Vie chère en Outre-mer : un rapport du Sénat recommande des mesures « immédiates » et « durables »

La délégation sénatoriale aux Outre-mer a dévoilé son rapport d’information sur la vie chère en Outre-mer. Les rapporteurs pointent « un cycle infernal et récurent » d’une vie « devenue extrêmement chère » en Outre-mer.
Marius Texier

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« On ne peut plus se contenter de pansements, il nous faut des vrais remèdes », lance la sénatrice Les Républicains de Saint-Barthélemy et présidente de la Délégation sénatoriale aux Outre-mer, Micheline Jacques, en préambule de la conférence de presse sur le rapport d’information contre la vie chère en Outre-mer. « Les événements en Martinique nous ont rappelé la problématique de la vie chère ».

Entre septembre et octobre 2024, de nombreuses manifestations ont éclaté en Martinique. Les manifestants se sont opposés aux prix élevés des produits en provenance de la métropole. « Pour le secteur de l’alimentaire, on ne parle plus d’une vie chère mais plutôt d’une extrême vie chère », s’inquiète la sénatrice socialiste Viviane Artigalas, rapporteure de la mission d’information.

Dans les départements et régions d’Outre-mer (DROM), l’écart de prix par rapport à l’Hexagone est considérable. En moyenne, les écarts varient entre 30 % et 40 % dans l’alimentation par rapport à la métropole. Cet écart s’élève même jusqu’à 78 % en Nouvelle-Calédonie. Dans le secteur automobile, le rapport montre également un intervalle important. Les véhicules neufs coûteraient 10 % à 15 % plus chers qu’en métropole et les pièces détachées 20 % à 25 % de plus.

« La gouvernance dans la lutte contre la vie chère doit être consolidée »

« Nous avons la problématique d’entreprises en situation d’oligopole dans les DROM », prévient Viviane Artigalas. « De plus, tout le long de la chaîne de distribution, des marges artificielles sont opérées par les entreprises et les intermédiaires ». Le rapport vise à « rétablir une confiance » en garantissant une « juste transparence » des entreprises. Pour ce faire, il recommande de dissuader la non-publication des comptes des entreprises en permettant la saisine du tribunal de commerce. L’Observatoire des prix, des marges et des revenus dans les Outre-mer (OPMR) doit également être doté d’un budget consolidé afin d’accroître les possibilités de saisine.

« La gouvernance dans la lutte contre la vie chère doit être consolidée », insiste Viviane Artigalas. Son collègue et rapporteur du texte, le sénateur RDPI de Polynésie française, Teva Rohfritsch, ajoute : « Au cours des 15 dernières années, le Parlement a doté les Outre-mer d’un arsenal législatif riche, mais qui est dans les faits peu utilisé. Les outils sont là, à nous d’accroître l’autorité de la concurrence pour les rendre effectifs ». Une obligation pour les opérateurs livrant en France hexagonale d’accepter « les livraisons vers les territoires ultramarins » est recommandée, ainsi qu’une simplification des procédures douanières pour les acteurs de e-commerce implantés en Outre-mer.

Une taxe unique dans les DROM

Outre les nombreux intermédiaires dans la chaîne de distribution qui font gonfler les prix, la plupart des produits vendus dans les DROM sont assujettis à la taxe « octroi de mer ». Cette taxe spécifique des DOM est souvent accusée d’augmenter les prix. Elle représente en moyenne 5 % du prix final. Mais son aménagement pose un problème : les recettes s’élèvent à près d’un milliard d’euros et représentent une part non négligeable du budget des collectivités territoriales. Dans certaines communes des DROM, la taxe correspond à près de la moitié des rentrées fiscales. « L’octroi de mer permet une autonomie fiscale, mais elle est incomprise », pointe le sénateur RDPI de Guadeloupe, Dominique Théophile. « Certains la surnomment même « l’octroi de maire ». Il nous faut moderniser cette taxe ».

L’idée de rendre la taxe déductible sur les biens importés sans équivalent local est préconisée dans le rapport. « Nous devons aussi limiter les effets de la taxe sur les produits indispensables, de première nécessité », recommande Dominique Théophile.

Moderniser les infrastructures

« Nous l’avions déjà martelé dans nos précédents rapports, mais l’éloignement de nos territoires peut être atténué », se rassure Dominique Théophile. Car l’une des principales causes de la vie chère dans les DROM reste indiscutablement son éloignement de la métropole. « C’est l’une des principales contraintes auxquelles toutes les petites économies insulaires sont confrontées », pointe le rapport. Pour pallier cette problématique géographique, un plan de modernisation des infrastructures portuaires, aéroportuaires et douanières est envisagé afin de renforcer leur compétitivité et leur positionnement de hub régional.

« On doit privilégier l’ancrage local »

« L’écueil à éviter c’est de désigner un coupable unique dans les causes de la vie chère en Outre-mer », juge Viviane Artigalas. « L’une des causes c’est aussi la course derrière la métropole. On doit privilégier l’ancrage local ». Le rapport insiste sur la nécessité d’un « sourcing » des acteurs locaux. « En s’approvisionnant dans l’espace régional proche, des circuits régionaux peuvent se substituer aux importations transocéaniques », est-il écrit.

« Nous devons nous aider des pays développés régionaux », insiste le sénateur de Polynésie française Teva Rohfritsch qui se dit « très préoccupé » par les mesures douanières instaurées par Donald Trump. « La Californie est la première côte avec laquelle nous travaillons. Nos exportateurs sont sur le qui-vive ».

Saint-Pierre-et-Miquelon taxé à 50 % par les droits de douane américains

Mercredi 2 avril, le président américain a annoncé des droits de douane « réciproques » à l’encontre de nombreux pays. En France, les DROM sont particulièrement touchés à l’exception des Antilles et de la Polynésie française avec une taxe de 10 % sur les produits importés.

Les mesures sont plus drastiques pour d’autres territoires d’Outre-mer. Les droits de douane s’élèvent désormais à hauteur de 37 % pour la Réunion et 50 % pour Saint-Pierre-et-Miquelon. La sénatrice Micheline Jacques ne cache pas son étonnement : « Il n’y a pas de cohérence dans cette différenciation des droits de douane pour les DROM. Ces taxes auront un impact considérable notamment pour Saint-Pierre-et-Miquelon qui subit une double peine avec ses exportations vers le Canada qui sont également taxées ».

Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, doit présenter « avant l’été » son projet de loi contre la vie chère en Outre-mer au Parlement. « Nous espérons que nos recommandations seront prises en compte », conclut le sénateur Dominique Théophile.

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