C’est une polémique récurrente, après chaque débordement, qu’il ait lieu dans une manifestation, après un événement grave comme la mort de Nahel Merzouk en juin 2023, ou encore suite à un événement sportif, comme ce samedi soir à Paris, après la victoire du PSG en Ligue des Champions. Sur les réseaux sociaux se multiplient des vidéos de saccages, de pillages de lieux publics ou de commerces, les réactions politiques se succèdent, condamnant les violences. Ce week-end, le ministre de l’Intérieur, et nouvellement élu président du parti Les Républicains, Bruno Retailleau a qualifié les casseurs de « barbares », provoquant une levée de boucliers à gauche et des critiques dans le camp macroniste. Le ministre, qui revendique l’utilisation de ce terme, est partisan depuis longtemps de la fermeté envers les casseurs.
En 2018, Bruno Retailleau propose une loi « anti-casseurs »
En juin 2018, avant même le début du mouvement des Gilets Jaunes et les débordements qu’il a engendrés, Bruno Retailleau, alors président du groupe LR au Sénat, avait déjà déposé une proposition de loi « anti-casseurs ». Elle se voulait une réponse aux violences du 1er mai 2018 (au cours desquelles Alexandre Benalla avait été filmé brutalisant des manifestants). Le texte voulait « graver dans le marbre de la loi la possibilité de mettre hors d’état de nuire les casseurs et les agresseurs des forces de l’ordre ». Le texte est examiné et adopté par le Sénat le 23 octobre 2018, soit quelques semaines avant le début du mouvement des Gilets Jaunes. Le texte permet la création de périmètres dans les manifestations à l’intérieur desquels les policiers pourront fouiller les manifestants, crée un délit de dissimulation du visage et donne au préfet de droit d’interdire à une personne de manifester, si elle représente une menace à l’ordre public. C’est cette mesure qui est la plus décriée par le camp d’Emmanuel Macron.
En 2019, le gouvernement d’Edouard Philippe reprend le texte de Bruno Retailleau
Mais quelques mois plus tard, alors que les Gilets Jaunes et la violence des manifestations et de la réponse policière font rage, le gouvernement d’Edouard Philippe cherche une porte de sortie. C’est tout opportunément que le texte de Bruno Retailleau est mis à disposition du Premier ministre. Le texte est adopté par les députés le 5 février 2019, malgré l’abstention de plusieurs députés macronistes. Après un dernier examen au Sénat, la proposition de loi est soumise par Emmanuel Macron lui-même au Conseil constitutionnel. Les Sages censurent partiellement la proposition de loi, en particulier la disposition permettant aux préfets d’interdire la manifestation aux individus représentant une « menace à l’ordre public ». Selon eux, elle est attentatoire au « droit d’expression collective des idées et des opinions ».
Bruno Retailleau demandait des « brigades anti-black blocks »
Un revers que les LR du Sénat ont du mal à accepter, mais qui ne décourage pas Bruno Retailleau. En avril 2019, il plaide pour un réexamen du texte. En décembre 2020, après les violences observées lors des manifestations contre la loi dite « sécurité globale », il plaide sur BFMTV pour la mise en place de « brigades anti-black blocks ». Il imaginait une brigade dont la mission serait « l’infiltration, l’étude des images », pour « avoir des incriminations ».
Une nouvelle unité mobile depuis 2019 : la BRAV-M
Depuis les Gilets Jaunes, pourtant, le ministère de l’Intérieur a créé une nouvelle unité de forces de police, la BRAV-M, pour brigade de répression de l’action violente motorisée. Composée de policiers à moto, elle doit être envoyée dans les cas où une intervention rapide est nécessaire. Pourtant, depuis leur mise en place, leur action est souvent critiquée. Plusieurs accusations d’interpellations violentes, racistes, homophobes ciblent la brigade. Le 26 mai dernier, deux policiers de cette unité ont été condamnés à de la prison avec sursis pour violences lors d’une manifestation contre la réforme des retraites, en 2023.
La BRAV-M rappelle les voltigeurs, ces policiers à deux-roues munis de matraques en bois, ou bidules, dont trois membres avaient pourchassé puis battu à mort l’étudiant Malik Oussekine le 6 décembre 1986 à Paris. La brigade avait été dissoute la même année.
Depuis 2019, pas de nouvelle loi « anti-casseurs »
Après la loi « anti-casseurs » de 2019, plus aucune loi sur le sujet n’a été adoptée. La loi « sécurité globale », votée en 2021, qui élargit la vidéosurveillance et encadre la captation d’images de forces de l’ordre, ne cible pas directement les personnes commettant des violences lors de rassemblements. Pour autant, en 2023, en plein mouvement de contestation de la réforme des retraites et après un nouveau 1er mai sous haute tension, le sujet refait surface. Le garde des Sceaux de l’époque, Éric Dupond-Moretti, et le ministre de l’Intérieur d’alors, Gérald Darmanin, annoncent travailler sur une nouvelle loi « anti-casseurs ».
Le projet des deux hommes est percuté de plein fouet par les révoltes urbaines de juin et juillet 2023, suite à la mort de Nahel Merzouk, un jeune homme de Nanterre, tué par un tir de policier le 27 juin. [Ce mardi, l’on apprend que ce dernier sera jugé pour meurtre.] Plusieurs nuits de violences et de pillages, de saccages de commerces et de lieux publics, qui auraient coûté près d’un milliard d’euros, d’après un rapport sénatorial. Pour répondre à la crise, un projet de loi de « reconstruction » est adopté en juillet 2023, mais il ne vise qu’à aider les territoires touchés à faire face aux coûts de nuits de violences. C’est en mai 2025 qu’un texte vise à répondre à ces événements : la proposition de loi de Gabriel Attal, qui cible la réponse judiciaire à la délinquance des mineurs.