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« S’attaquer aux racines de la crise démocratique » : au Sénat, une proposition de loi pour renforcer l’indépendance des médias

Une proposition de loi visant à renforcer l’indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes va être étudiée en séance publique au Sénat demain. En commission ce matin, trois dispositions majeures du texte ont été supprimées par amendement.
Camille Gasnier

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« Les travaux menés depuis plusieurs années n’ont jamais abouti à des évolutions législatives »

L’auteure de la proposition de loi, Sylvie Robert, sénatrice socialiste d’Ille-et-Vilaine, assure que ce texte a pour objectif d’« inscrire dans le débat public la question de la confiance, du pluralisme des médias et de la protection des journalistes ». L’élue estime que « garantir l’indépendance des médias, mieux protéger les journalistes, c’est améliorer la qualité de notre espace public et améliorer la vie démocratique de la Nation ».

Ce n’est pas la première fois que le Sénat s’intéresse à l’indépendance des médias. En mars 2022, la commission d’enquête sur la concentration des médias en France avait rendu son rapport, dans lequel était préconisé la création d’un « administrateur indépendant » présent au sein des conseils d’administration des groupes de médias. Mais pour Sylvie Robert, sénatrice socialiste d’Ille-et-Vilaine, « les travaux menés depuis plusieurs années n’ont jamais abouti à des évolutions législatives ». Elle dépose ainsi cette proposition de loi dans l’optique de « s’attaquer aux racines de la crise démocratique que nous traversons ».

Droit d’agrément des journalistes, pouvoirs de sanction de l’Arcom, décision Cnews : les articles supprimés en commission

Ce matin, lors du travail en commission, trois des articles du texte initial ont été supprimés par amendement.

C’est le cas de l’article 1er qui visait à donner une valeur législative à la décision rendue par le Conseil d’Etat le 13 février 2024. Dans cette décision, le juge administratif a étendu les conditions du contrôle, réalisé par l’Arcom, du respect du pluralisme par les radios et les chaînes de télévision. Initialement, l’autorité administrative s’assurait du respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion en prenant uniquement en compte le temps de parole des personnalités politiques. Elle doit à présent comptabiliser « les interventions de l’ensemble des participants ». Dans une délibération publiée le 17 juillet 2024, l’Arcom en a pris acte. Mais, l’article 1er de la proposition de loi a été supprimé par un amendement issu de la majorité sénatoriale lors de l’examen du texte en commission. Sylvie Robert se dit « étonnée que cet article ait été supprimé », estimant que « c’est au législateur d’interpréter la loi de 1986 ».

La sénatrice a été moins surprise de l’abandon des articles 2 et 6 du texte : « Je savais que la majorité sénatoriale ne me suivrait pas sur ces articles ». L’article 2 proposait de renforcer les pouvoirs de l’Arcom en lui accordant de nouveaux moyens de sanction : un pouvoir de résiliation de l’autorisation d’émettre pour les chaînes de télévision et les radios visées par deux ou trois mises en demeure en l’espace de trois ans et un pouvoir de retrait de l’autorisation d’émettre sans mise en demeure préalable « en cas d’atteinte manifeste et grave à la vie démocratique ». Un renforcement du pouvoir de sanction qui fait écho aux amendes et mises en demeure émises à l’égard de la chaîne C8, qui ont, en partie, justifié le non-renouvellement de sa fréquence TNT par l’ARCOM en juillet dernier. Cette proposition donne au régulateur « les moyens de mieux faire respecter la lettre des conventions passées avec les chaînes télévisuelles et de préserver la vie démocratique de la Nation », « bien que le renouvellement de l’attribution des fréquences de la télévision numérique terrestre ait quelque peu rebattu les cartes ».

Plus d’un an après le mouvement de grève au sein du Journal du dimanche survenu après la nomination de Geoffroy le Jeune au poste de directeur de la rédaction, cette proposition de loi prévoit à son article 6 la création d’un droit d’agrément des journalistes dans le choix du directeur de rédaction. En 2023, cette idée avait déjà été mise en avant dans une proposition de loi de la députée écologiste Sophie Taillé-Polian. De son côté, la sénatrice socialiste propose que le directeur présenté par l’actionnaire puisse être validé par 60 % d’au moins la moitié de la rédaction. Un droit d’agrément envisagé « non pas dans un souci de défiance, mais dans une volonté d’une meilleure confiance au sein des rédactions, ainsi que d’une meilleure prise en compte des journalistes dans cette nomination […], il est nécessaire que la confiance d’une rédaction soit au rendez-vous lors de la nomination de son directeur de rédaction ». Une disposition nécessaire pour la sénatrice socialiste qui pointe l’inefficacité de la clause de conscience pouvant être invoquée par les journalistes.

Demain, en séance publique, les sénateurs pourront débattre du reste de la proposition de loi.

De meilleures garanties déontologiques, une plus grande protection des sources, l’effectivité des « droits voisins »

Parmi les dispositions restantes, il y a l’article 3 du texte qui a pour objectif d’améliorer les modalités de saisine des comités relatifs à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes (CHIPIP), et de renforcer de la publicité des avis de ces instances. « Un volet déontologique », également composé de l’article 4 du texte qui prévoit un contrôle de la conformité des Chartes assuré par le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).

Par ailleurs, le texte envisage de protéger « le rempart ultime des journalistes : le secret des sources », en étendant le champ des immunités pénales en matière de secret des sources à tous les journalistes, aux directeurs de publication et l’ensemble des « collaborateurs d’une rédaction » qui se trouvent en lien avec des informations liées à une source. Est également prévue l’augmentation du quantum de peine applicable lors d’une atteinte au secret des sources et de confier tout acte de procédure relatif à ce sujet au juge des libertés et de la détention. Un sujet indispensable de cette proposition de loi précise Sylvie Robert : « La question du secret des sources doit être travaillée, le CE doit être saisi, cela doit redevenir un chantier important […] cela est nécessaire au débat public ».

Enfin, l’article 7 concerne les « droits voisins », des droits reçus par les éditeurs et les agences de presse lorsqu’une plateforme numérique fait usage de leurs publications et assure « la réaffirmation d’un principe simple : l’exploitation des contenus journalistiques ne doit pas être gratuite, et la valeur doit être partagée aux journalistes », pour Sylvie Robert. L’élue se félicite que cette disposition « soit gardée » et garantit qu’elle « passera demain en séance publique ».

De manière générale, si la sénatrice considère que ce texte pourrait être adopté au Sénat, elle ne verrait « que des avantages » à ce qu’il « fructifie à l’Assemblée nationale ».

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