Scandale des eaux en bouteille : « On a pris le risque d’un problème sanitaire au plus haut niveau de l’Etat », alerte la sénatrice Antoinette Guhl

Devant les sénateurs, le directeur général de Nestlé a annoncé que l’appellation « eau minérale naturelle » de Perrier était remise en cause. Au micro de Public Sénat, Antoinette Guhl revient sur ces révélations « cruciales ».
Rose-Amélie Bécel

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

« Il y a très clairement un changement de ton de la part de Nestlé », souligne la sénatrice écologiste Antoinette Guhl, au micro de Public Sénat. Auditionné par la commission d’enquête sur le scandale des eaux en bouteille, le directeur général du groupe a en effet dévoilé aux sénateurs une information capitale, tranchant avec le mutisme des dirigeants précédemment auditionnés.

Ce 9 avril, devant les sénateurs, Laurent Freixe a révélé que des hydrogéologues indépendants, mandatés par l’Etat pour évaluer la pureté des sources où Nestlé puise son eau de la marque Perrier, avaient rendu « un avis défavorable ». « Ces propos sont cruciaux, ils disent que les sources dans lesquelles l’eau de Perrier est pompée sont polluées. Elles sont polluées aux matières fécales, aux pesticides, aux microplastiques et elles peuvent contenir des virus », alerte Antoinette Guhl.

« C’est tout à fait scandaleux de faire passer pour de l’eau minérale naturelle ce qui n’en est pas »

L’avis des hydrogéologues pourrait ainsi aboutir à la fin de la commercialisation du Perrier sous l’étiquette « eau minérale naturelle », le label ne pouvant être obtenu que par les eaux pures à la source. L’ARS Occitanie et la préfecture du Gard devront trancher sur cette question. De son côté, Laurent Freixe a affirmé au Sénat « être en désaccord avec certaines conclusions de ce rapport », sans donner d’éléments plus précis.

Ces informations du directeur général de Nestlé confirment en tout cas les révélations déjà faites dans la presse, dans les enquêtes du Monde et de Radio France publiées il y a plus d’un an : le géant de l’eau en bouteille, qui commercialise aussi les marques Vittel, Contrex et Hépar, est au cœur d’une affaire de fraude au consommateur. « C’est tout à fait scandaleux de faire passer pour de l’eau minérale naturelle ce qui n’en est pas », dénonce Antoinette Guhl.

« Cette affaire est couverte par les ministres, mais aussi par l’Elysée »

Mais, pour la sénatrice écologiste, il y a plus grave. Le scandale commercial pourrait se doubler d’un véritable « scandale sanitaire » : « Si cette eau était polluée en permanence, il est possible qu’il y ait eu des virus. Je ne dis pas que le scandale sanitaire est avéré, on l’a peut-être évité, mais en tout cas on a pris le risque d’un problème sanitaire au plus haut niveau de l’Etat. »

La question de la responsabilité des pouvoirs publics dans le scandale est également au cœur de la commission d’enquête. Les sénateurs ont ainsi auditionné plusieurs ministres, dont les cabinets ont reçu les dirigeants de Nestlé ces dernières années, pour savoir s’ils ont été la cible de pressions du groupe pour faire évoluer la réglementation sur les eaux minérales. « Aujourd’hui, nous savons que cette affaire est couverte par les ministres, mais aussi par l’Elysée qui était à la fois au courant de la fraude commerciale sur l’étiquette, mais également de la fraude sur la question sanitaire », dénonce Antoinette Guhl.

À la demande de la commission d’enquête, l’Elysée a en effet transmis aux sénateurs plus de 70 pages de documents, prouvant des échanges entre la présidence de la République et plusieurs dirigeants du groupe Nestlé. Le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, était convoqué ce 8 avril pour s’en expliquer devant la commission. Il a décliné l’invitation, au nom de la séparation des pouvoirs. « Ce n’est pas sérieux », fustige Antoinette Guhl. En réponse au refus du bras droit d’Emmanuel Macron, les sénateurs ont déjà dévoilé une partie du contenu de ses échanges avec Nestlé. Ces documents seront aussi disponibles publiquement, en intégralité, après la publication du rapport de la commission d’enquête, le 19 mai prochain.

Partager cet article

Dans la même thématique

Covid-19 Saint Denis hopital Delafontaine
5min

Parlementaire

Fin de vie : le Sénat se nourrit des expériences étrangères

Après avoir entendu les anciens députés Jean Leonetti et Alain Claeys, auteurs du texte de loi « Claeys – Leonetti » relatif aux droits du patient en fin de vie, les sénateurs de la commission des affaires sociales ont souhaité entendre certaines expériences étrangères où l’euthanasie est autorisée comme en Belgique, au Québec et aux Pays-Bas.

Le

Scandale des eaux en bouteille : « On a pris le risque d’un problème sanitaire au plus haut niveau de l’Etat », alerte la sénatrice Antoinette Guhl
5min

Parlementaire

Canicule : « Les gens ne meurent pas de la chaleur, mais de l’action climaticide du gouvernement », accuse la sénatrice Mélanie Vogel

Durant la séance de questions d’actualité au gouvernement, ce mercredi 2 juillet, l’élue écologiste a accusé le gouvernement de « mener une politique climaticide dictée par l’extrême droite », afin de se maintenir au pouvoir dans un contexte de forte fracturation politique. Alors que la France suffoque depuis plusieurs jours sous une vague de chaleur particulièrement précoce et intense, la ministre Agnès Pannier-Runacher a tenté de faire valoir les adaptations mises en place depuis la canicule de 2003.

Le

Paris : QAG au Senat
6min

Parlementaire

La réforme de l’audiovisuel public revient au Sénat : une planche de salut pour Rachida Dati ?

Après son rejet par l’Assemblée nationale, l’examen de la proposition de loi sur l’audiovisuel public revient en seconde lecture au Sénat à partir du 10 juillet. La ministre de la Culture, qui a fait de cette réforme l’étendard de son action au gouvernement, devrait s’appuyer sur la Chambre haute, dominée par une majorité de centre-droit, pour imposer ses idées, contre une gauche farouchement opposée à ce texte.

Le

SIPA_01219535_000025
1min

Parlementaire

Pesticides : députés et sénateurs trouvent un accord sur la loi Duplomb

Après plusieurs heures de débats en commission mixte paritaire, députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur la proposition de loi controversée du sénateur LR, Laurent Duplomb et du centriste, Franck Menonville qui vise à « libérer la production agricole des entraves normatives », notamment par la réintroduction des pesticides, le néonicotinoïde, l’acétamipride.

Le