Des impacts négatifs des Jeux olympiques sur les personnes à la rue
« Le bilan post-Jeux Olympiques doit être effectué à 360 degrés », déclare Dominique Vérien, présidente de la délégation aux droits des femmes en début d’audition. Un bilan nécessaire, car depuis les prémices de la préparation des Jeux olympiques, des milliers de sans-abri ont été exclus de leurs hébergements ou condamnés à des dispositifs d’urgence non pérennes. Pour Francesca Morassut, coordinatrice d’Utopia 56 Paris, « il y a eu une précarisation et une marginalisation des personnes à la rue avec des chiffres en constante augmentation ». Les femmes et les enfants ont été particulièrement touchés par ces expulsions. Bénédicte Maraval affirme que « cela fait plusieurs années que nous voyons la situation des femmes et des familles qui se dégradent en Ile-de-France, mais plusieurs mois avant les Jeux olympiques, on a vu ce contexte se dégrader encore plus ». Elle précise qu’ « entre la date de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques et le 20 septembre, nous avons rencontré [dans la rue] 658 personnes parmi lesquelles 74 bébés de moins de 3 ans. »
Des structures d’hébergement non pérennes, imparfaites, voire dangereuses
Pour accueillir ces personnes à la rue, 274 places supplémentaires d’hébergement d’urgence ont été créées avant les jeux Olympiques. Pour Emmanuel Bougras, « c’est une bonne chose de créer des places d’hébergement supplémentaires ». Néanmoins, il considère que cette solution est imparfaite, car elle n’est pas permanente et est plutôt réservée aux hommes isolés. Or, « la demande se porte également sur les femmes et les enfants ».
Par ailleurs, les personnes expulsées ont également été transférées dans les 10 SAS régionaux créés en 2023. Emmanuel Bougras voit plutôt d’un bon œil ces SAS, dans la mesure où ce sont « des dispositifs intéressants pour organiser la solidarité nationale et territoriale », mais estime qu’il y a toujours des conditions nécessaires à leur réussite « qui n’ont pas été remplies ». Il évoque notamment le souhait de la Fédération des acteurs de la solidarité de créer des places supplémentaires, « malheureusement, elles n’ont pas été créées ». Il constate également que ces SAS n’ont pas fait l’objet d’une politique territoriale et que « les collectivités territoriales et les élus locaux n’ont pas toujours été associés » ce qui a pu être source de tensions lors de l’ouverture de ces établissements. Enfin, il déplore le « manque de soutien politique et de vision » sur le long terme.
Autre solution : l’hébergement par un tiers. Ce sont souvent les femmes qui sont dans cette situation. Une situation qui n’est pas pérenne et dangereuse. Bénédicte Maraval souligne que « les femmes hébergées par des tiers sont invisibilisées » et ajoute « je n’ai pas une expérience d’un hébergement par un tiers qui se passe bien ». Elle explique qu’ « au mieux, elles ont le droit de dormir sur un tapis en échange de faire le ménage, aller chercher les enfants à l’école, faire à manger », mais que le plus souvent, « c’est un hébergement contre un rapport sexuel avec un homme violent et toujours sans consentement ». Si ces situations se présentent lorsque les femmes sont hébergées par des individus rencontrés dans la rue, Francesca Morassut rappelle que des hébergements chez les tiers sécurisés existent. Certains sont notamment organisés avec la participation d’adhérents de son association, Utopia 56.
Des solutions limitées par le climat d’instabilité politique
Pour remédier à ces défaillances, plusieurs solutions sont proposées par les trois intervenants. Tout d’abord, la création de places supplémentaires d’hébergement d’urgence. Emmanuel Bourgas constate que « la situation est dramatique ». Même si de nouvelles places ont été créées pendant le covid-19, les 230 000 places d’hébergement d’urgence ne suffisent plus face aux besoins croissants. Par ailleurs, il demande de relier les politiques liées au logement et celles relatives au logement social. Francesca Morassut propose de réquisitionner des bâtiments vides pour accueillir les personnes en demande d’hébergement : « il y a des milliers de bâtiments qui permettraient d’être utilisés comme des centres d’accueil, en attendant d’étudier leur situation administrative et sociale pour les orienter vers des situations de long terme et durable ». Enfin, une politique de régularisation des personnes vulnérables constitue pour Emmanuel Bourgas « un déblocage du secteur de l’hébergement » mais constate qu’il y a un « blocage politique sur ce point », empêchant toute avancée.
Si plusieurs solutions sont proposées, rien n’assure qu’elles seront un jour appliquées. L’une des rapporteures de la mission d’information « Femmes à la rue », Laurence Rossignol est pessimiste sur l’impact de cette audition et plus largement du rapport issu de la mission d’information, présenté le 9 octobre prochain : « Notre rapport va sortir dans un climat épouvantable […], je suis perplexe et inquiète sur notre capacité à faire des préconisations qui ne finissent pas dans la poubelle des pouvoirs publics ».