C’était la réponse du gouvernement à la taxe Zucman. Face aux coups de boutoir de la gauche sur la dégressivité du système fiscal français pour les très hauts patrimoines – les 1 800 foyers les plus riches – Sébastien Lecornu avait intégré dans la version initiale de son budget une taxe sur les holdings familiales. Le but était de s’attaquer au contournement de l’impôt mis en évidence par le désormais célèbre Gabriel Zucman, mais avec un dispositif plus ciblé qui ne prend pas en compte les biens professionnels notamment.
« Le gouvernement n’a pas de problème avec les holdings en tant que telles, a tenu à rappeler la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Mais un certain nombre de nos compatriotes utilisent la holding pour se constituer un patrimoine personnel. Une partie de leurs actifs personnels se retrouve dans des holdings qui ont une fiscalité avantageuse, précisément pour avantager l’investissement. » Ainsi, dans le texte initial, le gouvernement proposait de taxer à 2 % « les biens détenus par une holding qui ne sont pas mis au service de l’entreprise », afin qu’en définitive, « quel que soit le montage que vous faites, votre patrimoine personnel soit concerné par l’impôt », a précisé Amélie de Montchalin.
Une taxe restreinte aux biens immobiliers et aux biens somptuaires
Seulement, comme lors de l’examen de la mesure à l’Assemblée nationale – où un amendement du rapporteur général (LR) Philippe Juvin avait restreint le dispositif – la droite n’a pas suivi le gouvernement. Entre-temps, le volet recettes du budget 2026 a été rejeté par l’Assemblée et c’est donc le dispositif initial du gouvernement qui est arrivé devant le Sénat ce vendredi. « Dans cette foire aux taxes qui dure depuis des semaines, en dehors de la taxe Zucman, c’est la taxe sur les holdings familiales qui a le plus choqué. Elle a été ressentie comme une initiative punitive », a commenté Bruno Retailleau (LR).
Jean-François Husson (LR) a d’abord dû défendre le principe d’une taxe sur les holdings face à des amendements de suppression émanant de la majorité sénatoriale mais qui n’ont finalement été suivis que par 33 sénateurs. Ensuite, le rapporteur général du budget au Sénat a fait adopter plusieurs amendements – similaires à ceux qui avaient été adoptés à l’Assemblée – pour modifier le dispositif. L’idée du rapporteur et de la droite est ainsi de limiter les biens concernés par cet impôt aux actifs immobiliers et aux biens dits « somptuaires » (yachts, voitures de sport, objets d’art, vins, chevaux de course etc.), tout en augmentant le taux de 2 % à 20 % pour transformer un dispositif anti-optimisation en « dispositif anti-abus. » Un sous-amendement de la sénatrice LR Christine Lavarde a par ailleurs exclu de la taxe les objets d’art et les bijoux exposés dans un lieu accessible au public, ainsi que les logements mis sur le marché locatif par la holding.
Différence de taille avec le dispositif du gouvernement, les actifs financiers sont donc exclus de la taxe, tout comme la trésorerie qui peut être stockée dans les holdings pour des futurs investissements. Le dispositif du gouvernement avait prévu un seuil de trésorerie (deux années de bénéfices par exemple) à partir duquel celle-ci rentrerait dans l’assiette de l’impôt, en considérant que cette trésorerie n’était alors pas constituée pour de futurs investissements, mais bien pour contourner l’impôt.
Un dispositif « vidé de sa substance », dénonce la gauche
La ministre s’est rangée derrière cette réécriture de la majorité sénatoriale par un avis de sagesse. La gauche, en revanche, a fustigé un dispositif « vidé de sa substance » et « complètement dévitalisé », dont le rendement prévu « est de l’ordre de la centaine de millions d’euros », a prévenu Amélie de Montchalin. « Avec ce dispositif, le but c’est qu’il n’y ait plus ces biens dans les holdings et donc qu’à la fin la taxe rapporte 0. Ce n’est plus une taxe de rendement, mais un dispositif pour décourager les abus, je préfère être claire là-dessus », a précisé la ministre des Comptes publics. Si l’examen du budget 2026 va au bout au Sénat, ce dispositif devra encore être confirmé par la commission mixte paritaire (CMP) et le budget adopté dans son entièreté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale (voir notre article sur les scénarios parlementaires qui restent sur la table pour faire adopter le budget).