Suppression de la taxe sur les entreprises, taxe sur les petits colis, impôt sur le revenu, énergie : comment la majorité sénatoriale va modifier le budget

Après le rejet du budget 2026, la majorité sénatoriale LR-centriste va imprimer sa marque sur le texte. Visant les 4,7 % de déficit, elle va revenir sur 4 milliards d’euros de surtaxe sur les entreprises. Le coût sera compensé dans le budget de l’Etat. Le rapporteur Jean-François Husson va réduire le crédit d’impôt pour les services à domicile. Les sénateurs LR veulent maintenir le gel de l’impôt sur le revenu, à l’exception de la première tranche.
François Vignal

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A mi-parcours du marathon budgétaire, la balle est maintenant dans le camp du Sénat. Après le vote contre des députés sur la partie recettes du budget 2026, synonyme de rejet de l’ensemble du texte, c’est la version initiale du projet de loi de finances, celle du gouvernement, qui arrive sur la table du Sénat. Les sénateurs entament l’examen du texte ce jeudi, à partir de 14h30.

Si les députés ont voté plusieurs taxes supplémentaires, notamment sur les grandes entreprises, la majorité sénatoriale de droite et du centre compte suivre un tout autre chemin. Celui fait surtout d’économies et de baisses d’impôts, du moins pour les entreprises. Le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur général du budget au Sénat, entend montrer « l’image d’une assemblée sérieuse, capable d’avoir des débats de fond et de trouver des points de convergence en évitant chamailleries et invectives ».

Débats thématiques sur le budget : Jean-François Husson dénonce l’« initiative intempestive » de Sébastien Lecornu

Deux assemblées, deux ambiances en somme, avec en MC, le premier ministre Sébastien Lecornu, qui semble bien en peine de caler sur le même tempo le Parlement. Au point de faire, ce lundi matin, une annonce surprise. « En marge » des débats au Sénat, il tente « une méthode un peu différente » : rencontrer à nouveau tous les groupes politiques et organisation de débats thématiques, suivi d’un vote, notamment sur la défense (lire ici pour en savoir plus). Ce qui a pour effet d’énerver passablement Jean-François Husson, que le premier ministre n’avait pas jugé bon de mettre dans la confidence, lors d’une rencontre vendredi dernier.

« L’heure n’est pas à la dispersion, aux initiatives intempestives », a sèchement rétorqué le sénateur de Meurthe-et-Moselle, interrogé ce lundi par publicsenat.fr, lors d’une conférence de presse de présentation des grandes lignes défendues par la majorité sénatoriale. « Ça va devenir compliqué pour nos concitoyens de savoir ce qu’il se décide, et où », pointe rapporteur général du budget, alors qu’« à ce stade, le Sénat n’a pas encore examiné le projet de loi de finances » (lire notre article pour plus de détails).

« Les entreprises françaises ne doivent pas être les victimes des errements budgétaires de l’Etat »

Pour l’heure, le Sénat entend imprimer sa marque sur ce budget 2026. Comme annoncé, la recherche d’économies sera à l’honneur, avec l’objectif de maintenir l’objectif de 4,7 % de déficit. Mais la principale mesure que propose la majorité sénatoriale pèsera en réalité sur le budget de l’Etat. Elle est en faveur des entreprises, puisqu’il s’agit de la suppression de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés sur les grandes entreprises. Elaborée dans le budget précédent, la surtaxe était censée ne pas être prolongée.

Coût de cet « allègement » de la fiscalité pour les entreprises : 4 milliards d’euros, qui « sont intégralement » compensés « par des économies sur le budget de l’Etat », assure le rapporteur, sans préciser sur quels ministères les sénateurs compte faire peser cette économie. Mais pour les sénateurs de la majorité, « les entreprises françaises ne doivent pas être les victimes des errements budgétaires de l’Etat », lance Jean-François Husson.

Effort sur les collectivités réduit de 4,6 à 2 milliards d’euros

Les autres gagnants du budget version Sénat seront les collectivités. Alors que le gouvernement leur demande un effort de 4,6 milliards d’euros, la majorité sénatoriale veut réduire cet effort à 2 milliards d’euros (lire notre article sur le sujet pour plus de détails). Là aussi, la droite sénatoriale compensera ce choix par des économies sur d’autres missions du budget de l’Etat.

Au chapitre des économies, on peut citer le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (350 millions d’économies), hors éducation nationale et missions régaliennes, une « mise sur pause de France 2030 » (plus d’un milliard d’euros d’économies), 200 millions d’euros sur l’aide publique au développement, 100 millions d’euros sur le délai de carence dans la fonction publique pour un milliard d’euros, 200 millions d’euros sur l’Aide médicale d’Etat ou encore « près de 90 millions d’euros sur le pass culture », énumère le rapporteur général.

