Viol : le Sénat adopte à l’unanimité la notion de non-consentement dans le code pénal

Mercredi soir, le Sénat a adopté à l’unaniumité la proposition de loi qui réécrit les dispositions du code pénal portant sur l’ensemble des agressions sexuelles, dont le viol, désormais définis comme « comme tout acte sexuel non-consenti ».
Simon Barbarit

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Il n’y avait pas vraiment de suspense sur l’issue de ce vote car la proposition de loi portée par les députées Véronique Riotton (Renaissance) et Marie-Charlotte Garin (écologiste) et déjà adoptée à l’Assemblée était soutenue par la majorité sénatoriale de la droite et du centre. La proposition de loi sur la définition pénale du viol a été adoptée à 323 voix pour.

Le texte réécrit les articles 222-22 et 222-23 du code pénal portant sur les agressions sexuelles dont le viol. Jusqu’à présent le viol était défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». La notion de consentement n’y est donc pas mentionnée.

Sous la plume des parlementaires, le viol et l’ensemble des agressions sexuelles sont définis « comme tout acte sexuel non-consenti ». « Le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable » et « ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ». Mais comme Marie-Charlotte Garin l’avait expliqué en novembre dernier devant la délégation aux droits des femmes du Sénat, l’objectif des auteurs n’était « en aucun cas de remplacer la violence, la contrainte, la menace et la surprise » mais d’« élargir » le texte. C’est pourquoi il précise qu’« il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

Introduire la notion de non-consentement dans le code pénal est l’aboutissement d’un long cheminement. Plusieurs textes à L’Assemblée comme au Sénat avaient été déposés en ce sens. Mais l’opportunité de cette réécriture interrogeait élus et praticiens du droit. Il y a un mois devant la délégation aux droits des femmes du Sénat, les avocats de Gisèle Pelicot étaient restés mesurés sur l’impact d’un tel changement de législation. Des vidéos, preuves irréfutables, n’avaient pas empêché les avocats de la défense de questionner le consentement de Gisèle Pelicot, droguée et abusée par son mari, Dominique Pelicot et des dizaines de co-auteurs pendant une décennie. « Si ce mot consentement, que nous professionnels du droit, comprenons comme sous-entendu, il faut que n’importe qui […] comprenne que le consentement est essentiel », avait plaidé Me Stéphane Babonneau, devant les sénatrices.

Un texte « à portée éducative » pour le gouvernement

A la tribune mardi soir, le garde des Sceaux, Gérald Darmanin s’est inscrit dans cette philosophie et a rappelé « la portée » de cette loi. « Ce n’est pas un nouveau texte, technique et juridique mais avant tout un texte de civilisation et d’humanité, surtout un texte d’espoir » […] Cette proposition à une vocation éducative pour toute la société. Elle dit à toute la société, formellement, qu’aucun acte sexuel ne peut être imposé, que le consentement ne se présume pas ».

La ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Aurore Bergé a souligné qu’il « ne s’agissait pas de caricaturer l’exigence » du consentement « en y voyant une bureaucratisation du désir ou en évoquant ironiquement un contrat signé avant chaque relation sexuelle » […] « un pas décisif vers une véritable culture du consentement ». La ministre, a par ailleurs indiqué le travail en cours pour l’élaboration d’une loi-cadre sur les violences sexuelles ou intrafamiliales pour les victimes majeures ou mineures

Aucun amendement n’a été adopté en séance publique. La co-rapporteure du texte, Dominique Vérien (centriste) a souligné le risque pris par le législateur lorsqu’il s’agit de toucher une loi pénale. « Les conséquences d’une censure lors d’une question prioritaire de constitutionnalité sont dévastatrices pour les victimes. C’est un risque que nous devons à tout prix éviter », a-t-elle justifié en rappelant les avis défavorables ou de demandes de retrait de la commission sur des amendements de la sénatrice RDSE, Véronique Guillotin visant à intégrer la soumission chimique comme une circonstance aggravante de l’infraction ou d’autres sur la répression de la prostitution des mineurs de moins de 15 ans, « dénués de lien » avec la proposition de loi pour la commission. Et feraient donc courir le risque d’une censure par le Conseil constitutionnel. « Ne pas voter cet amendement est un acte politique grave de la part du Sénat face à la situation que vit cet hémicycle et qui me semble-t-il n’est toujours pas réglé », a estimé la sénatrice PS, Marie-Pierre de la Gontrie qui avait déposé un amendement similaire. L’élue de Paris faisait référence à l’affaire qui vise le sénateur Joël Guerriau accusé par la députée Sandrine Josso de l’avoir drogué pour abuser d’elle.

Les amendements de l’ancienne ministre aux droits des femmes, Laurence Rossignol (PS) ont également été rejetés, comme celui indiquant que le consentement ne pouvait être déduit de l’échange d’une rémunération ou d’un avantage ou de la promesse d’une rémunération ou d’un avantage.

La réécriture du code pénal « accrédite l’idée que le consentement est l’affaire des femmes »

Laurence Rossignol a, également, estimé que le terme consentement n’était pas éducatif mais « mé-éducatif ». « Les hommes qui violent savent très bien qu’ils violent. Il n’y a pas de viols par inadvertance ou par ignorance. Pour la sénatrice, cette réécriture du code pénal « accrédite l’idée que le consentement est l’affaire des femmes ». « Parler de consentement, c’est perpétuer une représentation de la sexualité qui n’est pas fondée sur l’égalité et le désir », a-t-elle fait valoir proposant de remplacer le terme « consentement » par celui de « volonté ». Le groupe socialiste a néanmoins voté la proposition de loi.

« Ne risque-t-on pas de tourner le procès uniquement vers l’attitude de la victime »

A gauche, la majorité du groupe communiste s’est quant à elle, abstenue. « Ce terme (consentement) est loin de faire consensus. Je partage les craintes de ces nombreuses féministes quant à l’introduction de cette notion dans le code pénal […] Si la victime sait qu’elle n’a pas consenti comment le violeur pourrait ne pas le savoir ? Ne risque-t-on pas de tourner le procès uniquement vers l’attitude de la victime et non du comportement de l’agresseur », a mis en avant Silvana Silvani, sénatrice de Meurthe-et-Moselle ;

En commission, les sénateurs avaient effectué quelques modifications mineures dans le texte des députés, ce qui va conduire à la convocation d’une commission mixte paritaire réunissant 7 députés et 7 sénateurs pour aboutir à un compromis préalable à l’entrée en vigueur de cette loi.

Le Sénat a notamment préféré établir dans le code pénal que le non-consentement serait « apprécié » par les juges au regard du « contexte », plutôt que des « circonstances environnantes », formule retenue à l’Assemblée mais peu connu en droit français selon les sénateurs.

 

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