ZAN : le Sénat vote l’assouplissement de la loi sur l’artificialisation des sols

Les sénateurs ont très largement adopté la proposition de loi visant à modifier le « zéro artificialisation nette ». Le texte supprime notamment l’objectif de réduire de 50 % l’artificialisation des sols d’ici 2031. Les socialistes se sont abstenus, dénonçant « un détricotage ». Les écologistes s’y sont opposés, fustigeant « une loi à contretemps ».
Rose-Amélie Bécel

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« Au nom des maires, merci ! », a salué Guislain Cambier, après la large adoption, avec 260 voix pour et 17 contre, de la proposition de loi visant à assouplir le « zéro artificialisation nette » (ZAN), ce 18 mars au Sénat. Auteur du texte, avec son collègue Les Républicains Jean-Baptiste Blanc, le sénateur centriste assure qu’il permettra de « redonner la main » et de « rendre leur liberté » aux élus locaux.

Introduit en 2021 avec la loi Climat et résilience, le ZAN oblige à compenser toute construction par la renaturation d’un espace équivalent, pour freiner l’étalement urbain et la bétonisation. Si cet objectif ambitieux doit s’appliquer à l’horizon 2050, l’artificialisation des sols doit déjà être divisée par deux d’ici 2031. « Quatre ans après la loi Climat et résilience, on a fait le constat d’une mise en œuvre impossible des objectifs fixés en matière d’artificialisation des sols », a observé le sénateur Les Républicains Jean-Marc Boyer, rapporteur de la proposition de loi.

Suppression de l’objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation des sols

Pour simplifier la vie des élus locaux, le texte prévoit donc comme mesure phare la suppression de l’objectif intermédiaire de réduction de 50 % de l’artificialisation des sols à l’horizon 2031. Celui-ci est remplacé par une nouvelle trajectoire, librement fixée par les régions, qui devra être atteinte d’ici 2034. « Nous passons d’une impossibilité à mettre en œuvre des objectifs imposés d’en haut par l’Etat, à une mise en place concertée et possible d’une sobriété foncière soutenable pour nos collectivités », s’est félicité Jean-Marc Boyer.

Le texte vise aussi à exempter certaines constructions du décompte de l’artificialisation des sols, jusqu’en 2036 : les logements sociaux dans les communes qui n’atteignent pas leurs objectifs, les bâtiments industriels, ainsi que les infrastructures de production d’énergies renouvelables. « Nous devons assurer la transition énergétique, la construction de logements sociaux et la réindustrialisation du pays, ce sont des priorités », a affirmé Guislain Cambier.

Si la marche intermédiaire du ZAN est supprimée, la majorité sénatoriale affirme que l’ambition reste d’atteindre la zéro artificialisation nette d’ici à 2050. À gauche, la promesse ne convainc pas tout le monde. Si les communistes se sont prononcés en faveur du texte, les socialistes ont choisi de s’abstenir et les écologistes s’y sont fermement opposés.

« C’est une loi à contretemps. Une prime pour les mauvais élèves, pour ne pas dire les sauvageons ! »

Tout au long de l’examen du texte, les débats entre écologistes et majorité sénatoriale ont été tendus. « C’est une loi à contretemps. Une prime pour les mauvais élèves, pour ne pas dire les sauvageons ! », s’est emporté le sénateur écologiste Ronan Dantec. « Les débats qui ont eu lieu ici ont montré la césure entre les réactionnaires, qui n’ont pour objectif que de préserver leur matrice intellectuelle, leur chasse gardée technocratique et leurs méthodes coercitives, et le camp du progrès », a renchéri Guislain Cambier.

Pour les opposants à la proposition de loi, le texte va en réalité à l’encontre des aspirations de la majorité des élus locaux, qui intègrent déjà les objectifs du ZAN dans leurs plans d’urbanisme. « La plupart des régions ont aujourd’hui adopté, ou sont sur le point d’adopter, un SRADDET [plan d’urbanisme au niveau régional] qui intègre l’objectif de réduction de 50 % de l’artificialisation. C’est aussi le cas de régions de droite comme la Normandie ou les Hauts de France », a expliqué Ronan Dantec. « Les régions qui ont déjà élaboré leur SRADDET avec les dispositions législatives actuelles n’ont aucune obligation de modification », a au contraire souligné Jean-Marc Boyer.

De son côté, le sénateur socialiste Christian Redon-Sarrazy affirme que la proposition de loi « apporte un détricotage, en lieu et place d’une simplification ». La suppression de l’étape intermédiaire et les nouvelles dérogations votées rendraient, en effet, l’objectif de 2050 difficilement atteignable. « L’abrogation aurait été plus simple », a ironiquement observé Ronan Dantec : « Cette loi ZAN 3, c’est environ 20 000 hectares consommés par an jusqu’au milieu des années 2040, et puis par miracle le zéro quasiment du jour au lendemain dans les années qui suivent. Strictement personne n’y croit ! »

« Le ZAN ne doit pas être perçu comme un frein au développement de nos territoires », juge le ministre François Rebsamen

Au fil des débats, le gouvernement s’est de son côté montré prudent. Réservé sur les deux mesures phares du projet de loi, le ministre de l’Aménagement du territoire a proposé des amendements de compromis, rejetés par la majorité sénatoriale. Lors du vote final, François Rebsamen a tout de même tenu à saluer « la grande qualité des débats et la dimension constructive des échanges ». « Le ZAN ne doit pas être perçu comme un frein au développement de nos territoires, mais plutôt comme un levier permettant de bâtir des politiques d’aménagement plus durables », a-t-il affirmé.

Malgré les réserves émises sur certains aspects du texte, le gouvernement a choisi d’actionner la procédure accélérée, pour éviter la multiplication des navettes entre les deux chambres. La proposition de loi doit donc poursuivre son parcours à l’Assemblée nationale, où elle devrait être inscrite avant la pause estivale.

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