport. Pour les sénateurs, c’est plutôt stop. Après six mois de travaux, des auditions mais aussi un contrôle surprise au siège de la Ligue de football professionnel (LFP), le Sénat rend ce 30 octobre des conclusions très attendues.

Parmi les 35 recommandations du rapporteur Michel Savin, un fil conducteur : améliorer la gouvernance et renforcer la régulation des ligues sportives. Si les préconisations des sénateurs visent toutes les ligues sportives professionnelles françaises, leur commission d’enquête portait avant tout sur la Ligue de football professionnel (LFP). « Une gestion plus équilibrée du football professionnel est désormais nécessaire », a souligné le sénateur Les Républicains, à l’occasion de la présentation de son rapport à la presse.

Depuis plusieurs années, la vente de droits TV des matchs de Ligue 1 et de Ligue 2, dont les clubs tirent l’écrasante majorité de leurs revenus, ne rapporte plus les sommes espérées. Pour tenter de dégager de nouvelles ressources, la LFP a décidé, il y a deux ans, de céder une partie de sa société chargée de commercialiser ces droits au fonds d’investissement luxembourgeois CVC. C’est cette intervention nouvelle d’un fonds d’investissement dans l’écosystème du football qui a poussé la commission de la culture à lancer son enquête, en avril dernier.

Un salaire encadré, sur le modèle des patrons d’entreprises publiques

Première proposition choc du rapport sénatorial : le plafonnement de la rémunération des présidents des ligues sportives. Les sénateurs prennent en exemple le plafond actuellement en vigueur au sein des entreprises publiques, qui s’établit à 450 000 euros par an. « Lorsqu’on voit qu’aujourd’hui la ligue est dans l’obligation de faire des économies, je pense que le premier signal à envoyer c’est que le président puisse faire un effort sur la rémunération », explique Michel Savin. En cas de départ de leur poste, les indemnités versées ne devraient pas non plus excéder six mois de salaire hors primes, recommande le rapport.

Encore une fois, même si la recommandation s’adresse à tous les patrons de ligues, elle vise particulièrement celui de la LFP, auditionné par la commission au mois de juin. Après sa réélection à la tête de l’organe, Vincent Labrune avait été épinglé pour avoir annoncé une diminution de son salaire « en trompe-l’œil », selon les sénateurs. Rémunéré 420 000 euros par an avant l’accord conclu entre la LFP et le fonds d’investissement luxembourgeois, son salaire avait été porté à 1,2 million d’euros après l’accord, et s’établit désormais à 840 000 euros.

La Cour des comptes chargée de contrôler le budget des ligues professionnelles

En parallèle de ce contrôle sur le salaire, c’est la gestion du budget des ligues professionnelles que le Sénat entend mieux encadrer. Lors de leur contrôle au siège de la LFP, les sénateurs avaient ainsi témoigné de leur stupéfaction face au décalage entre le train de vie des dirigeants de la ligue et la situation économique délicate dans laquelle sont aujourd’hui plongés la plupart des clubs.

Une situation d’autant plus préoccupante, juge la commission d’enquête, que les ligues sportives sont liées à l’État par une subdélégation de service public. Dans chaque discipline, le ministère des Sports confie l’exécution d’une mission de service public à une fédération sportive, qui délègue elle-même dans certains cas cette compétence à une ligue professionnelle.

Pour mieux contrôler cette subdélégation, les sénateurs proposent plusieurs mesures. Ils entendent d’abord imposer aux ligues la rédaction d’un rapport annuel, pour rendre des comptes à l’État sur la mise en œuvre de cette délégation de service public. Un organe de contrôle rattaché à chaque fédération sportive pourrait aussi être doté de pouvoirs renforcés, pour suivre les comptes des clubs sportifs et ceux des ligues professionnelles. Pour les sénateurs, le budget des ligues professionnelles devrait aussi être contrôlé directement par la Cour des comptes. « Aujourd’hui, la Cour des comptes réalise un contrôle des financements de la fédération. Je pense que c’est plus simple pour tout le monde, que la LFP puisse aussi avoir cette obligation de démontrer sa gestion financière et que la Cour des comptes puisse émettre un avis », observe Michel Savin.

Contrôle par la HATVP, administrateurs indépendants… Des règles pour encadrer la gouvernance des ligues

Dans une seconde partie de leur rapport, les sénateurs s’attardent sur l’importance d’améliorer la gouvernance et la transparence des ligues professionnelles. Les directeurs généraux de ces instances devraient ainsi, recommande le Sénat, transmettre une déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Pour améliorer la transparence, le rapport demande aussi la mise en place au sein des ligues d’un comité d’audit et d’un comité des rémunérations, où siégeraient en partie des administrateurs indépendants.

Enfin, la commission d’enquête demande l’instauration d’une gouvernance plus démocratique au sein des ligues professionnelles. Une nouvelle fois, la recommandation semble particulièrement viser la LFP, alors que l’opacité du mode d’élection du président au sein du conseil d’administration a aussi été épinglée lors des auditions. Pour garantir une meilleure gouvernance, les sénateurs proposent ainsi d’obliger les ligues à intégrer au moins cinq administrateurs indépendants au sein de leur conseil. Les ligues devraient également, recommande la commission d’enquête, intégrer un représentant des supporters au sein de leur conseil d’administration et de leurs assemblées générales. « Il y a un besoin de démocratiser les choses. Ce serait une faute pour les pouvoirs publics et les parlementaires de ne pas réagir et formuler des propositions, suite à ce qu’il s’est passé ces derniers mois avec une élection du président de la LFP rattrapée au dernier moment dans des conditions surréalistes », souligne Michel Savin.

Quelle suite sera donnée au travail de la commission ? Les sénateurs entendent réunir une partie de leurs recommandations au sein d’une proposition de loi, qu’ils espèrent transpartisane et soutenue par le plus grand nombre, après un vote de leur rapport à l’unanimité en commission. Michel Savin affirme en tout cas avoir reçu « une réponse très positive du ministre des Sports ». « Je pense que le ministère est prêt à nous accompagner sur certains dispositifs », précise le sénateur.

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