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Une commission d’enquête au Sénat sur le coût et les missions des agences de l’Etat

Le groupe LR veut lancer un travail de contrôle parlementaire dans les prochains mois sur le millier d’opérateurs et agences qui dépendent de l'État. Son président, Mathieu Darnaud, souhaite identifier les doublons, pour aboutir à des économies.
Guillaume Jacquot

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« Le temps est venu de mener un véritable audit des opérateurs et agences de l’État : en la matière, il existe bel et bien des pistes d’économies. » C’est l’appel lancé par le président des sénateurs LR, Mathieu Darnaud, en réponse à la déclaration de politique générale de François Bayrou, le 15 décembre. Le président du premier groupe sénatorial compte bien mettre le pied dans la porte, alors que le Premier ministre a lui aussi ouvertement posé sur la table la question de la réforme de l’Etat et du millier d’agences et d’opérateurs qui exercent des missions pour le compte de l’Etat. Leur nombre a crû progressivement au fil des législatures, tout comme leur masse salariale.

Depuis plus d’un an, les Républicains y voient l’un des viviers d’économies. Ce week-end encore, ils ont symboliquement diminué de 2,5 % le nombre d’emplois au sein des opérateurs de l’Etat, soit 10 000 postes, dans le projet de loi de finances 2025.

Une rationalisation que la droite voulait entreprendre dès l’automne 2023

La droite sénatoriale n’en est pas à sa première alerte, puisqu’elle avait fait exactement de même en 2024, sans toutefois préciser où les effectifs devraient être coupés. Le gouvernement n’a pas apporté son soutien à cette modification. L’amendement, qui pourrait dégager 300 millions d’euros d’économies en année pleine, pourrait ne pas être retenu dans la suite de la navette parlementaire, mais témoigne de leur volonté de se faire entendre sur le sujet. Ces dernières années, plusieurs positions du Sénat ont fini par s’imposer à l’agenda politique.

En réponse au groupe LR la semaine dernière, le Premier ministre a fait savoir qu’il se saisirait de la question. « Comme vous nous avez invités à le faire, nous allons étudier de près la question des agences, passer en revue les dépenses non justifiées, remettre à plat les augmentations dont nous ne parvenons pas à assurer le suivi. » La veille, devant les députés, il avait précisé que les parlementaires seraient « pleinement associés à cet effort d’organisation et de rationalisation ».

« L’heure du grand audit »

La droite sénatoriale va prendre les devants les prochains jours. « L’heure du grand audit de ces organismes est donc venue », a fait savoir ce dimanche Mathieu Darnaud, dans les colonnes du Figaro. Le sénateur de l’Ardèche précise que son groupe va faire usage de son droit de tirage pour demander une commission d’enquête sur le sujet. Chaque groupe politique peut en effet demander un travail de contrôle parlementaire sur le sujet de son choix. La conférence des présidents du Sénat doit désormais entériner cette demande. Celle-ci se réunit la prochaine fois le 29 janvier.

Arme la plus puissante du travail de contrôle parlementaire, la commission d’enquête permet à ses membres d’obtenir des documents et d’auditionner toute personne sous serment, durant une durée de six mois. Le groupe LR espère commencer les travaux « dès février », la commission devrait donc livrer ses recommandations cet été, de quoi laisser le temps d’en tirer les conclusions pour les débats budgétaires de l’automne prochain. « Tous les ministres, les opérateurs et les responsables des services de l’État concernés seront auditionnés », annonce Mathieu Darnaud.

« Il ne s’agit nullement de faire de la démagogie […] La proposition des sénateurs LR n’est pas frondeuse, elle vise à être utile. Nous voulons simplement savoir qui fait quoi », précise le sénateur à nos confrères du Figaro.

« La base d’un travail en profondeur »

La mission doit aboutir à un « diagnostic complet » mais aussi être « un point de départ, la base d’un travail en profondeur ». Mathieu Darnaud vise en effet un effort de rationalisation. Le rapport devrait être la base de travail pour regrouper ou supprimer certains organismes. « Une action législative s’imposera », se projette-t-il. L’autre ambition affichée est celle d’une simplification, alors que le sénateur s’interroge sur les périmètres parfois concurrents de plusieurs organisations. « L’État doit retrouver toute son efficience », résume-t-il.

Le sujet ne date pas d’hier. Déjà en mars 2012, l’Inspection générale des finances (IGF) s’interrogeait sur la progression du nombre d’agences. Elle en avait à l’époque recensé 1 244 et avait épinglé un phénomène « inflationniste en termes de moyens humains et financiers », « qui s’est développé sans stratégie d’ensemble ».

Au sein de la myriade de commissions, conférences et autres agences publiques, seul le périmètre des opérateurs de l’Etat fait l’objet chaque année d’un décompte précis. Parmi ses derniers figurent des organismes bien connus des Français, comme les musées, les universités, France Travail, Météo France, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), et d’autres moins grand public comme l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Selon le dernier rapport en date du ministère des Finances, les 434 opérateurs de l’Etat employaient plus de 402 000 personnes en équivalent temps plein, pour un budget cumulé de 77 milliards d’euros.

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