Hausse de la taxe sur les petits colis : un gain de près d’un milliard d’euros pour les caisses de l’Etat

Si elle s’oppose aux hausses d’impôts et de taxes, la majorité sénatoriale va en réalité proposer quelques augmentations ciblées. Car elle a dans le viseur la réduction de niches fiscales, notamment celle sur le crédit d’impôt pour les services à domicile (CISAP), dont le coût est de 7,2 milliards d’euros pour les finances publiques, dont 3 milliards d’euros bénéficient aux 10 % des plus fortunés. La commission des finances va donc réduire le taux du crédit d’impôt de 50 à 45 %. Pour une famille qui bénéficie de 1000 euros de crédit, soit le montant moyen par an, la hausse sera « de 8 euros par mois », illustre Jean-François Husson, soit 96 euros. De quoi réaliser une économie de « 700 millions d’euros », précise le sénateur LR.

Sujet d’actualité, la majorité va aussi augmenter la taxe sur les petits colis, qui « porte sur les entreprises étrangères et qui vise à réduire l’impact concurrentiel et environnemental des importations massives », notamment en provenance de Chine, rappelle Jean-François Husson. La taxe sera relevée « de 2 euros à 5 euros par article ». Gain pour les finances publiques : « Un peu moins d’un milliard d’euros ». Petit colis, mais le rendement ne l’est pas. A noter au passage que l’amendement du rapporteur fait partie de ceux « qui ont trouvé un écho de l’ensemble de la commission », a souligné en ouverture le président de la commission des finances, le socialiste Claude Raynal.

Baisse du seuil sur l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite

Sur le gel de l’impôt sur le revenu, députés LR et sénateurs LR ne sont pas alignés. Si les députés du groupe de la Droite républicaine, par un amendement de Laurent Wauquiez, ont réussi à rétablir l’indexation à l’Assemblée, les sénateurs défendaient depuis cet été le gel, tel que voulu par le gouvernement. Mais à l’image de ce qu’a fait la majorité sénatoriale sur le gel des minima sociaux, un amendement de Christine Lavarde et de Mathieu Darnaud, président du groupe LR, propose d’indexer sur l’inflation la première tranche de l’impôt sur le revenu, soit la part des revenus allant jusqu’à 11.611 euros. Une manière d’exclure les plus bas salaires du gel, qui revient concrètement à une hausse d’impôts.

Différence aussi sur la suppression de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite, sur lequel les députés LR se sont opposés. Les sénateurs LR proposent pour leur part un autre dispositif « qui ne fait pas des gagnants, ni des perdants ». Plutôt qu’une forfaitisation de l’abattement à hauteur de 2.000 euros, ils proposent d’abaisser le seuil de 4.399 euros à 2.500 euros. De quoi limiter la ponction demandée aux retraités : « 1,2 milliard d’euros pour le gouvernement », contre « 700 millions d’euros » dans la copie sénatoriale. A noter que Mathieu Darnaud se rend ce mardi à la réunion de groupe des députés LR. Peut-être de quoi permettre de rapprocher un peu les lignes.

Baisse de la facture pour les chauffages électriques… mais hausse sur ceux au gaz

Sur l’énergie, autre amendement du rapporteur, qui touche le grand public : le rapprochement de la fiscalité appliquée à l’électricité à celle du gaz, « pour assurer la cohérence des politiques publiques en faveur de la transition énergétique », selon l’exposé des motifs. Conséquence concrète : une baisse des factures pour les ménages qui se chauffent au tout électrique, mais en contrepartie une hausse des factures pour ceux qui se chauffent au gaz.

Soit une baisse pour l’électrique « à hauteur de 11 à 45 euros par an selon les consommations (soit de 1 à 4 euros par mois) » et une « facture annuelle des ménages utilisant le gaz pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire et la cuisine (qui) pourraient augmenter de 10 à 70 euros par an selon les consommations (soit de 1 à 6 euros par mois) ». L’opération est neutre pour le budget de l’Etat.

Refus de la hausse de la fiscalité sur les biocarburants

Autre sujet fiscal : le rapporteur général s’oppose à la hausse de la fiscalité sur les biocarburants B100 et E85, mesures qui avaient provoqué une levée de boucliers du syndical agricole FNSEA.

Sur la taxe sur les holdings, la commission des finances défend une version plus restrictive, pour que celle-ci ne se limite qu’aux « biens somptuaires », à l’image des yachts, chevaux de course ou voitures de luxes. La majorité n’est en revanche pas revenue sur la contribution différentielle visant les plus hauts revenus.

« Il faut faire le maximum pour que la France soit dotée d’un budget le 31 décembre »

Reste à voir si, au bout de l’examen, la copie sénatoriale permettra un rapprochement avec les députés, en commission mixte paritaire (CMP). Alors que Bruno Retailleau, président des LR, se montre ferme, Jean-François Husson paraît lui, sur le papier, plus ouvert. « J’ose croire qu’il y a une volonté non feinte de trouver une voie de passage », dit-il. Mais pour ça, il faudra bien « enlever les costumes », soit les postures, « à un moment donné ». Mais le rapporteur l’assure : « Il faut faire le maximum pour que la France soit dotée d’un budget le 31 décembre ». Dans l’immédiat, « l’objectif est d’avoir une copie qui soit votée, a priori, le lundi 15 décembre », se projette Claude Raynal. Un objectif plus certain.

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