Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Une proposition de loi visant à proscrire les lieux dits « no kids » déposée au Sénat
Par Camille Gasnier
Publié le
« Marquer un coup d’arrêt » à une pratique grandissante
Les espaces réservés aux adultes sont minoritaires en France, mais existent. En effet, plusieurs campings et hôtels offrent ce type de prestations. Cette pratique est de plus en plus courante dans plusieurs pays dans le monde, comme en Italie ou en Espagne. La compagnie aérienne turque Corendon Airlines offre sur certaines lignes des voyages où les enfants ne sont pas admis.
La sénatrice estime que cela pourrait se généraliser en France : « proposer des lieux sans enfants, crée la demande et la justifie ». Elle a alors déposé cette proposition de loi dans le but « d’attirer l’attention du débat public » avant que cette pratique commerciale ne s’installe dans notre pays.
Une proposition de loi qui amende l’article 225-1 du Code pénal
Ce texte modifie l’article 225-1 du Code pénal qui interdit déjà toute discrimination en y ajoutant la phrase suivante : « Constitue également une discrimination l’exclusion de mineurs de lieux de vie, de l’espace public, d’espaces commerciaux, des transports et toute autre exclusion qui ne serait pas justifiée par des exigences de sécurité propres aux enfants ou par l’absence de capacité civile. ».
Selon Laurence Rossignol, l’article déjà existant n’est pas suffisant pour éviter l’instauration de lieux excluant les enfants dans la mesure où « le plus souvent, cette loi est comprise comme protégeant les personnes les plus âgées » en visant notamment les discriminations à l’embauche, « elle est rarement utilisée pour protéger les enfants ».
Si à l’avenir, en France, des entreprises proposaient des espaces interdits aux enfants, cela n’irait pas à l’encontre de la liberté d’entreprendre qui garantit une liberté dans l’exercice de toute activité professionnelle. La sénatrice rappelle que « toutes les libertés sont soumises à des restrictions d’ordre public ».
« C’est un signe d’intolérance de la part de nos sociétés »
L’élue socialiste souligne que ces pratiques « poussent l’entre-soi à son paroxysme, et sont le signe d’une société intolérante ». Une intolérance à l’égard des enfants qui seraient ainsi considérés comme « un facteur irritant dans un certain nombre d’espaces de vie ».
Ces lieux seraient également discriminatoires pour les familles : « il est nécessaire de soutenir que les enfants sont bienvenus dans notre société, or quand on exclut les enfants, on exclut également les familles ». Un discours qui résonne avec la volonté d’Emmanuel Macron d’accroître la natalité, notamment par un « réarmement démographique » annoncé le 16 janvier dernier à l’occasion de la conférence de presse.
Pour aller plus loin