Il y a un an, le monde vibrait devant les images de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Aujourd’hui, la « parenthèse enchantée » semble bien refermée. Les Jeux avaient fait de la France le centre du monde sportif l’espace de quelques semaines. La promesse faite par Emmanuel Macron, de faire du pays une nation sportive, est mise à mal en cette période de disette budgétaire par la diminution sur deux années consécutives des crédits du sport.
Une baisse amoindrie dans le budget pour 2025
Les crédits alloués au sport ont déjà été réduits pour l’année 2025. Initialement, c’étaient 273 millions d’euros qui devaient manquer à la mission budgétaire. Après une mobilisation des sénateurs et du milieu sportif, cette baisse avait été ramenée à 80 millions d’euros, grâce au vote d’un amendement du sénateur LR de l’Isère Michel Savin. « Nous étions tous d’accord pour maintenir les crédits de la mission, sur tous les bancs », se souvient le sénateur PS de la Creuse et rapporteur des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative, Éric Jeansannetas.
Une nouvelle baisse des crédits en cours d’année
En cours d’année, pourtant, ce sont 300 millions d’euros supplémentaires qui sont rabotés au financement du sport français, alors que le gouvernement cherche à faire des efforts inédits de réduction des dépenses. Cette diminution provient entre autres de la restriction du périmètre du Pass Sport. Ce dispositif, lancé en 2021, permettait à des enfants de 6 à 17 ans, sous conditions de revenu des parents, de toucher une aide de 50 € pour s’inscrire dans un club sportif. Pour l’année 2025-2026, seuls les jeunes de 14 à 17 ans seront concernés, et le montant sera augmenté de 20 € pour atteindre les 70 €.
Cette coupe supplémentaire exaspère Michel Savin, à la pointe sur les sujets de financement du sport en France. « Ce gouvernement fait beaucoup de déclarations, le sport devait être une priorité. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas », se désole-t-il.
Il n’est pas le seul à déplorer cette coupe brutale. Amélie Oudéa-Castéra, ancienne ministre des Sports et aujourd’hui à la tête du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui signe aujourd’hui dans Les Echos une tribune intitulée « Jeux Olympiques, amer anniversaire », avec Marie-Amélie Le Fur, la présidente du Comité paralympique et sportif français (CPSF), déplore ce coup de rabot en cours d’année sur France Inter ce matin.
Même la ministre de Sports, Marie Barsacq, regrette cette réforme dans une interview à Libération du 24 juillet. « Ce n’est pas mon choix », peut-on y lire, « c’est un mauvais message envoyé aux familles les plus modestes ». C’est donc Bercy qui a gagné l’arbitrage en 2025 sur le budget du sport.
En 2026 : une nouvelle baisse de 17,6 % des crédits du sport
Pour 2026 à nouveau, l’avenir est sombre. Le 15 juillet dernier, François Bayrou a présenté ses pistes pour le budget à venir. Une fois de plus, les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative sont en baisse. De 17,6 %, cette fois-ci, soit près de 300 millions d’euros de diminution. Une goutte d’eau, alors que le Premier ministre cherche 43,8 milliards d’euros d’économies.
« L’engagement pour le monde sportif est bien là »
Si pour l’instant, la liste des dispositifs touchés n’est pas très précise, une piste d’économies a été évoquée par Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, devant les sénateurs le 16 juillet dernier : la centralisation aux mains des préfets des outils d’aides à la construction d’équipements sportifs pour les collectivités locales. Elle s’est voulue rassurante devant les sénateurs, pourtant inquiets de la situation. « Le sport est un outil essentiel de lutte contre plein de choses qui coûtent beaucoup plus cher à résorber ensuite, notamment les enjeux de santé et de santé mentale », a-t-elle expliqué. Elle l’assure, « l’engagement pour le monde sportif est bien là », car l’État s’engage pour les Jeux olympiques d’hiver de 2030, organisés dans les Alpes, à hauteur de 582 millions d’euros.
« Oui pour la contribution à l’effort national, mais en proportion avec ce que représente le budget des sports »
Loin de partager l’enthousiasme de la ministre des Comptes publics, les sénateurs, mais aussi les instances du secteur, tirent la sonnette d’alarme. Dans leur tribune aux Echos, Amélie Oudéa-Castéra et Marie-Amélie Le Fur ont des mots très durs envers le plan du gouvernement. Elles dénoncent des « choix absurdes », de « coups » portés au sport « excessifs », « injustes » et « dangereux ». Elles redoutent des effets négatifs en cascade : une « fragilisation des associations sportives, un recul de la pratique sportive des plus jeunes privés du Pass sport, un arrêt de la construction de gymnases et de piscines, le non-renouvellement d’emplois d’éducateurs sportifs, … ». « Le taux d’effort demandé au sport est excessif », a déploré l’ancienne ministre des Sports sur France Inter ce matin.
Michel Savin partage l’avis des deux présidentes. Lui aussi est inquiet de l’ajout de nouvelles coupes budgétaires aux 300 millions déjà pris pendant l’année 2025. « Le budget du sport a déjà été impacté fortement pour l’année 2025 et au cours de l’année, on ne peut pas continuer à amoindrir un budget qui représente 0,13 % du budget national », déclare-t-il à publicsenat.fr, « oui pour la contribution à l’effort national, mais en proportion avec ce que représente le budget des sports et les bénéfices qu’il apporte à la jeunesse, aux associations et au haut niveau ». Il prévoit de rencontrer Amélie Oudéa-Castéra et Marie-Amélie Le Fur à la rentrée pour trouver des solutions.
Il est assez favorable à la reconduction du budget tel qu’il avait été voté en 2025, c’est-à-dire avant l’amputation de 300 millions d’euros intervenue en cours d’année. Il se dit également favorable à l’évaluation de l’action de l’Agence nationale du sport (ANS), cette structure qui a en charge le développement du sport de haut niveau et du sport amateur sur le territoire. Elle est dans le viseur de l’exécutif, depuis qu’un rapport sénatorial s’est intéressé à l’efficacité des agences de l’État.
La ministre des Sports dénonce un budget insatisfaisant
La ministre des Sports partage l’opinion de Michel Savin. Dans son interview à Libération, elle qualifie la proposition de budget de « pas satisfaisante ». Si elle semble assez alarmiste sur les risques que fait peser sur le sport français la baisse de budget annoncée, elle ne ferme pas la porte à des évolutions. « La cible, pour moi, c’est le budget 2025 », peut-on lire. Une position qui agace le sénateur de l’Isère. « Pourquoi alors a-t-elle accepté la baisse des crédits à mi-année ? », s’interroge-t-il, « elle a des difficultés pour obtenir les arbitrages favorables ».
1 € investi dans le sport fait économiser 13 € à la collectivité
Dans ce débat, tous mettent en avant les bénéfices du sport. Non seulement au travers des retombées économiques d’événements comme les Jeux olympiques, mais aussi via l’amélioration de l’état de santé des Français et du tissu social. Une étude de l’Observatoire des métiers du sport de janvier 2024 calcule qu’un euro investi dans le sport en fait économiser 13 à la collectivité.
Le match n’est pas terminé pour le budget du sport français. Les LR du Sénat ont encore des réunions de prévues avec le gouvernement à l’automne, avant la présentation de sa copie finale pour le budget 2026. D’ici là, tout peut arriver, même une remontada.