Les travaux du Sénat autour du scandale des eaux en bouteille vont se poursuive. Dans un rapport au vitriol, publié ce lundi 19 mai, les élus dénoncent les liens entre l’Etat et le groupe Nestlé Waters, qui a utilisé pendant des années des systèmes de filtrage frauduleux pour ses eaux minérales. Désormais, les membres de la commission d’enquête vont se constituer en un groupe de travail transpartisan et plancher sur la rédaction de plusieurs propositions de loi, tirant les conclusions de cette affaire.
« Ce rapport ne va pas être mis au placard, on souhaite l’utiliser pour travailler à la rédaction de plusieurs textes. Nous voulons rédiger une proposition de loi reprenant les recommandations du rapport sur la protection et le contrôles des eaux en bouteille, lorsque ces recommandations sont de nature législative », a expliqué Laurent Burgoa, le président LR de la commission d’enquête, lors d’une conférence de presse.
En effet, dans leur rapport, les élus formulent 28 recommandations, visant pour la plupart à renforcer les obligations des industriels et à aider à la préservation de la ressource en eau. Parmi elles : le lancement d’un grand plan de contrôle des eaux conditionnées et « fondé sur les risques et la probabilité de comportements frauduleux », l’instauration d’un meilleur suivi qualitatif des nappes, ou encore le renforcement de l’information au consommateur sur l’étiquetage, notamment lorsque les eaux ont été soumises à des techniques de filtration.
Un deuxième texte, dans la lignée du premier, prendra la forme d’une proposition de résolution, et s’attachera à l’aspect réglementaire de la législation sur l’eau. « Si les ministères se saisissent avant de notre rapport, nous n’aurons peut-être même pas besoin de cette proposition de résolution », explique Alexandre Ouizille, le rapporteur PS de la commission d’enquête. Les sénateurs ont déjà sollicité Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles pour lui remettre en main propre leurs travaux.
Renforcer les pouvoirs d’enquête des parlementaires
Enfin, les élus envisagent de présenter une dernière proposition de loi afin de renforcer les prérogatives du Parlement dans le cadre de ses missions de contrôle. « On a vu que l’on avait quelques difficultés sur les pouvoirs de la commission d’enquête. On fera une proposition de loi visant à modifier l’ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires. Il faudra y associer l’ensemble de l’institution sénatoriale », a indiqué Laurent Burgoa.
En effet, durant leurs travaux, les sénateurs se sont heurtés à la fin de non-recevoir de l’ex-secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, apparu comme l’un des personnages clef de cette affaire, puisqu’il a rencontré à plusieurs reprises des responsables de Nestlé Waters. Si l’ancien bras droit d’Emmanuel Macron a bien accepté de transmettre certains documents à la commission d’enquête, il a cependant refusé de venir s’expliquer devant les élus, invoquant notamment « l’irresponsabilité politique du chef de l’État ».
Toute personne qui refuse de répondre à la convocation d’une commission d’enquête parlementaire s’expose, théoriquement, à des poursuites judiciaires. Néanmoins, les élus ont décidé de ne pas faire de signalement sur ce cas. « Nous craignions que la justice ne suive pas. Il nous a semblé que la meilleure réponse à apporter face au fait que l’ex-secrétaire général de l’Elysée ne souhaite pas être auditionné était de rendre public les documents sur lesquels il n’a pas voulu s’exprimer », a justifié Laurent Burgoa.
Également convoqué par l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une autre commission d’enquête parlementaire, Alexis Kohler n’a pas non plus comparu. Pour autant, la procureure de Paris n’a pas donné suite au signalement des députés.