FRA : Centre penitentiaire de Fresnes
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Suppression du vote par correspondance pour les détenus : « C’est un texte de bon sens »

Hier, le Parlement a voté la suppression du vote « par correspondance » des détenus pour certaines élections. Pour la sénatrice à l’initiative du texte, Laure Darcos, cela permet de venir combler une « situation aberrante » qui contribue à une distorsion électorale dans certaines municipalités.
Marius Texier

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« Ce texte va changer beaucoup de choses pour les municipalités », se réjouit la sénatrice du groupe Les Indépendants, Laure Darcos. Après des débats tumultueux à l’Assemblée, le texte de la sénatrice a finalement été adopté à 109 voix contre 60. Il revient sur un système instauré en 2019 qui permettait d’installer un bureau de vote dans les prisons. Les bulletins de votes étaient ensuite envoyés vers la commune où se situe la prison, afin qu’ils soient comptabilisés. Désormais, il ne sera plus possible pour les détenus de voter par correspondance, mais seulement par procuration, pour les élections territorialisées (municipales, départementales, régionales et législatives). Le vote par correspondance reste maintenu dans le cas de circonscription unique (présidentielle, européennes et référendum).

« En 2019, le gouvernement ne s’est pas rendu compte que lorsque l’on descend dans des scrutins locaux, le vote des détenus dans la commune où ils sont incarcérés devient aberrant », souligne la sénatrice. « Il est préférable d’inscrire les prisonniers dans leur ville d’avant incarcération puisqu’ils connaissent la politique locale. Comment pourraient-ils juger de la politique d’une ville alors qu’ils n’y ont jamais mis les pieds » ?

« Distorsion électorale »

Les défenseurs du texte soulignent que dans certaines communes, les bulletins des détenus peuvent faire basculer le résultat des élections qui se jouent parfois à quelques centaines de voix. Ils pointent une « distorsion électorale ». « Chez moi à Évry-Courcouronnes, il y a eu un millier de votes supplémentaires qui sont allés massivement du côté de La France Insoumise », reproche Laure Darcos.

Dans le texte initial, la sénatrice souhaitait conserver le vote par correspondance au sein des prisons à condition que le détenu soit inscrit dans sa ville d’avant incarcération. Par souci de lourdeur administrative, le gouvernement a demandé que le vote par correspondance soit remplacé par le vote par procuration. « Ce n’était pas totalement irréalisable, mais il est vrai que cela aurait requis une importante organisation notamment pour porter les bulletins dans des zones reculées », reconnaît la sénatrice. « Nous aurions sûrement reçu de nombreuses plaintes pour des bulletins n’ayant pas pu être portés à temps ».

Dès lors, cette modification a alarmé l’opposition notamment le député de La France Insoumise, Ugo Bernalicis, qui reproche au texte de faire des détenus des « sous-citoyens » et de « revenir à 2 % de participation ». Entre 2017 et 2024, la participation des détenus aux élections législatives est passée de 1 % à 20 %. Au total, c’est près de 90 % des détenus qui ont recours au vote par correspondance.

« Il n’y a pas de risque de faire diminuer la participation », assure Laure Darcos. « Je ne pense pas que la hausse de la participation soit liée au vote par correspondance. Il y a également eu beaucoup de pédagogie dans les prisons pour inciter à voter. Et puis je ne vois pas en quoi il est plus difficile de faire une procuration en prison qu’à l’extérieur. Je ne comprends pas qu’un détenu n’ait pas un proche qui puisse aller voter pour lui ».

La sénatrice est persuadée que les opposants vont déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. « Je ne pense pas que le texte sera retoqué », avoue confiante Laure Darcos. « C’est un texte de bon sens, mais je sais qu’il va en embêter certains ».

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